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certaine gêne dans la conversation à l'intérieur de leur famille, où tous les objets leur rappelaient les mots et les tournures qu'elles avaient apprises dans leur jeunesse et pour lesquels la vie active et laborieuse, consacrée aux sciences et au bien du pays, n'avait pu leur fournir des équivalents.

La forte opposition, que le midi a toujours manifestée contre le nord de la France, s'explique en partie par la grande diversité des deux langues. Le Français du nord qualifie de Gascons tous les habitants des provinces méridionales, et attache à cette dénomination, par plusieurs raisons connues, mais surtout à cause de leur langage particulier, une idée non équivoque de ridicule. Le Français méridional appelle tous les habitants des provinces d'outre-Loire Franchimans, et une répugnance traditionelle a donné à ce mot une signification méprisante. La raillerie à Paris se traduit en haine à Toulouse.

Observations sur l'origine et la littérature des dialectes.

LJ

Bes différents idiomes populaires de la France sont qualifiés du nom général de patois. Sans remonter à la patavinité de Tite-Live dont quelques savants ont voulu dériver ce mot, suivons l'opinion plus naturelle qui l'explique par: langue des pères (patres), du pays (pagus), de la patrie. Ce qui vient à l'appui de cette étymologie c'est la formation analogue du mot payen, paganus, qui signifie aussi bien le contraire du citadin orthodoxe, que patois ou pagois (car ces deux consonnes se trouvent souvent employées l'une pour l'autre dans les dialectes) exprimerait le contraire du langage classique des villes, où la religion chrétienne aussi bien que les nouvelles langues eurent leurs premiers foyers. Ces idiomes sont naturellement beaucoup plus anciens que les langues classiques et l'intermédiaire essentiel entre celles-ci et les langues autochthones du pays. Je n'hésiterai pas de dire ici que leur matérial fournit une des plus fortes preuves contre l'assertion si souvent débattue, que la langue latine ait été dans une certaine époque la langue vulgaire des Gaules; car on trouve dans les patois une foule incroyable de mots, surtout ceux qui expriment des objets de la vie commune, qui, à moins d'être regardés par le prisme des préventions romaines ou germaniques, ne présentent aucune analogie visible avec le latin ni avec l'allemand, et qui doivent par conséquent appartenir à une époque antérieure d'où ils sont parvenus jusqu'à nous. Or il est impossible de

croire que ces expressions aient été mises de côté pendant les quatre siècles de la domination romaine, et qu'on soit allé les déterrer après pour les remettre en usage. Des peuples simples et naturels, quoi qu'on fasse, ne renoncent jamais entièrement, dans leur propre pays et à leurs propres foyers, à ce qu'ils ont, après leur religion, de plus sacré, je veux dire, à leurs moeurs et à leur langue. Que diraient les défenseurs de l'opinion contraire, s'ils voyaient, que les ecclésiastiques, dans plusieurs contrées de la France, malgré tous leurs efforts, malgré les moyens terribles qu'ils ont à leur disposition pour donner force à leurs paroles, n'ont pu parvenir jusqu'à nos jours à exterminer une foule d'usages superstitieux, qui ne rappellent que trop le culte druidique et dont au moins on ne saurait révoquer en doute la haute antiquité. *)

Or, si des moeurs et des usages, qui, après tout, ne sont dans la vie intellectuelle de l'homme que ce que les couches secondaires sont dans la formation de notre globe, ont si bien résisté à toutes les attaques du dehors et même aux paroles menaçantes des pasteurs, qui pouvaient montrer à ces volontés tenaces l'enfer et la damnation éternelle au bout de toutes leurs actions, pourquoi la langue, qui est une condition si essentielle de l'existence

*) CHAMPOLLION FIGEAC fait mention d'une fête qui se célèbre dans quelques contrées du Dauphiné et qui a une certaine ressemblance avec le champ de mai. On choisit un roi et une reine qu'on charge d'ornements et qu'on expose ensuite aux regards sur un trône exhaussé. La fête du soleil dans la commune d'Andrieux en Valgodemar a un caractère plus religieux et se célèbre avec beaucoup de solennité, mais sans la coopération du curé. Tous les habitants se rendent avant le jour sur le pont. Aussitôt que le soleil paraît on lui porte une omelette en offrande et la fête se termine par des danses et des réjouissances toutes particulières. Les archives de la Bibliothèque de Grenoble possèdent un document historique qui constate la haute antiquité de cette fête. Dans beaucoup de contrées de la France méridionale, surtout dans les montagnes, on a l'usage d'allumer de grands feux dans le temps des solstices, sans que l'on sache se rendre compte de leur signification. Le sens s'est perdu, mais la chose est restée. Les Bretons ont encore une foule de ces usages antiques. Tout le monde connaît la dévotion superstitieuse qu'ils ont pour ces pierres, dont quelques-unes représentent la forme grossière d'un autel, et qu'ils appellent dans leur langue dolmen et men-hir.

