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l'aveu de tous les philosophes, nos premières idées, portant nécessairement sur des objets concrets, déterminés, particuliers, sont nécessairement aussi particulières et concrètes, et de pareilles idées ne peuvent être fondamentales. L'idée d'un objet déterminé ne s'applique qu'à cet objet même; pour l'étendre à d'autres, il faut la généraliser, et pour généraliser, il faut abstraire; or, ce n'est point par des généralités et des abstractions que débute l'esprit humain.

Qu'entend-on d'ailleurs par une idée principe? Il nous semble que la philosophie n'a pas donné à cette expression un sens parfaitement exact. En disant que ces sortes d'idées sont la source des autres, veut-on dire qu'elles les produisent comme la source produit le ruisseau; que, par conséquent, elles les renferment préalablement comme le contenant renferme le contenu, en telle sorte qu'il suffise d'un travail de l'esprit, de la réflexion appliquée à ces idées principes, pour en déduire une foule d'autres idées? La philosophie tient ce langage, nous n'en doutons pas; mais le prend-elle dans un sens direct et positif, ou plutôt n'y voit-elle qu'une métaphore plus ou moins détournée? Si ce langage est une pure métaphore, il n'a aucune valeur philosophique; si on y

attache un sens direct et positif, il faudrait avant tout s'assurer de son exactitude. Or, les idées n'étant, comme nous l'avons vu, que des connaissances, peut-on dire avec vérité qu'il y a des idées renfermées dans leurs principes, et qui ne se montrent qu'après en avoir été dégagées? Elles existeraient donc avant d'être connues, elles seraient dans leurs principes sans être rien pour l'esprit; elles ne seraient donc pas des connaissances, elles ne seraient pas des idées.

A l'aide d'une idée quelconque, l'esprit peut sans doute en acquérir successivement un grand nombre d'autres; mais alors il ne les tire pas toutes formées d'une sorte de réservoir qui les renfermerait; il les forme lui-même, en s'appliquant, par une attention plus ou moins prolongée, aux objets qui leur correspondent. Une première idée peut être la condition de ce travail intellectuel, elle peut mettre l'esprit sur la voie d'autres idées ou les lui suggérer; mais elles n'existent que quand l'esprit les conçoit, et il ne les conçoit qu'en s'occupant des choses dont elles sont la connaissance.

Si donc nous avons des idées fondamentales, elles ne méritent ce titre ni par l'importance de leur objet, ni parce qu'elles apparaîtraient les

premières à l'esprit, ni parce qu'elles seraient les principes, les sources dont toutes les autres idées émanent.

Mais, dira-t-on, que deviennent alors les idées fondamentales? Après leur avoir enlevé la possession exclusive des caractères de nécessité, d'immutabilité et d'universalité, vous prétendez encore qu'elles ne sont ni les plus importantes par leur objet, ni les idées primitives, ni les principes des autres; que sont-elles donc?

Elles sont, tout simplement, les idées les plus générales que nous puissions nous former sur les choses. Par conséquent, au lieu d'être la base de toutes nos idées, elles en sont le faîte; au lieu de les produire, elles les résument; elles sont, pour toutes les connaissances humaines, ce que sont pour l'histoire naturelle en particulier les idées de genre ou des plus hautes classes. Parfaitement indifférentes à la nature et à l'importance des êtres divers, elles conviennent également à tous et les embrassent tous; elles n'ont rien d'antérieur aux autres idées et ne les engendrent pas; elles ont même nature, même origine, et ne sont ni plus nécessaires, ni plus immuables; elles ne s'en distinguent enfin que par un seul caractère, celui de la plus haute généralité possible.

En décernant à ces idées les titres de fondamentales, de principes, la théorie moderne a grandement contribué à obscurcir leur nature. On a pris ces expressions à la lettre, on a voulu nécessairement trouver dans l'esprit humain des idées dont toutes les autres devaient découler comme de leur source, et sur lesquelles elles devaient s'asseoir comme sur une base inébranlable, sans déterminer nettement ce que pou vaient être, au fond, et ces idées renfermées dans une source ou appuyées sur une base, et celles qui seraient le fondement ou la source des autres : une pure métaphore s'est ainsi transformée en dogme philosophique.

Pour obvier à cette erreur, il est donc important de substituer aux expressions d'idées fondamentales, d'idées principes, un terme plus exact et plus précis. Aristote l'a trouvé il y a plus de deux mille ans. Nous ne savons s'il entendait comme il convient la nature des idées fondamentales; mais, s'il n'avait pas la chose, il avait le mot, c'est celui de catégories.

Catégorie signifie classe ou genre; les idées fondamentales, n'étant que les idées les plus générales de toutes, peuvent donc parfaitement s'appeler catégories. Nous en donnerons la liste dans un des chapitres suivants.

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La question de savoir ce qu'est le temps, ce qu'est l'espace, a toujours passé pour une des plus obscures et des plus difficiles de la science: la plupart des philosophes ont même regardé la nature de l'espace et du temps comme absolument inintelligible.

Kant et son école n'ont vu dans le temps et l'espace que les formes de la sensibilité pure; le philosophe allemand leur refuse toute espèce de réalité soit spirituelle, soit matérielle, il n'en fait pas même des manières d'être des choses extérieures. Ainsi, les événements ne sont pas extérieurement dans le temps, ni les corps dans l'espace; mais les formes naturelles de la sensibilité pure étant l'espace et le temps, c'est en quelque sorte dans notre sensibilité que les corps et les événements sont manifestés; et ces formes se révèlent à l'homme aussitôt qu'un fait interne ou externe nous affecte.

Un pareil système est repoussé par le sens

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