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l'Etat des fujets fideles: elle obligera les enfans à la fubordination néceffaire pour recevoir les inftructions qu'on voudra leur donner : elle doit exciter à la reconnoiffance, & châtier l'ingratitude qui étoufferoit dans les coeurs la bienfaisance, ce lien fi doux de la fociété : elle encouragera les sciences & les arts, & toutes les connoiffances d'où il réfulte une utilité véritable: elle inspirera l'amour de la juftice qui bannit d'entre les fujets la fraude, la tromperie, le menfonge & les vices, dont l'effet eft de mettre les hommes en garde les uns contre les autres. Il importe à l'Etat de commander à des hommes vertueux : rien de plus difficile à gouverner qu'une fociété dont les membres font corrompus.

Si le grand art de la politique confifte à veiller aux befoins de l'Etat, l'éduca tion feule lui formera pour ainfi dire une pépiniere de citoyens, tels qu'elle peut les defirer. En confultant les circonstances de la patrie, elle pourra tourner les vues des jeunes citoyens tantôt vers l'agricul ture, tantôt vers le commerce, tantôt vers l'art militaire. Ouvrez différentes carrieres aux citoyens; que chacun, dès fa jeuneffe, entre dans celle qu'on lui deftine ou qu'il préfere. Que celui qui

s'y diftingne par fes talens & par fes mœurs, soit assuré de parvenir un jour au but où fes travaux promettent de le conduire. Que l'efprit qu'on infpire au guerrier ne foit point celui du magiftrat; que l'instruction du négociateur differe de celle de l'artifan; que l'éducation de l'homme du monde ne foit pas celle d'un folitaire; que tous apprennent à fervir la patrie, mais que chacun apprenne à la fervir diverfement.

Si la puiffance d'un Etat dépend de l'efprit dont les peuples font animés, fi fa force n'eft due qu'à la réunion de leurs volontés, on ne fçauroit de trop bonne heure infpirer aux fujets les fentimens que l'intérêt & les befoins de la nature exigent. C'est dans la jeuneffe que l'on peut exalter les ames, leur infpirer le goût des grandes chofes, la paffion du bien public; c'eft alors qu'on peut leur apprendre à craindre plus le mépris que l'indigence, la honte que le danger, l'infamie que la mort; c'eft alors qu'on peut leur enfeigner à préférer le mérite à l'opulence, les talens à la naiffance, la vertu aux dignités. Une jeuneffe ainfi formée oppofera, dans l'âge mûr, une barriere infurmontable aux ennemis de fon pays. La population doit être, de l'aveu de

tous les politiques, le principal objet de fon gouvernement. En lifant les Annales du genre humain, l'on eft frappé de voir à quel point le nombre des hommes eft diminué dans la plupart des Etats: à peine ofons-nous ajouter foi aux dénombremens faits du tems de nos ancêtres. Il eft au moins certain que l'Afie mineure & l'Egypte, jadis fi peuplées, la Grece, l'ItaLie, les Gaules, l'Espagne, le Nord, qui fut autrefois nommé l'Officine des nations, ne nous montrent aujourd'hui que des contrées défertes, & par conféquent des campagnes foiblement cultivées. A la vue de ce fpectacle douloureux, on feroit tenté de croire qu'un jour l'efpece humaine fera forcée de difparoître. Les guerres longues & fanglantes où les fouverains les plus modérés & les plus équitables font forcés d'entrer, les troupes nombreuses que la puiffance de leurs voifins ambitieux les force de mettre fur pied, tout cela peut être regardé comme une des caufes qui s'oppofent au progrès de la population; ajoutons-y le commerce d'outre-mer.

Le commerce, deftiné dans fon origine à fatisfaire les befoins véritables des nations, alluma peu à peu en elles une: foif immodérée des richeffes, & leur créa

des befoins factices, qu'elles ne purent fa tisfaire qu'aux dépens de leur population. La navigation & le commerce, devenus les paffions dominantes des nations Européennes, immolerent chaque année des milliers de matelots au dieu des richeffes, & firent perdre à la patrie, par des voyages de long cours, dans des climats peu fains, une foule de fujets, dont le trépas ne fervit qu'à fournir à leurs concitoyens des marchandifes dont ils auroient pu fe paffer. Des hommes laborieux ne font-ils pas plus précieux à l'Etat, que les rares denrées des deux Indes?

S. IV.

Des Colonies..

La formation des colonies fut, chez les Européens, la fuite d'une paffion effrénée pour les richeffes, qui fouvent a dépeuplé des monarchies floriffantes. Rien de plus infenfé que de former des colonies dans les tems où la métropole manque elle-même de fujets. L'Espagne, déja dépeuplée par les guerres, s'eft vue réduite à la foibleffe, à l'inertie, pour aller faire des conquêtes & des établiffemens dans un nouveau monde, dont elle détruifit d'abord les naturels, pour se pri

ver enfuite elle-même de fes anciens habitans. En interdifant à tous fes fujets la fortie de l'empire, la Chine est tombée dans un excès oppofé. Malgré l'induftrie prefqu'incroyable des Chinois, la famine fait des ravages inouis dans cette nation trop peuplée; aveuglément attachée aux inftitutions de fes peres, elle eft forcée de remédier, par des ufages barbares, une population dont l'excès lui devient fouvent funefte. Les Suiffes, fous un gouvernement modéré, font forcés de vendre le fang de leurs concitoyens aux différentes puiffances de l'Europe, pour fe débarraffer des fujets, dont l'abondance affameroit leur pays montueux & stérile. Leur politique reffemble à celle de ces commandans d'une place forte affiégée, qui font faire des forties à leurs troupes, pour diminuer le nombre des confommateurs (a).

Les colonies font utiles lorfque la Métropole renferme un grand nombre de çitoyens, qu'elle ne peut nourrir & rendre heureux. En établiffant des colonies, les

(a) Note de l'Editeur. Quelles que foient les vues que fe propofe cette fage république, en envoyant fes fujets fervir.chez l'étranger, on peut affurer que la nobleffe Helvétique ne quitte fes foyers que dans le defic d'acquérir de la gloire, & que très-fouvent elle a con-tribué à l'honneur des armes Françoifes.

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