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d'une éducation folide, ont rendu l'en nemi du genre humain & de lui-même; évitons-le comme ces animaux venimeux dont la nature eft de nuire & d'exciter l'horreur de tous ceux qui les rencontrent. S. VIIL

Néceffité de l'indulgence en fociété.

L'indulgence doit être une fuite néceffaire de nos réflexions fur la nature de l'homme & les foibleffes qui en font l'apanage. Si nous examinions de fang-froid les motifs de nos emportemens & de notre mauvaise humeur contre les êtres dé notre espece, nous trouverions presqué toujours que nous ne les méprisons ou ne les haïffons, que parce qu'ils font malheureux c'eft-à-dire lorsque nous

devrions les plaindre.

Notre fiécle eft communément le fujet de nos plaintes, parce que nous en fentons les inconvéniens. Pour nous réconcilier avec lui, il fuffit de nous transporter en idée dans les fiécles paffés. Les défauts des perfonnes que nous voyons de plus près font ceux qui nous femblent les plus incommodes; mais croyons - nous que ceux que nous ne fréquentons point foient plus parfaits ou plus raifonnables? P iij

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peau

Il en eft des hommes comme de tous les objets les plus beaux ou les mieux travaillés, qui, confidérés de trop près, nous offrent des défauts fans nombre. La de la femme la plus belle, quand on la regarde au microscope, devient un objet défagréable. Les membres d'une même famille font pour l'ordinaire peu d'accord, parce que la familiarité journaliere les expofe à fouffrir de leurs défauts réciproques. Une jufte indulgence eft le remede le plus propre pour calmer l'humeur & l'impatience, qui font les tourmens inutiles de la vie. L'homme fans indulgence n'eft pas fait pour la fociété ; c'eft un être dur & malheureux, auffi incommode pour lui-même que pour les autres.

Il en eft des nations comme des individus, des fociétés politiques comme des fociétés particulieres; elles ont des avantages & des inconvéniens que le citoyen raifonnable doit tolérer. Les meilleures font celles dans lefquelles les biens furpaffent les maux. Le fage même, victime des paffions qui fouvent dominent avec hauteur, continue à aimer fon pays. Forcé de s'en éloigner par la force de l'autorité, il emprunte le langage de Solon obligé de quitter Athenes, dont Pififtrate s'étoit fait le tyran: O mon pays !

Solon eft difpofé à te fecourir par 'fes confeils & fes actions; mais on me traite d'infenfe. Je fuis donc forcé de t'abandonner, quoique j'aime tous mes concitoyens, à l'exception de Pififtrate

CHAPITRE VII.
La Société conjugale.

S. I. Fonctions de chacun des membres de cette fociété.

*LA relation fociale des fexes eft ad

mirable de cette fociété réfulte

une perfonne morale, dont la femme eft l'œil, & l'homme le bras, mais avec une telle dépendance l'un de l'autre, que c'est de l'homme que la femme apprend ce qu'il faut voir, & de la femme que l'homme apprend ce qu'il faut faire. Si la femme pouvoit remonter auffi-bien que l'homme aux principes, & que l'homme eût auffibien qu'elle l'efprit des détails, toujours indépendans l'un de l'autre, ils vivroient dans une difcorde éternelle, & leur fociété ne pourroit fubfifter. Mais, dans Pharmonie qui regne entr'eux, tout tend

* J. J. Rouffeau.

à la fin commune; on ne fçait lequel met le plus du fien, chacun fuit l'impul fion de l'autre, chacun obéit, & tous deux font les maîtres. L'empire de la femme eft un empire de douceur, d'adreffe & de complaifance; fes ordres font des careffes, fes menaces font des pleurs. Elle doit régner dans la maison comme un miniftre dans l'Etat, en fe faifant commander ce qu'elle veut faire: en ce fens, il eft conftant que les meilleurs ménages font ceux où la femme a le plus d'autorité. Mais quand elle méconnoît la voix du chef, qu'elle veut ufurper fes droits & commander elle-même, il ne réfulte jamais de ce défordre que mifere, fcandale & déshonneur.

S. II.

Un homme cultivé peut-il épouser une femme fans efprit, ou un bel-efprit?

Je ne connois pour les deux fexes que deux claffes réellement diftinguées, l'une de gens qui penfent, l'autre de gens qui ne penfent point; & cette différence vient prefqu'uniquement de l'éducation. Un homme de la premiere de ces deux claffes ne doit point s'allier dans l'autre ; car le plus grand charme de la fociété

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manque à la fienne, lorfqu'ayant une femme, il eft réduit à penfer feul. Les gens qui paffent exactement la vie entiere à travailler pour vivre, n'ont d'autre idée que celle de leur travail ou de leur intérêt, & tout leur efprit femble être au bout de leur bras. Cette ignorance ne nuit ni à la police, ni aux mœurs, fouvent même elle y fert; fouvent on compose avec fes devoirs à force de réfléchir, & l'on finit par mettre un jargon à la place des chofes. La confcience eft le plus éclairé des philosophes : on n'a pas befoin de fçavoir les Offices de Cicé ron pour être homme de bien; & la femme du monde la plus honnête, sçait peut-être le moins ce que c'eft que l'honnêteté: Mais il n'en eft pas moins vrai qu'un efprit cultivé rend feul le commerce agréable, & que c'eft une trifte chofe, pour un pere de famille qui fe plaît dans fa maison, d'être forcé de s'y renfermer en lui-même, & de ne pouvoir s'y faire entendre à perfonne. D'ailleurs, com ment une femme qui n'a nulle habitude: de réfléchir élevera-t-elle fes enfans comment difcernera-t-elle ce qui leur convient comment les difpofera-t-elle aux vertus qu'elle ne connoît pas, au mérite dont elle n'a, nulle idée ? Elle ne

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