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CHAPITRE XV.

Sur la Hollande.

Uel fentiment de patriotisme ne devroit-on pas attendre d'un peuple qui peut fe dire à lui-même : Ċette terre que j'habite, c'eft moi qui l'ai rendue féconde, c'est moi qui l'ai embellie, c'est moi qui l'ai créée : cette mer menaçante qui couvroit nos campagnes, fe brile contre les digues puiffantes que j'ai oppofées à fes fureurs : j'ai purifié cet air,

, que des eaux croupiffantes remplif foient de vapeurs mortelles : c'eft par moi que des villes fuperbes preffent la vase & le limon qui portoient l'Océan : les ports que j'ai conftruits, les canaux que j'ai creufés reçoivent toutes les productions de l'univers, que je dispense à mon gré : les héritages des autres peuples ne font que des poffeffions que l'homme difpute à l'homme; celui que je laifferai à mes enfans, je l'ai arraché aux élémens conjurés contre ma demeure, & j'en fuis

* Hiftoire philof. & politiq. des établiffemens & du commerce dans les Indes.

demeuré le maître : c'eft ici que j'ai établi un nouvel ordre phyfique, un nouvel ordre moral; j'ai tout fait où il n'y avoit rien; l'air, la terre, le gouvernement, tout eft mon ouvrage : je jouis de la gloire du paffé; & lorfque je porte mes regards fur l'avenir, je vois avec fatisfaction, que mes cendres reposeront_tranquillement dans les mêmes lieux où mes peres voyoient fe former des tempêtes. Que de motifs pour idolâtrer fa patrie! Cependant il n'y a plus d'efprit public en Hollande; c'eft un tout, dont les parties n'ont d'autres rapports entr'elles, que place qu'elles occupent. La foif de l'or & la paffion du lucre paroiffent animer prefque feules aujourd'hui les vainqueurs de Philippe; eux qui ont étonné l'univers par leurs travaux & leurs vertus. (a)

la

(a) Note de l'Editeur. Cet éloquent morceau fur la Hollande contient des traits qui exagerent affurément fes vices politiques. Nous prions le lecteur d'être per fuadés que nous ne nous mêlons point de décider de fi grandes querelles; c'eft aux perfonnes en place, ou inftruites, à juger i l'image que préfente l'Auteur. & que nous n'offrons pas toute entiere, appartient réellement au tableau de l'Europe.

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LIVRE TROISIEME.

LA MORALE.

CHAPITRE PREMIER.

Immortalité de l'Ame.

S. I. Diverfes preuves de ce Dogme.

N méditant fur la nature de l'homme,

Ey découvre deux principes dif

tincts, dont l'un l'éleve à l'étude des vérités éternelles, à l'amour de la juftice & du beau moral, aux régions du monde intellectuel, dont la contemplation fait les délices du fage; & dont l'autre le ramene baffement en lui-même, l'affervit à l'empire des fens, aux paffions qui font leurs miniftres, & contrarie par elles tout ce que lui infpire le fentiment du premier. En me fentant entraîné, combattu par ces deux mouvemens contraires, je me dis: Non, l'homme n'eft point un. Je veux & je ne veux pas, je me fens à-la-fois efclave & libre. Je vois le bien, je l'aime,

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& je fais le mal je fuis actif quand j'écoute la raifon, & paffif quand mes paffions m'entraînent; & mon pire tourment, quand je fuccombe, eft de fentir que j'ai pu réfifter.

Si préférer la confervation à tout eft un fentiment naturel à l'homme, & fi pourtant le premier fentiment de la justice eft inné dans le cœur humain, que celui qui fait l'homme un être fimple, leve ces contradictions, & je ne reconnois plus qu'une fubftance. Je n'ai befoin, quoi qu'en dife Locke, de connoître la matiere que comme étendue & divifible, pour être affuré qu'elle ne peut penfer; & quand un philofophe viendra me dire que les arbres fentent & que les rochers penfent, il aura beau m'embarraffer dans fes argumens fubtils, je ne puis voir en lui qu'un fophifte de mauvaise foi, qui aime mieux donner le fentiment aux pierres, que d'accorder une ame à l'homme.

Suppofons un fourd qui nie l'exiftence des fons, parce qu'ils n'ont jamais frappé fon oreille. Je mets fous fes yeux un inftrument à corde, dont je fais fonner l'uniffon par un autre inftrument caché; le fourd voit frémir la corde, je lui dis: c'eft le fon qui fait cela. Point du tout

la caufe du frémiffement de la corde eft

f

en elle-même; c'eft une qualité commune à tous les corps de frémir ainfi. Montrezmoi donc, reprends-je, ce frémiffement dans les autres corps, ou du moins fa cause dans cette corde. Je ne puis, replique le fourd; mais parce que je ne conçois pas comment frémit cette corde pourquoi faut-il que j'aille expliquer cela par vos fons, dont je n'ai pas la moindre idée ? C'eft expliquer un fait obfcur par une caufe encore plus obfcure: ou rendez moi vos fons fenfibles, ou je dis qu'ils n'exiftent pas. Plus je réfléchis fur la penfée & la nature de l'efprit humain, plus. je trouve que le raifonnement des matérialiftes reffemble à celui de ce fourd. Ils font fourds en effet à la voix intérieure qui leur crie d'un ton difficile à méconnoître : une machine ne penfe point, il n'y a ni mouvement ni figure qui produife la réflexion: quelque chofe en toi cherche à brifer les liens qui le compriment; l'efpace n'eft pas ta mefure, pas ta mefure, l'univers entier n'eft pas affez grand pour toi; tes fentimens, tes defirs, ton inquiétude, ton orgueil même ont un autre principe que ce corps étroit dans lequel tu te fens enchaîné.

Si l'ame eft immatérielle, elle peut furvivre au corps, & fi elle lui furvit, la Pro

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