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Soupirez pour la gloire aussi bien que lui, malgré l'impuissance de vos années; vous attendez avec impatience le temps où vous pourrez vous déclarer son rival dans l'amour de cette divine maîtresse. Vous ne l'attendez pas, MONSEIGNEUR; vous le prévenez. Je n'en veux pour témoignage que ces nobles inquiétudes, cette vivacité, cette ardeur, ces marques d'esprit, de courage, et de grandeur d'ame, que vous faites paroître à tous les moments. Certainement c'est une joie bien sensible à notre monarque; mais c'est un spectacle bien agréable pour l'univers, que de voir ainsi croître une jeune plante qui couvrira un jour de son ombre tant de peuples et de nations.

Je devrois m'étendre sur ce sujet; mais, comme le dessein que j'ai de vous divertir est plus proportionné à

mes forces que се

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A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.

lui de vous louer, je me hâte de venir aux

fables, et n'ajouterai aux vérités que je vous ai dites que celle-ci; c'est, Monseigneur que je suis, avec un zèle respectueux,

Votre très humble, très obéissant,

et très fidèle serviteur,

DE LA FONTAINE.

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L'indulgence que l'on a eue pour quelques unes de mes fables me donne lieu d'espérer la même grace pour ce recueil. Ce n'est pas qu'un des maîtres de notre éloquence' n'ait désapprouvé le dessein de les mettre en vers : il a cru que leur principal ornement est de n'en avoir aucun; que d'ailleurs la contrainte de la poésie, jointe à la sévérité de notre langue, m'embarrasseroit en beaucoup d'endroits, et banniroit de la plupart de cés récits la breveté, qu'on peut fort bien appeler l'ame du conte, puisque sans elle il faut nécessairement qu'il languisse. Cette opinion ne

Notre poëte désigne ici Patru, célèbre avocat au parlement de Paris, et membre de l'Académie françoise, son ami et celui de Boileau.

que peu,

sauroit partir que d'un homme d'excellent goût : je demanderois seulement qu'il en relâchât quelet qu'il crût que les graces lacédémoniennes ne sont pas tellement ennemies des muses françoises, que l'on ne puisse souvent les faire marcher de compagnie.

Après tout, je n'ai entrepris la chose que sur l'exemple, je ne veux pas dire des anciens, qui ne tire point à conséquence pour moi, mais sur celui des modernes. C'est de tout temps, et chez tous les peuples qui font profession de poésie, que le Parnasse a jugé ceci de son apanage. A peine les fables qu'on attribue à Ésope virent le jour, que Socrate trouva à propos de les habiller des livrées des Muses. Ce que Platon en rapporte est si agréable, que je ne puis m'empêcher d'en faire un des ornements de cette préface. Il dit que Socrate étant condamné au dernier supplice, l'on remit l'exécution de l'arrêt à cause de certaines fêtes. Cébès l'alla voir le jour de sa mort. Socrate lui dit que les dieux l'avoient averti plusieurs fois, pendant son sommeil, qu'il devoit s'appliquer à la musique avant qu'il mourût. ll n'avoit pas entendu d'abord ce que ce songe signifioit: car, comme la musique ne rend pas

l'homme meilleur, à quoi bon s'y attacher? Il falloit qu'il y eût du mystère là-dessous, d'autant plus que les dieux ne se lassoient point de lui envoyer la même inspiration. Elle lui étoit encore venue une de ces fêtes. Si bien qu'en songeant aux choses que le ciel pouvoit exiger de lui, il s'étoit avisé que la musique et la poésie ont tant de rapport, que possible étoit-ce de la dernière qu'il s'agissoit. Il n'y a point de bonne poésie sans harmonie: mais il n'y en a point non plus sans fictions; et Socrate ne savoit que dire la vérité. Enfin il avoit trouvé un tempérament : c'étoit de choisir des fables qui continssent quelque chose de véritable, telles que sont celles d'Ésope. Il employa donc à les mettre en vers les derniers moments de sa vie.

Socrate n'est pas le seul qui ait considéré comme sœurs la poésie et nos fables. Phedre a témoigné qu'il étoit de ce sentiment; et, par l'excellence de son ouvrage, nous pouvons juger de celui du prince des philosophes. Après Phédre, Aviénus a traité le même sujet. Enfin les modernes les ont suivis : nous en avons des exemples, non seulement chez les étrangers, mais chez nous. il est vrai que, lorsque nos gens y ont travaillé,

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