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des droits de chacun, limité seulement par la loi et cela avec un gouvernement qui remplit le rôle de fonctionnaire de la nation, et non plus celui de maître !

Il est évident que les moyens de l'une de ces situations ne pouvaient être ceux de l'autre. Le despotisme ne réclame du peuple que l'obéissance; le régime de liberté place en fui la puissance d'organisation; le premier appartient au mode le plus simple; le second au mode composé le plus complexe. Sous le despotisme enfin, si le pouvoir a l'arbitraire pour droit, il a pour devoir comme pour intérêt d'être paternel; sous le régime de liberté le pouvoir exécutif n'est qu'un fonctionnaire; il est le directeur de l'immense machine sociale, appelée législation; mais le moteur de cette machine c'est la liberté, les droits du citoyen. Sous un tel régime on ne peut attendre que des efforts, de nos propres facultés, même par l'État, la satisfaction des besoins physiques et des besoins moraux d'un nouveau genre que l'on est apppelé à y ressentir. Dès-lors, il faut nécessairement que la législation découle des lois providentielles du monde moral; qu'elle ait pour objet d'assurer la part de liberté qui revient à chacun, pour se garantir contre l'oppression du plus fort; à défaut de quoi il s'établira, non plus seulement par l'action du pouvoir, mais surtout par le mouvement même des rapports sociaux, une démoralisation, une injustice pire que toutes les situations de ce genre engendrées par l'absolutisme !...

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Les législateurs qui se sont constitués les tuteurs du peuple, dans les efforts qui ont déterminé l'avénement du régime de liberté, ontils compris cette situation? ont-ils réparti la liberté avec justice; ou, à ceux qui allaient jouir de droits politiques qui constituaient des priviléges d'un nouveau genre, ont-ils imposé les devoirs qui correspondaient à ces droits; ont-ils déclaré à tous, que libre désormais dans l'exercice des droits que la loi reconnaît, si l'on méconnaît les devoirs qui y correspondent, chacun en sera puni, non plus par la puissance matérielle qui venait directement nous frapper lorsqu'on oubliait la soumission due à l'autorité despotique, mais par le trouble, les souffrances qui, sous le régime de liberté, atteignent inévitablement, quoique plus ou moins indirectement tous les membres du corps social, si l'on oublie la pratique des devoirs qui sont la condition à laquelle on acquiert tous les droits? car celui qui méconnaîtrait tous les devoirs ne possèderait assurément aucun droit.

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Enfin, les législateurs ont-ils satisfait à l'impérieuse obligation de tracer les dévoirs qui correspondent à chaque droit, et de formuler la doctrine spéciale à ce régime pour les gouvernés comme pour les gouvernants? L'enseignement propre à faire apprécier, seconder et soutenir cet ordre par les populations devait être fourni à chaque classe. Dès qu'il ne s'agissait plus seulement pour le peuple d'obéir, mais d'agir avec liberté; du moment que le peuple devenait libre de seconder la direction des affaires publiques, ou d'y résister légalement, l'instruction spéciale à ces nouvelles fonctions était indispensable; elle devenait une partie essentielle des études de la jeunesse. La pratique des devoirs étant la condition sine quâ non de l'utile exercice des droits, un tel enseignement aurait dû précéder plutôt que suivre la proclamation du régime de liberté.

La parole est impuissante à dire jusqu'à quel point législateurs et peuple ont méconnu les conditions premières, les devoirs imprescriptibles dictés par le régime de liberté. Il n'y a que le triste aspect de l'état social qui puisse le faire comprendre. Partout on n'a fait qu'opposer l'abus d'un droit à celui d'un autre droit. Nul n'a reconnu qu'à chaque droit correspondent des devoirs que ni la loi, ni la religion ne pouvaient prescrire, mais seulement faire pressentir ou indiquer. Nul ne s'est dit :

