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fçait qu'un bon domestique eft un trésor pour un maître, & que la bienfaifance a des droits fur les ames les plus incultes & les plus groffieres. Combien de ferviteurs qui ont donné à leurs maîtres des preuves de courage, de grandeur d'ame, de nobleffe, dont les plus élevés fe fentiroient incapables! Ce font les injuftices, les duretés & les vices des maîtres, qui font tant de mauvais domeftiques: on les avilit, on les corrompt par fon exemple, & l'on eft tout furpris de les trouver vils, corrompus, intéreffés, fourbes & vicieux !

Eft-il rien de comparable au bien-être & au contentement que peut fe procurer chaque jour l'homme de bien qui jouit de l'opulence? Quelles douceurs n'eft-il pas à portée de goûter, lorsque la nature & l'éducation l'ont doué d'une ame bienfaifante? La diffipation des villes peut-elle donc lui fournir des plaifirs auffi purs que celui de créer l'abondance, l'industrie, le bonheur dans les champs de fes peres ? Eft-il un tableau plus touchant que de voir un grand qui, dans les poffeffions de fes ancêtres, vit au milieu de fes vaffaux, dont chacun le regarde comme fon bienfaiteur & fon pere; qui rencontre par-tout les yeux attendris de la veuve, de l'indigent, du malheureux que fa main

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a fecourus, dont les oreilles retentiffent à tout moment des bénédictions & des vœux du cultivateur que fes libéralités ont placé dans l'aifance? Enviera-t il alors à fes pareils le méprifable avantage d'intriguer dans une cour, de briller par un faste puéril, de ramper indignement dans l'antichambre d'un protecteur puiffant & or gueilleux, qui montre un dédain égal à tous les efclaves dont il eft entouré?

S. VIII.

Délices attachées au goût de l'étude. Que manque-t-il à la félicité de l'homme fenfé, favorifé de la fortune, quand l'éducation qu'il a reçue lui fournit en core pour toute fa vie les moyens de remplir agréablement par l'étude les intervalles que lui laiffe l'exercice de fes vertus? Quels amusemens peuvent être comparés au plaifir toujours nouveau de lire dans le livre immenfe de la nature, qui, à chaque pas, lui présente des fpectacles dignes d'intéreffer fa curiofité? Quelle occupation plus douce & plus diverfifiée, que celle que fournit à l'efprit exercé la méditation de l'homme, les fcenes fi variées du monde moral, les tableaux de l'hiftoire ? Si le défoeuvreTome I.

V

ment & l'ennui font les fources des vices & des tourmens de tant d'êtres frivoles & pervers dont le monde eft rempli, l'homme qui de bonne heure a con tracté l'habitude de penser, n'échappe-t-il pas, quand il veut, à l'empire de ces deux tyrans de la vie? Eft-il des momens vuides ou pénibles pour un être dont la confcience fatisfaite jouit d'une paix inaltérable; qui rentre à tout moment avec plaifir en lui-même; qui, affuré d'avoir mérité l'eftime & l'attachement de ceux qui l'environnent, a le droit de s'eftimer & d'être content de fa conduite; qui, dans chaque inftant de fa durée, trouve des moyens de réveiller dans fon propre coeur l'affection naturelle & bien ordonnée qu'il a pour lui-même, par l'exercice d'une juftice, d'une bonté, d'une bienfaifance continuelle? Ces heureufes difpofitions, en lui faifant goûter délicieusement tous les momens de la vie, le conduisent paifiblement vers un terme que la vertu feule eft faite pour envifager fans crainte.

Tels font pourtant les plaifirs auffi purs que folides que méconnoiffent & que dédaignent tant d'hommes favorifés de la fortune, qui mettent follement leur bienêtre à fe diftinguer par leur luxe, par leur fafte puéril, par un appareil impofant,

incapable de remplacer le bonheur que des mœurs honnêtes font feules en droit de procurer. Que dis-je ? du fond même de la tombe, l'homme de bien exerce encore fon pouvoir fur les hommes. Son cercueil eft arrofé des pleurs finceres de fa femme, de fes enfans, de fes amis, de fes citoyens. La perte d'un homme vertueux eft une perte & un deuil public; ila joui de fon vivant des effets qu'il doit produire, il a prévu les regrets que fon trépas devoit caufer, il a vu dans fa propre confcience & la tendreffe durable & les monumens inaltérables que ses vertus ont élevés dans leurs cœurs.

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CHAPITRE XVII.

Tableau du Monde.

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Rrêtez un peu votre attention fur ce portrait que Séneque fait du monde; portrait accablant pour ceux qui aiment la fageffe, & dont la vue paroît incompatible avec leur tranquillité.

« On ne fçauroit fortir de fa maison, » que, de quelque côté qu'on aille, on dont » n'ait à traverfer des foules de gens, » les uns font auffi ardens à groffir leurs » tréfors, que les autres infenfés à les » diffiper. De part & d'autre, on ne ren>> contre perfonne qui ait une véritable » idée de l'honneur: il n'y a qu'à être >> hardi pour réuffir dans fes deffeins. On » fe trouve heureux à fes propres yeux, » & encore plus à ceux des autres, à » proportion qu'on foule aux pieds la » pudeur avec moins de rétenue. Dès le » point du jour, on se rend au barreau, » pour y faire plaider d'injuftes procès, » par des avocats plus injuftes encore & » plus infâmes que les procès qu'ils en

* Discours fur la liberté de penser, par Collins.

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