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FABLE XIII.

L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS.

Un astrologue un jour se laissa choir

Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête?

Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.

Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,

Il en est peu qui fort souvent

Ne se plaisent d'entendre dire

I

Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce livre, qu'Homère et les siens ont chanté,
Qu'est-ce, que le hasard parmi l'antiquité,
Et parmi nous la providence?

1 C'est-à-dire Euripide et Platon (Prométhée, v. 513, REPUBL., liv. X), auteurs que La Fontaine considère comme appartenant à Homère, parcequ'ils ont écrit sous l'inspiration de ce grand poëte. (W.)

Or, du hasard il n'est point de science:
S'il en étoit, on auroit tort

De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort;
Toutes choses très incertaines.

Quant aux volontés souveraines
De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein,
Qui les sait, que lui seul? Comment lire en son sein?
Auroit-il imprimé sur le front des étoiles

Ce

que

la nuit des temps enferme dans ses voiles? A quelle utilité ? Pour exercer l'esprit

De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit?
Pour nous faire éviter des maux inévitables?
Nous rendre, dans les biens, de plaisirs incapables?
Et, causant du dégoût pour ces biens prévenus,
Les convertir en maux devant qu'ils soient venus?
C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire.
Le firmament se meut, les astres font leur cours,
Le soleil nous luit tous les jours,

Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire,
Sans que nous en puissions autre chose inférer
Que la nécessité de luire et d'éclairer,
D'amener les saisons, de múrir les semences,
De verser sur les corps certaines influences.
Du reste, en quoi répond au sort toujours divers
Ce train toujours égal dont marche l'univers?
Charlatans, faiseurs d'horoscope,

Quittez les cours des princes de l'Europe:

Emmenez avec vous les souffleurs' tout d'un temps:
Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens.
Je m'emporte un peu trop : revenons à l'histoire
De ce spéculateur qui fut contraint de boire.
Outre la vanité de son art mensonger,
C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères
Cependant qu'ils sont en danger,
Soit pour eux, soit pour leurs affaires.

m

FABLE XIV.

LE LIEVRE ET LES GRENOUILLES.

Un liévre en son gîte songeoit,

(Car que faire en un gîte à moins que l'on ne songe?) Dans un profond ennui ce lièvre se plongeoit : Cet animal est triste, et la crainte le ronge.

Les de naturel peureux

gens

Sont, disoit-il, bien malheureux!

Ils ne sauroient manger morceau qui leur profite :
Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers.
Voilà comme je vis : cette crainte maudite

C'est-à-dire les alchimistes, ceux qui cherchent la

pierre philosophale.

M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
Eh! la peur se corrige-t-elle?

Je crois même qu'en bonne foi

Les hommes ont peur comme moi.
Ainsi raisonnoit notre liévre,
Et cependant faisoit le guet.

Il étoit douteux, inquiet:

Un souffle,une ombre,un rien,tout lui donnoit la fièvre.
Le mélancolique animal,

En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit : ce lui fut un signal
Pour s'enfuir devers sa tanière.

Il s'en alla passer sur le bord d'un étang.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
Oh! dit-il, j'en fais faire autant

Qu'on m'en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp!
Et d'où me vient cette vaillance?
Comment! des animaux qui tremblent devant moi!
Je suis donc un foudre de guerre!

Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre,
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi..

Un vieux

FABLE XV.

LE COQ ET LE RENARD.

Sur la branche d'un arbre étoit en sentinelle
coq adroit et matois.
Frère, dit un renard, adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle :
Paix générale cette fois.

Je viens te l'annoncer; descends, que je t'embrasse.
Ne me retarde point, de grace;

Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
Les tiens et toi pouvez vaquer,
Sans nulle crainte, à vos affaires ;
Nous vous y servirons en frères.
Faites-en les feux dès ce soir,
Et cependant viens recevoir

Le baiser d'amour fraternelle.
Ami, reprit le coq, je ne pouvois jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle

De cette paix :

Faites des feux de joie, réjouissez-vous.

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