d'un individu au lieu où il a vu le jour, où il a reçu les premières impressions de la vie, n'aurait-elle pas prêté la même résistance? Le besoin prolongé pouvait faire naître des modifications, mais il ne pouvait opérer une transmutation entière. Que les grands parmi les Gaulois, que les ecclésiastiques aient parlé latin avec les Romains et qu'on ne se soit servi d'aucune autre langue pour la législation et pour tout acte public, que le peu de personnes enfin qui se mêlaient d'écrire, remplies d'une juste admiration pour les beautés et les perfections du latin, aient dédaigné d'écrire dans le langage inculte et si peu élégant de leur pays, auquel on n'épargnait pas les épithètes méprisants, *) ce sont des faits que personne ne contestera. Mais le peuple n'aura sans doute que fort lentement enrichi son pauvre idiome de mots latins, n'aura appris que fort tard à lier ses mots d'une autre façon, laquelle cependant a été toujours, et est encore, bien loin d'être latine. Avouons-nous au reste, quoiqu'en disent certains latinistes, que le latin populaire, celui des armées, où tant de nations venaient se confondre, ne pouvait être de cette pureté, ni avoir ces formes si puissamment synthétiques que nous admirons dans les chefsd'oeuvre des écrivains romains. Il n'y a aucun motif pour croire qu'il n'y ait été du commun des Romains, surtout vers le temps des empereurs, comme de celui des nations de nos jours et de tous les temps: il aura compris le savant langage des tribunes, et les vers élégants des auteurs dramatiques, comme les peuples de l'Italie comprennent aujourd'hui les pièces du Métastase et d'Alfieri, mais il n'y aura eu alors, comme aujourd'hui, que les personnes instruites dont le parler habituel se soit approché de cette perfection de style et de cette pureté de l'articulation, que montraient les orateurs et les comédiens.

Je puis supposer dans mes lecteurs la connaissance des faits historiques qui amenèrent et accompagnèrent la chûte de l'empire romain et qui livrèrent les Gaules aux débordements des peuples barbares. Des plumes habiles ont retracé l'état des Gaules en ces temps avec une vérité effrayante. Il dut y avoir une époque

*) L'empereur JULIEN trouva que le langage des habitants de Paris ressemblait au cri des corbeaux.

de confusion et de bouleversement presque impossible à décrire. Je ne répèterai pas non plus ici ce que d'autres ont déjà dit sur l'origine de la langue française et des langues romanes en général. Seulement, pour prouver que les langues indigenes continuèrent de se parler parmi le peuple, malgré la domination romaine, je citerai le témoignage de ST. IRÉNÉE qui mourut au commencement du troisième siècle, et celui de SULPICE – SÉVÈRE, qui vivait vers le milieu du quatrième. Le premier dit, dans une lettre adressée à un de ses amis, que, depuis le temps qu'il vit parmi les Gaulois, il s'est vu obligé d'apprendre leur langue. L'autre, dans ses Dialogues, *) fait dire à Gallus, un des interlocuteurs, qu'on avait prié de raconter quelques traits de St. Martin: »Sed dum cogito, me hominem Gallum inter Aquitanos verba facturum, vereor ne offendat vestras nimium urbanas »aures sermo rusticior.« A quoi Posthumien, le personnage principal de ces Dialogues lui répond: »Tu vero vel celticè, aut, si mavis, gallicè loquere, dummodo jam Martinum loqueris.<< SEPTIME - SÉVÈRE enfin, par une loi donnée en 230, **) ordonne l'admission et la légalité de toutes les langues, non seulement du latin et du grec, mais aussi du gaulois, in gallicana, pour des actes publics, tels que fideicommis etc.

Nous n'avons point de notions positives sur la manière dont la langue appelée d'un nom général romana rustica se développa dans les premiers siècles. Cette formation est couverte d'un voile, comme toute opération générative dans la nature. Ce qui est sûr c'est que la nouvelle langue dut se ressentir partout de l'influence des langues et des dialectes indigènes, notamment sous le rapport phonétique. Le premier monument écrit, qui est en même temps un document public, est le serment de LOUIS - LE - GERMANIQUE, prêté en 842 à son frère CHARLES-LE-CHAUVE. Il nous montre une langue toute faite, qui s'est fort peu changée depuis, et qui se parle encore, avec des modifications locales, dans tout le midi de la France. ***) La poésie provençale naquit bientôt

*) Sulpit. Sev. Opera omnia. Lugd. Batav. Hackius, 1647, p. 543. **) Digest. lib. XXXII. tit. 1. p. 11.

***) Nous donnerons dans la seconde partie de cet ouvrage une tra

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