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d'expliquer avant d'accréditer une formule laconique et absolue dont la lettre est bien plutôt une protestation que la manifestation précise d'une doctrine praticable en ce temps. Il ne faut pas que le Peuple puisse avoir lieu de diminuer sa foi dans les réformes qui touchent à de si grands intérêts. Pour que cette foi soit féconde il faut qu'elle croisse sans cesse par les résultats obtenus. Pour cela il faut craindre de promettre plus qu'on ne peut tenir. Si au lieu de cette formule absolue La propriété c'est le vol, on avait dit: La propriété équitablement acquise est le contraire du vol; mais la propriété acquise par l'oppression des droits du travail est le vol le plus funeste à la société; il paralyse l'industrie par la misère et la dégradation morale des masses; si l'on avait tout d'abord adopté cette formule que la force naturelle des choses proclame malgré tous les efforts contraires parce que c'est une vérité incontestable, on serait assurément plus avancé! Objectera-t-on que les formules laconiques, et absolues sont mieux saisies par les masses. Raison de plus pour redouter les déceptions qu'elles peuvent engendrer, car le vrai n'est nulle part dans l'absolu parmi les hommes : l'absolu ne réside qu'en Dieu !

En présence de la doctrine qui veut que la propriété soit le droit d'user et d'abuser, et de celle qui semble la confondre toujours avec

satisfaction les déclarations suivantes de nature à en fixer la valeur. Elles sont extraites des derniers écrits de ce réformateur, publiés dans la Voix du Peuple, des 5 et 19 novembre 1849.

Le véritable problème, pour nous, n'est pas de savoir si l'usure, en soi, eșt illicite, nous sommes à cet égard de l'avis de l'Eglise, ou si elle a une raison d'existence, nous sommes, sous ce rapport, de l'opinion des économistes. Le problème est de savoir comment on parviendra à supprimer l'abus sans endommager le droit..... Tout service est une valeur; conséquemment comme il est de la nature de tout service d'être rémunéré, il s'en suit que le prêt doit avoir son prix...

Dans le même écrit du citoyen Proudhon, nous lisons encore les paroles suivantes qui sont, à nos yeux, l'explication de quelques passages équivoques de ses publications antérieures :

Bien loin qu'il (l'athéïsme) témoignât de la force de l'esprit, il ne prouvait que son désespoir. Aussi en est-il de l'athéïsme comme du suicide: il n'a été embrassé que par le très-petit nombre: le Peuple l'a toujours eu en horreur.» Après de telles paroles, il reste évident que les appréciations faites par le citoyen Proudhon, du Dieu qu'invoquent certaines doctrines susperstitieuses et anti-sociales, ne s'adressaient pas au vrai Dieu. Une intelligence de la nature de celle du citoyen Proudhon ne pourrait s'égarer à ce point de méconnaître que les hommes ont reçu de Dieu tout ce qui est nécessaire pour faire régner la justice sur la terre. Sur ce point et sur d'autres, si ce réformateur a pu douter, ou varier d'opinion, errare humanum est : c'est de la science, et non de l'erreur dont les plus grands esprits ont tous produit leur part, que nous devons garder le souvenir.

le vol, il faut se redire : Que cherchons-nous? ce qui est juste; rien de plus ni rien de moins. Hors de la justice on ne ferait que maintenir la subversion générale par une oppression différente. Après avoir exposé dans quelle limite le droit de propriété est indéniable nous devons examiner: 1o Dans quelle mesure la gratuité du crédit est possible; 2° s'il serait juste d'interdire toute rente à la propriété formée par les fruits du travail de chacun dans une société industrielle.

