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ame; rendons-lui, s'il fe peut, le reffort que tant de caufes réunies s'efforcent de brifer.... Infulter des malheureux, c'est le comble de la barbarie; refufer de tendre la main à des aveugles, c'eft le comble de la dureté ; leur reprocher avec aigreur d'être tombés dans l'abyme, c'est unir la folie à l'inhumanité.

Si le fage, guéri de l'épidémie du vulgaire, fe trouve plus heureux & plus content de fon fort, fi la férénité regne dans fon cœur, qu'il la communique aux autres. Le bonheur eft un bien fait pour être partagé; qu'il méprife donc lui-même, & qu'il apprenne donc aux autres à méprifer ces futiles grandeurs, ces richeffes fouvent inutiles, ces plaifirs fuivis de douleurs, ces vanités puériles qui rempliffent la vie de tant d'inquiétudes, de chagrins & de remords, qui s'achettent communément au prix de la paix intérieure, du bonheur réel, de la vertu, l'eftime que l'on fe doit à foi-même, & de l'affection que l'homme en fociété doit, pour fon propre intérêt, chercher à faire naître dans fes affociés. Le vrai fage s'il veut mériter la confiance de fes femblables, s'il prétend à la gloire d'être le médecin du humain genre doit lui montrer l'intérêt le plus tendre; il doit

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le plaindre, le confoler, le fortifier, guérir; il doit entrer dans fes peines fupporter fes égaremens, regarder les chagrins & fes tranfports comme des effets néceffaires de fa maladie, & ne point fe rebuter de fon ingratitude ou de fes délires; le moment de la reconnoiffance fera celui de la guérifon,

S. V.

Conduite du Sage à l'égard des Grands. Que dis-je ? le fage doit fa tendreffe & pitié aux vicieux, au criminel même : il doit les plaindre des honteux liens qui les attachent au mal; il doit leur montrer les précipices qui s'ouvrent fous leurs pas, les conféquences fatales de leurs égaremens, les effets déplorables de leurs défordres & de leurs crimes; il doit effrayer & détromper ces grands de la terre, qui croient les malheurs des peuples néceffaires à leur grandeur, à leur puiffance, à leur félicité. Il leur peindra avec force les tableaux les plus capables de leur faire de profondes impreflions; ou bien, prenant un ton plus doux, il tentera d'amollir leurs coeurs, d'y réveil ler l'humanité engourdie par le luxe l'inexpérience du mal-aife, la flatterie:

il leur présentera le fpectacle touchant des miférables plongés dans la fueur & les larmes fi leur ame eft encore fenfible à la vraie gloire, il leur montrera ces mêmes hommes foulagés par leurs foins, célébrant les louanges & béniffant mille fois les noms de ceux qui les rendent heureux. C'est ainfi que le fage peut fe flatter d'adoucir la dureté & de guérir les erreurs de ces grands qui, dupes des menfonges dont la flatterie les repaît, se croient intéreffés à perpétuer la foibleffe, l'abattement & l'indigence de leurs vaffaux: c'eft fur-tout leur cure que la philofophie doit fe propofer, lorfque les chefs des corps politiques jouiront de la fanté, les membres ne tarderont point à reprendre, vigueur.

S. VI.

Le Sage porte fon tempérament dans fa Philofophie.

Le fage portera toujours fon tempérament dans fa philofophie. S'il a de la chaleur dans l'imagination, de l'élévation dans l'ame, du courage, fa marche fera impétueufe; & dans fon enthoufiafme, femblable à un torrent, il entraînera fans ménagement les erreurs humaines. Pof

fede-t-il une ame fenfible? attendri fur le fort des mortels, il gagnera leur confiance, il remuera les cœurs, il verfera du baume fur des plaies que l'aigreur ne feroit qu'envenimer. Le philosophe le plus doux, le plus tendre, le plus humain, fera toujours le plus écouté. La douceur attire & confole, elle rend plus touchans les charmes de la vérité : fi on la montre fous des traits irrités, parlant avec hauteur, entourée du cortege de la mélancolie, elle déplaît, elle révolte, elle ne peut attacher les regards.

C'eft donc fouvent à lui-même que le philofophe doit s'en prendre, fi fes leçons deviennent infructueufes, & rendent la raifon & la vérité défagréables pour ceux dont elles sont destinées à soulager les peines: une philofophie tyrannique impérieufe, infultante, humilie & ne perfuade jamais. Une philofophie chagrine auftere, ennemie de la joie, effarouche & n'eft point faite pour attirer: une philofophie trop exaltée, & qui propose une perfection impoffible, étonne fans influer fur la conduite, ou jette dans le décou ragement.

S. VII.

Vues de la Sageffe.

La fageffe n'eft point l'ennemie des plaifirs légitimes & de la félicité des hommes. Son afpect n'eft pas fait pour effaroucher les ris & pour bannir les graces; elle ne combat que les plaifirs trompeurs que le repentir fuit toujours; elle ne s'arme que contre les paffions oppofées au repos des humains. L'objet de fes defirs eft de voir l'abondance & la paix régner en tous pays; de voir l'induftrie, l'activité, la joie ranimer leurs habitans. Si l'espoir du fage n'eft qu'une chimere, fon ame honnête aime à s'en repaître; cette illufion foutient fon courage, anime fon activité, l'excite à la recherche de la vérité, & fait que fon efprit produit des fruits utiles à la fociété....Non, il n'eft point de fpectacle plus raviffant pour l'homme de bien, que de voir des heureux; il n'eft point d'idée plus flatteufe, que de pouvoir en faire. Contempler de fang froid les maux de fes femblables, s'irriter de leur joie, condamner leurs plaifirs innocens, n'être point ému de leurs foupirs, fe complaire à leur voir répandre des larmes, c'eft avoir la

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