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Aussi, les peuples qui ont soif de la rosée de justice ne sont point effrayés du trouble causé par les premiers essais de la liberté. Dans l'Europe entière, et jusque dans les provinces où l'intelligence a été le plus comprimée, on entend réclamer le régime de liberté avec une énergie croissante. Il y apparaît à tous, comme le palladium contre l'oppression des égoïsmes de tous genres; contre l'utopie des priviléges aussi bien que contre les réformes prématurées ou subversives. Ces utopies diverses repoussent également l'application de la liberté. La liberté les gêne; elle paralyse et condamne l'exagération de leurs doctrines. Pour triompher, elles auraient besoin de faire méconnaître que tous les progrès véritables dépendent de la capacité propre à organiser la liberté, en la faisant régner, au bénéfice de tous, par les règles que dicte l'équité sociale.

Nous ne demanderons donc pas, avec certains réformateurs, si l'organisation de la liberté suffit à l'œuvre de ce siècle; mais bien plutôt si le siècle suffit à cette œuvre! Car depuis soixante années on s'est montré impuissant à la réaliser!... Voilà ce qu'il est plus humble, mais plus vrai et plus utile de reconnaître, lorsqu'il est frappant pour tout observateur, que le régime de liberté loin d'être usé ou impossible comme différentes utopies veulent le prétendre, est à peine entré dans la première phase de son organisation!.. Non, ce régime n'est pas une difficulté que l'on puisse repousser ou éluder, pour maintenir des priviléges ou courir après l'idéal qui peut être appelé à le suivre. Sa réalisation est la première condition de tout progrès. Les progrès sociaux s'enchaînent; ils s'engendrent l'un l'autre. Vouloir enrompre la chaîne pour y supprimer quelques anneaux, ce serait plonger la société dans le chaos. Unissons donc nos efforts pour réaliser l'organisation de la liberté par l'équité sociale, c'est-à-dire au bénéfice de tous la question sociale n'est pas ailleurs.

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Faisons cesser l'injustice, et les utopies s'évanouiront avee leur raison d'être.

Mais, au lieu d'une disposition sincère à organiser les justes droits de la démocratie, que voit-on ? Partout se révèle l'influence de la coalition machiavélique des priviléges de tous genres. Il n'est pas jusqu'aux associations industrielles, formées par les travailleurs, qui ne soient l'objet de mesures propres à en paralyser le développement!...

Le parti qui était assez aveugle, de 1815 à 1830, pour prétendre qu'on reviendrait sur les réformes de 1789, ce parti prétend aujourd'hui qu'on peut méconnaître la question sociale posée en 1848. La Révolution de 1830 a été nécessaire pour arrêter ses protestations contre celle de 1789; faudrait-il donc une autre révolution pour lui faire reconnaître combien est juste la réforme sociale de 1848 ?...

Après avoir transformé les priviléges de caste en priviléges du capital-argent, ce parti se proclame le défenseur des droits de la famille et de la propriété ; mais il réduit ces droits à n'être que ceux de la famille et de la propriété d'une classe privilégiée; car il nie opiniâtrément les droits de l'industrie et ceux du travail!...

La Révolution de 1789 renversa les priviléges de caste au bénéfice de la bourgeoisie, appelée à exercer les priviléges de finance et ceux attachés au droit de propriété. La Révolution de 1830 fut un nouvel effort de la bourgeoisie pour empêcher à la noblesse de caste de se reconstituer dans toutes ces révolutions les droits du Peuple furent seulement mentionnés : on se dispensa de leur faire justice!!! La Révolution de 1848 est venue réparer un déni de justice : c'est celle du travail contre l'oppression du capital-argent, contre les priviléges qui déterminent la dégradation des masses, par l'anarchie industrielle et par la misère!... Il faut que ces priviléges se retirent volontairement devant la démonstration de leur iniquité: il le faut, ou la force naturelle des choses les renversera malgré tous les obstacles, comme les priviléges de caste le furent en 1789.

Sans s'occuper des exagérations ou des utopies extrêmes et opposées, après avoir reconnu le terrain social, on constate deux doctrines fondamentales et contraires, deux doctrines puissantes, dont la lutte tiraille et trouble la société. Il faut que ces deux doctrines soient mises en présence avec sincérité pour être jugées. L'une est la monarchie constitutionnelle ; l'autre, c'est la République démocratique, réalisant l'équité sociale. Ces deux doctrines présentent deux sortes de réformateurs : ceux qui ont eu, depuis tant de siècles, l'orgueilleuse prétention de réformer l'œuvre de Dieu, en comprimant les intelligences, en monopolisant la liberté, en imposant aux masses la misère et la dégradation morale. Les autres réforma-. teurs s'attaquent à ce qui a déformé l'œuvre de Dieu, à ce qui la fait méconnaître : ils veulent le règne des lois providentielles du monde moral. De ces deux écoles, quelle est celle dont les exagérations sont le plus réprouvables?