Nous adoptons complétement cette pensée du citoyen Proudhon : << Que les travailleurs se garantissent les uns aux autres le travail et le débouché en acceptant comme monnaie leurs obligations réciproques, et la liberté industrielle résultera pour nous comme la liberté politique de notre mutuelle garantie. » Telle fut en effet la pensée vaste et féconde de la Banque d'échange appelée Banque du Peuple. Dès que les associations de travailleurs seront associées entre elles pour le soutien d'une Banque de cette nature, dont elles reconnaîtront et garantiront les billets, elles auront créé un moyen d'échange direct; elles auront ainsi réalisé la quasi-gratuité du crédit, à certains égards, et dans une certaine mesure : c'est-à-dire dans la limite de ce que les associations peuvent produire et échanger. Nous disons quasi-gratuité, car le capital nécessaire pour fonder l'établissement, les non-valeurs et les frais à la charge d'une telle institution nécessitent une taxe à prélever sur les opérations. Il est incontestable qu'avec l'association intégrale de tous les membres de chaque commune, ou même avec un système de Banques solidaires qui présenteraient pour garantie de leurs billets une partie de la propriété nationale, on pourrait étendre un tel crédit à la presque totalité des besoins. Une telle gratuité est rationnelle et compréhensible. Elle se réduit à la mutualité des services; elle n'est point la négation de la juste rémunération due à tout service rendu sous la forme de crédit; elle se borne à abolir l'injuste domination du capital-argent, et à réduire l'intérêt à un chiffre minime. Mais avec le morcellement actuel de l'industrie, de telles institutions rencontrent d'immenses difficultés ; l'accroissement indéfini du nombre des associations et l'union de ces dernières pourront seuls les mettre à mettre de répondre à la généralité des besoins. Quoique les mœurs économiques soient à peine naissantes chez nous, il est certain qu'avec la confiance dans le principe d'association, une telle institution finira par être la démonstration pratique d'une des vérités économiques que les priviléges ont le plus grand intérêt à contester. L'association

déterminera ces résultats malgré tous les obstacles; n'a-t-elle pas été déclarée le seul soutien de l'industrie, et cela par les économistes eux-mêmes? (Voir pages 159 et 160).

Si la quasi-gratuité du crédit peut être réalisée dans la mesure. de ce qu'on peut échanger même par intermédiaire, il ne faut pas en conclure que chacun a un droit égal au capital et que l'État peut en créer indéfiniment. Ce serait une erreur complète. L'État ne peut créer que des signes de crédit, des signes d'échange. Ces signes n'ont de valeur qu'en proportion des capitaux de garantie que la société possède. Ces capitaux sont le produit d'une activité industrielle. Si cette activité n'est pas stimulée, rémunérée équitablement, elle se ralentit; les capitaux existants se consomment; ils ne sont pas remplacés en proportion de l'accroissement continuel de la consommation. En laissant diminuer ses capitaux la société perd les moyens de multiplier les signes du crédit, elle perd ses ressources; son crédit s'éteint; elle ne progresse qu'en pauvreté ; elle marche à une dégénérescence finale: car le bien-être matériel d'un peuple dépend absolument des quantités qu'il produit lorsqu'il a su se garantir une répartition équitable des fruits du travail. Si une nation de trente millions d'habitants ne sait produire que quinze millions de valeur par jour, elle sera réduite à ne pouvoir consommer chaque jour que la valeur de dix sous par individu : elle sera très-pauvre; elle n'aura réalisé que la fraternité de la misère ! Il faut donc dans l'intérêt de tous, stimuler, exciter sans cesse l'activité productive de chacun. Voilà pourquoi on ne saurait demander l'abolition absolue de la rente de la propriété dans une société industrielle, mais la réduction de cette rente à un chiffre minime toujours subordonné à la satisfaction des droits du travail. Ce résultat est assuré par l'abondance des capitaux de circulation, par l'échange direct des produits le plus qu'il est possible; en un mot par l'association qui assure une équitable répartition des fruits de tout labeur, et qui multiplie les capitaux au bénéfice de tous par les réserves qu'elle prélève annuellement sur le bénéfice commun.

Avec la reconnaissance complète de tous les droits de l'industrie et du travail (voir page 47) la propriété ne se forme plus que par l'accumulation des fruits du travail. Ces fruits sont la légitime propriété de celui qui les acquiert, tant qu'il n'en fait pas un usage nuisible à la société ou à autrui. Une partie de ces fruits doit se transfor

mer nécessairement en capitaux, puisque toute industrie exige un capital d'instruments qui s'usent et qu'il faut renouveler ;puisqu'enfin le développement de l'industrie ou de la production, conséquemment le bien-être des masses, dépend de l'abondance des capitaux.

