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tistevan Ojozio a ajoutés à ce poëme (1). Il n'y a point de merveilleux chrétien dans cet ouvrage ; c'est une narration historique de quelques faits arrivés dans les montagnes du Chili. La chose la plus intéressante, est d'y voir figurer Ercylla lui-même, qui se bat et qui écrit. Le poëme est mesuré en octaves, comme l'Orlando et la Jérusalem. La littérature italienne donnoit alors le ton à toutes les littératures de l'Europe. Ercylla chez les Espagnols, et Spenser chez les Anglois, ont fait des stances, et imité l'Arioste , jusques dans son exposition. Ercylla dit:

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No las damas, amor, no gentilezas
De cavalleros canto enamorados,
Ni las muestras, regalos y ternezas
De amorosos afectos y cuydados :
Mas el valor, los hechos, las proezas
De aquelos Espagnoles esforçados,
Que a la cerviz de Arauco no domada
Pusieron duro yugo por la espada.

C'étoit encore un bien riche sujet d'Epo

pée que celui de la Lusiade. On a peine à

(1) Il s'est trouvé un Espagnol qui, a eu l'assurance d'entreprendre, après le Tassé, une Jérusalem conquise. Ses compatriotes jouent le premier rôle dans son poëme, que nous n'avons jamais eu le courage de lire jusqu'au bout.

concevoir comment un homme du génie du Camoëns, n'en a pas su tirer un plus grand parti. Mais enfin, il faut se rappeler qu'il fut le premier épique moderne, qu'il vivoit dans un siècle barbare, qu'il y a des choses touchantes (1), et quelquefois sublimes dans les détails de son poëme, et qu'après tout, le chantre du Tage fut le plus infortuné des mortels. C'est un sophisme, digne de la dureté de notre siècle, d'avoir avancé que les bons ouvrages se font dans le malheur : il n'est pas vrai qu'on puisse bien écrire quand on souffre. Tous ces hommes ardens, qui se consacrent au culte des muses, se laissent encore plus vîte submerger à la douleur que les hommes ordinaires : les grandes ames, comme les grands fleuves, sont sujettes à noyer leurs rivages.

Le mélange que le Camoëns a fait de la fable et du christianisme, nous dispense de parler du merveilleux de son poëme.

M. Klopstock est aussi tombé dans le défaut d'avoir pris le merveilleux du christianisme pour sujet de son poëme. Son premier personnage est un Dieu, et cela seul

(1) Néanmoins nous différons encore ici des autres critiques; l'épisode d'Inès nous semble pur, touchant, mais généralement trop loué, et bien loin d'avoir les développemens dont il étoit susceptible.

suffiroit pour détruire l'intérêt tragique; cependant il y a de belles choses dans le Messie. Les deux amans ressuscités par le Christ, offrent un épisode que la mythologie n'auroit pu fournir. Nous ne nous rappelons point de personnages arrachés au tombeau, chez les anciens, si ce n'est Alceste, et Hérès de Pamphilie, dans le dixième livre de la République de Platon.

M. Klopstock, en alliant le merveilleux du christianisme avec les connoissances que lui donnoit son siècle, en a tiré des machines nouvelles. Ce qu'on remarque sur-tout dans le merveilleux du Messie, c'est l'abondance et la grandeur; tous ces globes habités par des êtres différens de l'homme, cette profusion d'anges, d'esprits de ténèbres, d'ames à naître, ou d'ames qui ont déjà passé sur la terre, jettent l'esprit dans l'immensité. Le caractère d'Abbadona, l'ange repentant, est une conception heureuse. M. Klopstock a aussi créé une sorte de séraphins mystiques, tout-à-fait inconnus avant lui. Nous en parlerons dans un autre lieu.

Gessner a laissé dans la mort d'Abel, un ouvrage d'une douce et tendre majesté. Il seroit sans défaut, et prouveroit beaucoup en faveur du génie poétique du christianisme, s'il n'avoit pas cette teinte moutonnière, que les Allemands ont donnée aux

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sujets tirés des Ecritures: ils ont presque tous péché contre une des plus grandes loix de l'Epopée, la vraisemblance des mœurs; et transformé les rois pasteurs d'Orient'en innocens bergers d'Arcadie.

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L'auteur du poëme de Noé ne peut s'en prendre qu'à lui-même s'il a échoué dans son sujet. Quelle carrière, pour une imagination féconde, qu'un monde anti-diluvien! Elle n'a pas même tout à créer car si l'on fouille le Critias, les chronologies d'Eusèbe, quelques traités de Lucien et de Plutarque, on trouvera une ample moisson. Scaliger a cité un fragment de Polyhistor, où cet auteur parle de certaines tables, écrites avant le déluge, et conservées à Sippary, la même vraisemblablement que la Sipphara de Ptolémée (1). Les muses sont des divinités, qui parlent toutes les langues, et que de choses ne pouvoientelles pas lire sur ces tables!

(1) A moins qu'on ne fasse venir Sippary du mot hebreu Sepher, qui signifie bibliothèque. Josephe, liv. I, c. II, de Antiq. Jud,, parle de deux colonnes, l'une de brique et l'autre de pierre, sur lesquelles les enfans de Seth avoient gravé les sciences humaines, afin qu'elles ne périssent point au déluge, qui avoit été prédit par Adam. Ces deux colonnes subsistèrent long-tems après Noé,

C.:

CHAPITRE V I.

La Henriade.

Si la Henriade, malgré la perfection de

la narration, et la beauté des vers, dans quelques chants, n'est pas une excellente Epopée, ce n'est pas parce que la machine en est puisée dans le christianisme; mais au contraire parce que l'auteur n'étoit pas. chrétien. M. de Voltaire doit même à la religion qu'il a persécutée, les morceaux les plus frappans de son poëme épique, et les plus belles scènes de ses tragédies.

Il faut que chaque chose soit mise en son lieu. Une philosophie sage, une morale froide et sévère conviennent au génie de l'histoire; mais ce même esprit, transporté à l'Epopée, est peut-être un contre-sens. Ainsi, lorsque M. de Voltaire invoque la vérité au commencement de son poëme, il peut se faire qu'il soit tombé dans une méprise. La poésie épique

Se soutient

par la fable et vit de fiction. Le Tasse, qui traitoit aussi un sujet chrétien, a fait ces vers charmans, d'après Platon et Lucrèce (1).

(1) Plat. de lege, lib. II. « Comme le médecin qui, » pour sauver le malade, mêle à des breuvages flatteurs

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