C'est ce que la conscience dira spontanément après avoir reconnu, d'un côté les lumières et l'opulence, la puissance et le dédain des devoirs; de l'autre, la pauvreté et la misère, l'indignation causée par l'injustice, la volonté de connaître et de pratiquer les devoirs.

Oui, la législation dans son ensemble réalise l'iniquité voilà ce que nous espérons rendre indéniable pour tous ! Voilà pourquoi nous réclamons justice!

Et il ne faut pas croire qu'il soit difficile de s'entendre sur ce qui est véritablement juste en législation, lorsqu'on l'a clairement exposé. Assez de maximes religieuses et politiques, reconnues par tous les partis, mais répudiées par eux dans la pratique, l'ont d'ailleurs proclamé. Aussi les doctrines de privilége éludent-elles la question de justice dont leurs appréciations mêmes ne peuvent se dispenser de constater les droits. S'efforçant de faire considérer les nécessités de leur domination comme les nécessités de l'ordre et de l'industrie, elles déclarent impossible ce qui est équitable et qualifient d'utopie toutes les théories du juste, parce que dans leur nombre quel

ques-unes ont pu être irréalisables ou subversives. Paralyser la raison, nier ses droits, fausser l'intelligence de la jeunesse par l'enseignement des jésuites, par un odieux abus du principe d'autorité et d'obéissance, enfin substituer partout la force matérielle à la force morale, c'est évidemment une nécessité pour tous les partis qui déclarent impossible une équitable répartition des fruits du travail, impossible ce qui est juste, impossible de détruire la misére! - L'ordre moral est assurément subordonné à cette question : Peut-on gouverner avec justice? peut-on assurer à chacun une part équitable des fruits de son travail? peut-on détruire la misère ? Si Dieu ne nous en a pas donné les moyens, l'ordre moral est impossible puisque la misère engendre partout l'ignorance et la corruption, l'envie, la haine et les Révolutions par la dégradation humaine.

Mais, soutenir que Dieu après avoir organisé la sublime harmonie du monde physique, refuse à l'homme créé à son image les moyens de réaliser l'ordre moral, c'est nier Dieu ou sa justice! c'est à nos yeux la dernière des impiétés, c'est celle qui engendre partout le scepticisme et l'athéïsme!... Pour réaliser ce qui est juste, il ne faut qu'en rechercher les moyens ; pour les trouver il ne faut que le vouloir fortement; et ne pas prendre pour des impossibilités la tendance à faillir au devoir ou à satisfaire son égoïsme.

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La difficulté est donc dans la découverte des moyens. Dès que les moyens équitables et pratiques seront présentés de manière à ne pouvoir être méconnus, y a-t-il encore aujourd'hui un intérêt de parti ou de classe qui pourra les faire méconnaître ou repousser? Nous ne voulons pas le croire. Appelons le concours de tous pour découvrir ces moyens. Si l'on réussit la société triomphera de l'iniquité, elle sera sauvée aux applaudissements de tous les partis. Telle est la pensée de cet ouvrage. Il s'attache à poser nettement et à résoudre ces quatre questions principales: 1o La législation dans son ensemble ne réalise-t-elle pas l'iniquité sociale ?

2° L'ordre qui réalise la justice n'est-il pas le pre

mier devoir des sociétés?

3 Cet ordre est-il possible?

4° Quels sont les moyens pratiques de le réaliser ? Près des hommes du passé, cet ouvrage constate sans exagération, et par les faits officiels, les priviléges, les abus et les systèmes qui ont engendré la démoralisation de toutes les classes, les utopies et la misère. Par une recherche sur les lois providentielles du monde moral et sur les doctrines économiques qui répondent aux prescriptions des mêmes lois, il découvre dans les rapports corrélatifs qui subsistent entre les droits et les devoirs, la satisfaction de tous les besoins sociaux et la réalisation de la liberté dans l'ordre fondé sur la justice. Enfin, il est la mise en demeure de la bonne volonté des hommes du passé à faire cesser l'iniquité par les moyens possibles, les moyens pratiques dont rien ne peut justifier le rejet, si ee n'est la découverte de moyens plus efficaces que nous serons toujours prêts à soutenir. Écartant ainsi toutes les réformes qui pourraient être considérées comme des utopies, il oblige les partisans des priviléges à se prononcer entre l'équité et l'iniquité sociale!

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D'autre part, cet ouvrage a pour objet d'appeler l'attention des démocrates sur les causes de l'insuccès de la démocratie depuis 1789, et sur les moyens de hâter son triomphe définitif. Les priviléges de la féodalité financière sont assurément plus difficiles à renverser que ne le furent ceux de la noblesse et du clergé, car ils sont la forteresse dans laquelle ces derniers se sont retranchés, en s'unissant aux intérêts les plus démoralisateurs

A la voix des Mirabeau et des Talleyrand, noblesse et clergé renoncèrent spontanément aux priviléges de caste. Ils agirent ainsi non pas seulement parce qu'ils. avaient à faire à forte partie : le tiers-état et le Peuple réunis ; mais surtout, parce que la question sociale fut

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