Passons maintenant à un exemple: Vous êtes cent travailleurs as sociés qui gagnez trois francs par jour avec le faible capital que vous possédez. Un nouvel associé vous apporte une machine ou des outils, avec le secours desquels vous gagnerez chacun vingt pour cent de plus. Celui qui vous apporte ce capital l'a réalisé par dix années d'un rude labeur et par mille privations. Son travail et son capital rapportent ensemble à l'association plus que le travail de dix d'entre vous. Serait-il juste qu'il n'obtînt pas une part plus considérable que celui qui ne produit à l'association qu'un dixième de ce que ce nouvel associé y procure. Il aurait donc accru la part de tous d'une manière permanente, sans en retirer aucun avantage pour luimême ! Qui pourrait dire que cela est juste comme règle et que les conditions de l'émulation industrielle peuvent subsister avec l'égalité de répartition après une telle inégalité d'apport. Ne sent-on pas que la justice comme les conditions de l'activité industrielle sont dans une répartition proportionnelle au labeur et à l'assistance fournis par chacun. Le problème est dans cette répartition, Si elle existait, il n'y aurait ni manque de travail ni misère. Le simple travailleur jouirait d'un bien-être relatif supérieur à celui de l'opulence. Sans aucun doute, le capital ne doit pas prélever toute la part de production qu'on peut lui attribuer, parce que sans le travail il n'est rien: il n'est que l'instrument matériel; il ne doit plus dominer l'intelligence et le cœur: il doit leur être subordonné avec équité. Comme fruit du travail ajouté à un autre travail pour le féconder; il a droit à une part, et non plus à la domination comme il l'a exercée dans le passé : Voilà en quoi consiste la réforme économique. Refuser toute part au capital ce serait exercer sur les fruits du travail, l'oppression que le capital-argent a exercée sur le travail. Et en vertu de quel droit ?..... la société n'aurait fait alors que changer d'oppression. Elle reviendrait à la misère universelle par un extrême opposé. Car le bien-être de tous, dépend de l'abondance de la production; cette production dépend de l'activité industrielle et de l'accroissement des capitaux ; il n'y a donc point de bien-être. pour le Peuple hors des conditions de cette activité.

Et qu'on se rassure sur l'abus. En de telles conditions il n'y a

plus à craindre que la part du capital soit trop forte. L'intérêt de l'argent sera déterminé alors, même par la taxe des opérations d'échange des produits. Si les Banques d'échange ou les autres institutions de crédit public suffisent à tous les besoins, le capital-argent devrait offrir à meilleur marché que leurs opértions. Si comme il est probable elles ne suffisent point, son prix sera relatif à l'utilité; il sera toujours sans importance avec de telles institutions.

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Aux partisans des priviléges qui combattront cette doctrine, nous répondons par avance: Observez bien et vous reconnaîtrez que vos objections ne s'appuient que sur des iniquités érigées en droit par l'oubli des devoirs sociaux. La propriété individuelle ne peut subsister devant la propriété collective qui se formera de plus en plus par l'association, que si elle se montre rigoureuse à satisfaire les justes droits de l'industrie et du travail, qui sont la source de toute propriété légitime. Si la propriété individuelle persistait à les méconnaître, elle prononcerait elle-même la déchéance de ses droits.

Aux partisans de la gratuité absolue du crédit, nous disons: Pour progresser, redoutons de caresser des utopies qui font la force de nos adversaires.

Outre la raison de justice hors de laquelle il n'y a point de prospérité permanente qui soit possible, il y a encore un intérêt impérieux, qui commande d'assurer une part au capital dans les associations. Combien de millions d'ouvriers de tout sexe sont réduits à travailler isolément parce qu'ils ne peuvent trouver le capital nécessaire pour former une entreprise. Dès que la bonne direction des associations existantes aura garanti le succès de ce mode de travail, les capitaux ne leur feront plus défaut, même sous le régime actuel, s'il leur est alloué une part équitable, rien de plus! Quelle plus sûre garantie pourrait en effet trouver un capitaliste, que l'intérêt de plusieurs centaines de travailleurs tous intéressés à la prospérité de l'entreprise et ayant pour appui des milliers d'autres associations et des millions de consommateurs dévoués! Aujourd'hui l'association n'a besoin que de capitaux pour prendre tout son essor sous une bonne direction. Qu'elle ne se montre pas trop dédaigneuse à leur égard; qu'elle oublie leur iniquité pour ne songer qu'à l'équité de l'avenir; qu'elle se souvienne de cette maxime populaire Le mieux est l'ennemi du bien, et elle aura plus fait pour la cause des travailleurs qu'un rigorisme inintelligent des nécessités de l'industrie et des besoins actuels de l'association.

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