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foulevent contre ce qui fait obftacle à leurs propres paffions; fon délire le rend la proie des ambitieux qui l'égorgent de fes propres mains, & qui, pour terminer fes malheurs, l'obligent à la fin à fe réfugier fous les ailes de la tyrannie: celle-ci acheve de détruire ce que l'anarchie & la licence avoient pu épargner.

En un mot, par-tout où le peuple est en poffeffion du pouvoir, l'Etat porte en lui le principe de fa deftruction, la liberté y dégénere en licence, & elle eft fuivie de l'anarchie. Furieufe dans l'adverfité, infolente dans la profpérité, une multitude fiere de fon pouvoir, entourée de flatteurs, ne connoît point la modération; elle eft prête à recevoir les impreffions de tous ceux qui veulent fe donner la peine de la tromper: peu retenue par les liens de la décence, elle fe porte fans réflexions & fans remords aux crimes les plus honteux, aux excès les plus crians. Si plufieurs citoyens oppofés d'intérêt fe difputent l'empire, le peuple alors fe partage en factions, la guerre civile allume fes flambeaux; les uns fuivent un Marius, & les autres un Sylla; un fanatisme contagieux s'empare de tous les cœurs; &, fous prétexte du bien pu

blic, la patrie eft déchirée par des furieux qui prétendent la fauver. C'eft ainfi que naiffent ces guerres civiles, les plus atroces de celles qui défolent la terre : l'on y voit le pere combattre contre le fils, le frere contre le frere; le citoyen devient pour le citoyen un ennemi personnel. S. II.

De l'Ariftocratie.

Sous l'Ariftocratie, un petit nombre de citoyens puiffans ne tarde point à faire fentir fon autorité à un peuple qu'il méprise, & dont peu à peu il devient l'oppreffeur. Dans un Etat ariftocratique, chaque membre du gouvernement se croit un roi: dans quelques Ariftocraties, nous voyons la même politique, les mêmes foupçons, les mêmes lois fanguinaires, auf peu de liberté que fous la tyrannie la plus ombrageufe; &, ce qui eft de pire, c'eft qu'il y a peu d'efpérance de changement: un corps ne change guere de maxime & de conduite. Sous une Ariftocratie illimitée, le peuple est tyrannifé pendant des fiécles entiers par des maîtres qui ne s'écartent jamais de leur plan: fi quelques chefs plus rufés ou plus entreprenans que leurs égaux, fe

difputent le pouvoir, la multitude fe partage en factions, & paye de fon fang l'ambition de fes oppreffeurs.

S. III.

De la Monarchie.

Ce que nous venons de dire des deux fortes de gouvernemens précédens nous apprendroit ce que nous devons penfer du troifieme, quand même la raison seule ne le dicteroit pas. Un gouvernement où le trône du monarque a pour fondement les lois & l'amour de la fociété fur la quelle il regne, eft fans doute le plus fage & le plus heureux de tous. Tous les principes d'un tel gouvernement font pris. dans la nature de l'homme, & de la pla nete qu'il habite; il eft fait pour la terre, comme une république & une théocra tie font faites pour le ciel, comme le defpotifme eft fait pour les enfers. L'honneur & la raison qui lui ont donné l'être & qui le dirigent, font les vrais mobiles. de l'homme; comme cette fublime vertu, dont les républiques ne nous ont montré que des rayons paffagers, eft le mobile conftant des habitans du ciel, & comme la crainte des Etats defpotiques eft l'uni que mobile des réprouvés.

C'eft le gouvernement monarchique qui feul a trouvé les vrais moyens de faire jouir les hommes de tout le bonheur pof fible, de toute la liberté poffible, & de tous les avantages dont on peut jouir fur la terre comme les autres anciens gouvernemens, il n'a point été en chercher de chimériques dont on ne peut conftamment ufer, & dont on peut abuser fans ceffe. Le gouvernement monarchique doit être regardé comme le chef-d'œuvre de la raifon humaine, le port où le genre humain, battu de la tempête en cherchant une félicité imaginaire, a dû fe rendre pour en trouver une qui fût faite pour lui. C'est-là qu'il a trouvé des rois qui, comme les fouverains idolâtres, n'affectent plus la divinité; c'eft-là qu'il peut les aimer, les honorer, les refpecter, fans les adorer & les craindre comme des dieux ou des idoles; c'eft-là que les peuples obéiffent fans peine & fans murmure à des lois leur ont données de fages monarques, & qui leur ont procuré tous les avantages. honorables & raifonnables qui diftinguent l'homme d'avec l'efclave de l'Afie & le Sauvage de l'Amérique.

que

Comme nos ancêtres, pleins de bon fens & vivement pénétrés du feul fentiment de notre nature, en fe donnant des

rois, n'ont pas fait un choix extrême entre un dieu & un démon, comme ils ont pris un mortel semblable à eux, que la raifon publique foutient par des lois fixes & conftantes; ce gouvernement modéré n'exige point de fes princes qu'ils se comportent en dieux, il n'exige point des peuples une auftere vertu dont peu font capables, ni une foumiffion tremblante d'esclave, qui les révolteroit ou les dégraderoit les hommes y font pris pour ce qu'ils font; on les y laiffe jouir du fentiment de leur état civil & naturel, on y entretient même dans chacun ce fentiment de la dignité de fa nature que l'on appelle honneur. S'ils ont des paffions parce qu'ils font hommes & qu'ils doivent en avoir, l'Etat fçait les contenir & les tourner au profit du bien général. Conftitution aimable, digne de tous nos refpects & de tout notre amour. Chaque fociété y doit voir & fentir une pofition d'autant plus conftante & d'autant plus heureufe, que cette pofition n'eft point établie fur des principes faux, fur des moyens ou des motifs chimériques, mais fur la raison, fur la nature & le caractere des chofes d'ici-bas.

Les monarchies préfentes peuvent avoir encore quelques différends, mais

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