Législateurs et citoyens ne sont pas honnêtes gens sous le régime de liberté, aux seules conditions qui pouvaient mériter ce titre sous le despotisme. Sous le régime de liberté ne reconnaître que les devoirs imposés par la loi, c'est être souvent bien plus criminel que celui qui viole la loi ouvertement, car la solennelle réparation imposée à celui-ci, peut être un utile enseignement où l'on ne proclame que des droits c'est celui du plus fort seul qui a raison !!! Loin d'être dirigés par ces réflexions, les esprits ont tous été portés à user de la liberté pour sé satisfaire aux dépens de l'intérêt général, comme s'ils y étaient étrangers; comme si cet intérêt n'était pas là condition première de leur bien-être. Nulle part le sentiment du devoir envers la société n'a arrêté l'entraînement de l'égoïsme. Le riche éclairé comme le pauvre et l'ignorant ont cédé au même égarement. Celui-là même dont la profession est une sorte de magistrature sociale n'a cru exercer qu'un métier ou une industrie. On l'a vu spéculer sur l'entraînement des tendances les plus dangereuses de la population. Des bénéfices, des succès, voilà son unique mobile. Le devoir social ne lui fera pas rejeter les moyens réprouva

bles de se les assurer si la loi n'en punit pas l'usage! On ira même jusqu'à s'ingénier pour se soustraire aux atteintes de la loi, comme si en la violant on ne commandait pas à tous de nuire à nousmêmes. Nous jouissons de la liberté; nous devons user de la liberté ! démoralisation ou honnêteté, ordre ou subversion, décadence ou grandeur, qu'importe!... que chacun songe à soi!... Va victis! le faible est voué au malheur ! Voilà la doctrine qu'on a pratiquée sous la monarchie constitutionnelle, par l'impulsion du pouvoir lui-même,

Comment on s'est égaré.

Les oligarchies ne changent jamais d'opinion, parce que leurs intêrêts sont les mêmes. » (BONAPARTE.)

Il serait injuste d'accuser les illustres législateurs de 1791, d'avoir méconnu que la pratique des devoirs devait marcher parallellement avec l'exercice des droits. On trouve au contraire la preuve dans les procès-verbaux de la première Assemblée Constituante, que la nécessité d'une Déclaration des devoirs avait préoccupé plusieurs législateurs. Et cependant ils n'avaient pas la pensée d'instituer de nouveaux priviléges : ils voulaient la liberté pour tous. Mais les événements paralysèrent les travaux de ce genre, A la terreur succéda le despotisme. Et au retour d'un régime de liberté, tout préoccupés des nécessités d'un ordre fondé sur les priviléges de la finance et de la propriété, les législateurs ne sont pas remontés aux principes du droit social. Ils ont satisfait aux besoins du jour, en réclamant tout au principe d'autorité, sans se demander si son exercice serait équitable: ils se sont laissé entraîner dans cette voie par les difficultés croissantes qu'ils devaient rencontrer pour gouverner en de telles conditions.

A l'avènement de la Révolution française, le peuple avait été si complétement privé de droit, qu'il était uniquement préoccupé de l'idée d'en acquérir. Par les droits seuls, il voyait la possibilité de se garantir contre l'oppression qu'il avait subie. Acquérir des droits lui paraissait le remède à tous les maux, même à ceux qui pouvaient naître d'une liberté sans règles. Aussi, l'idée du devoir n'a-t-elle inspiré

que la demande de nouveaux droits, et la vigilance à les exercer. On a ainsi méconnu que c'est moins le développement hâtif des droits que l'équilibre entre l'exercice de ces derniers, et la pratique des devoirs qui devait assurer l'ordre moral et le progrès, en faisant régner l'équité sociale.

Par suite de ces tendances, dans chaque pays où le despotisme fit place à des institutions représentatives, le gouvernement se trouva très-difficile à pratiquer; il subit aussi le même entraînement : développer, fortifier ses droits, lui parut l'accomplissement de tous ses devoirs essentiels; il n'en comprit pas d'autres. L'accroissement progressif des populations, l'insuffisance du travail par le fait d'une législation qui fait obstacle à ce que les masses puissent consommer une partie suffisante de ce qu'elles produisent. La fausse situation faite à toute l'industrie par la nature des nouveaux priviléges sur lesquels s'appuyait le pouvoir, tout cela devait rendre les difficultés du gouvernement chaque jour plus intenses.

