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DU CHRISTIANISME,

O.U

BEAUTÉS

POÉTIQUES ET MORALES

DE

LA RELIGION CHRÉTIENNE.

SECONDE PARTIE. POÉTIQUE DU CHRISTIANISME.

LIVRE V.

DU MERVEILLEUX, OU DE LA POÉSIE DANS SES RAPPORTS

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CHAPITRE PREMIER.

Que la mythologie rapetissoit la nature; que les anciens n'avoient point de poésie proprement dite descriptive.

NOUS

ous avons donc fait voir, dans les livres précédens, que le christianisme, en se mêlant

aux affections de l'ame, a multiplié les ressorts dramatiques. Encore une fois, le polythéisme ne s'occupoit point des vices et des vertus ; il étoit totalement séparé de la morale. Or voilà un côté immense, tout l'homme, que le christianisme embrasse de plus que l'idolâtrie. Voyons maintenant si dans ce qu'on appelle le merveilleux, il ne le dispute point en beautés à la mythologie même.

Nous ne nous dissimulons pas que nous avons à combattre un des plus anciens préjugés de l'école. Toutes les autorités sont contre nous, et l'on peut nous citer vingt vers de l'Art poétique, qui nous condamnent.

Et quel objet enfin à présenter aux yeux, etc.

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Quoi qu'il en soit, il n'est pas impossible de soutenir que la mythologie si vantée loin d'embellir la nature, en détruit les véritables charmes, et nous croyons que plusieurs littérateurs distingués sont à présent de cet avis.

Le plus grand et le premier vice de la mythologie, étoit d'abord de rapetisser la nature et d'en bannir la vérité. Une preuve incontestable de ce fait, c'est que la poésie que nous appelons descriptive, a été inconnue de toute l'antiquité; les poëtes même qui ont chanté la nature, comme Hésiode, Théocrite et Virgile, n'en ont point fait de

des

description, dans le sens que nous attachons à ce mot. Ils nous ont sans doute laissé d'admirables peintures des travaux, mœurs et du bonheur de la vie rustique; mais quant à ces tableaux des campagnes, des saisons, des accidens du ciel, qui ont enrichi la muse moderne, on en trouve à peine quelques traits dans leurs écrits.

Il est vrai que ce peu de traits est excellent, comme le reste de leurs ouvrages. Quand Homère a décrit la grotte du Cyclope, il ne l'a pas tapissée de lilas et de roses; il y a planté, comme Théocrite, des lauriers et de longs pins (1). Dans les jardins d'Alcinoüs, il fait couler des fontaines et fleurir des arbres utiles (2); il parle ailleurs de la colline, battue des vents et couverte de figuiers (3), et il représente la fumée des palais de Circé, s'élevant au-dessus d'une forêt de chênes (4).

(1) Μακρῆσιν τε πιτυσσιν ἰδὲδρυσιν υψικ όμοισιν. (Odis. lib. v. 186.)

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(2) Ογχναι.... Σύκαι τε γλυκεραι, etc. (Ibid. lib. 7, v. 6.)

(3) Υίδε παρασκοπιων καί ἔγινε ἐν ἡτὲ μύεντα. ( Il. lib. 22, v. 145.)

(4) Καί μοι εείσατο καπνὸς ἀπὸχ δενὸς ἐυρυοδείης Κέρκης ἐν μεγάροισι δια δριμά τικιά και ὕλητ

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Virgile a mis la même vérité dans ses peintures. Il donne au pin l'épithète d'harmonieux , parce qu'en effet, le pin a une sorte de doux gémissemens quand il est foiblement agité; les nuages, dans les Géorgiques, sont comparés à des flocons de laine roulés par les vents, et les hirondelles, dans l'Enéïde, gazouillent sous le chaume du roi Evandre, ou rasent les portiques. des palais. Horace, Tibulle, Properce, Ovide, ont aussi quelques ébauches de la nature; mais ce n'est jamais qu'un ombrage favorisé de Morphée, un vallon où Cythérée doit descendre, une fontaine où Bacchus repose dans le sein des Naïades.

L'âge philosophique de l'antiquité ne changea rien à cette manière. L'Olympe, auquel on ne croyoit plus, se réfugia chez les poëtes, qui protégèrent à leur tour les dieux qui les avoient protégés. Stace et Silius Italicus n'ont pas été plus loin que Homère et Virgile; Lucain seul avoit fait quelque progrès dans cette carrière, et l'on trouve dans la Pharsale la description d'une forêt et d'un désert, qui rappelle les couleurs modernes.

Enfin, les naturalistes furent aussi sobres que les poëtes; cependant Pline et Columèle ont plus décrit la nature qu'Aristote. Parmi les historiens et les philosophes, Xénophon,

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Tacité Plutarque, Platon et Pline le jeune (1), se font remarquer par quelques beaux tableaux.

On ne peut guères supposer que des hommes, aussi sensibles que les anciens, aient manqué d'yeux pour voir la nature, et de talent pour la peindre; il faut donc que quelque cause puissante les ait aveuglés. Or, cette cause étoit la mythologie, qui, peuplant l'univers d'élégans fantômes, ôtoit à la création, sa gravité, sa grandeur, sa solitude et sa mélancolie. Il a fallu que le christianisme vînt chasser tout ce peuple de faunes, de satyres et de nymphes , pour rendre aux grottes leur silence, et aux bois leur rêverie. Les déserts ont pris sous notre culte un caractère plus triste, plus vague, plus sublime; le dôme des forêts s'est exhaussé, les fleuves ont brisé leurs petites urnes, pour ne plus verser que les eaux de l'abîme du sommet des montagnes : le vrai Dieu, en rentrant dans ses œuvres, a donné son immensité à la nature.

(1) Voyez dans Xénophon la retraite des Dix-mille et le traité de la chasse; dans Tacite, la description du ⚫ camp abandonné, où Varus fut massacré avec ses légions (An. lib. I.); dans Plutarque, la vie de Brutus et de Pompée; dans Platon, l'ouverture du dialogue des loix, et la peinture d'un platane dans le Théete; dans Pline, la description de son jardin.

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