Attendant toute force légale des votes de la représentation nationale, le gouvernement s'efforça de l'associer à ses intérêts, en limitant le plus possible le nombre des électeurs, et en partageant les avantages du pouvoir avec ceux de ces derniers qui soutenaient la majorité législative.

De là cet entraînement du pays légal ou politique à ne voir le maintien de l'ordre que dans la satisfaction de ses propres intérêts. Ceux qui tentèrent de lui rappeler qu'il n'exerçait qu'une magistrature sociale, qu'il était le mandataire des autres classes, qu'il devait s'occuper de leurs besoins avant de songer à ses propres intérêts, que tels étaient les devoirs imprescriptibles qui correspondaient à ses droits; tous ceux qui tinrent ce langage furent écartés comme de dangereux utopistes ;on leur reprocha de méconnaître les nécessités de l'ordre rechercher l'ordre matériel par l'ordre moral, était aux yeux de la majorité du pays légal une prétention révolutionnaire : les moyens du despotisme, le dévouement absolu aux priviléges sur lesquels reposait le nouvel ordre social, devait tenir lieu de tout. Aux yeux de la majorité du pays légal ce dévouement formait, avec la force matérielle, les moyens efficaces d'ordre public! L'entraînement devint tel dans cette voie, que les rapports renouvelés de l'Institut sur les mesures réclamées par les souffrances des classes les plus nombreuses, n'obtinrent pas même d'être pris en sérieuse considération.

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Au lieu de songer à rentrer dans l'ordre moral pour rétablir l'équité et donner à l'industrie un essor proportionné à l'accroissement des populations en développant la consommation des masses par les libertés qui étaient leur droit, on ne se préoccupa que des moyens de résister aux efforts déréglés des populations, en vue de s'acquérir des droits; on méconnut que l'émancipation d'une classe détermine inévitablement celle des autres: qu'y mettre obstacle en dédaignant les moyens de la préparer, ne serait que consommer une iniquité !...

Aussi les partisans de la simple monarchie persévéraient-ils de plus en plus dans leur opinion. L'antagonisme croissant que ce système établissait entre le pouvoir et la majorité du pays, leur paraissait déterminer un antagonisme plus dangereux encore entre les classes privées de droits politiques et le pays légal.

N'apercevant nulle part une doctrine propre à organiser la déinocratie, voyant les plus doctes libéraux se borner à des théories sur l'équilibre des pouvoirs constitutionnels, et dans la pratique à un système qui, par modification du despotisme, faisait de la force matérielle et de la ruse, combinées avec certaines libertés érigées en monopole, le ressort suprême des monarchies constitutionnelles, en considérant l'antagonisme démoralisateur qu'un tel système excitait de plus en plus entre les différentes classes de citoyens, les partisans de l'absolutisme furent portés à croire plus que jamais, que le despotisme était la seule forme de gouvernement propre à réaliser l'ordre matériel.

'On ne saurait le méconnaître : si les législateurs de la monarchie constitutionnelle ont sur les partisans du despotisme le mérite d'avoir introduit la liberté, leurs œuvres n'ont pas révélé pour l'ordre moral cette foi qui seule peut faire découvrir les conditions du progrès social. Une fois au pouvoir, ils n'ont su que défendre les intérêts d'une oligarchie; ils se sont déchargés sur une liberté de monopole du devoir d'assurer l'existence morale et matérielle des populations. Partout l'intérêt du moment, celui de leurs priviléges, a dicté le devoir et le droit législatif, et non point la justice Ils n'ont pas prévu que des libertés, d'ailleurs si inégales et nullement soumises aux lois de l'ordre moral, ne feraient que constituer des priviléges plus démoralisateurs que ceux du passé et conduire les sociétés, par une démoralisation croissante, à leur décadence finale.

Pour avoir une idée de l'éloignement des monarchistes constitu

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