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pas possible que le goût varie jamais sur cela.

« Cette femme si criminelle excite jusqu'à la fin de la Piece la compassion et la terreur, dit encore Louis Racine. Notre Poëte, qui doit à Euripide l'idée de ce caractere si admirable et si tragique, a la gloire de l'avoir toujours également soutenu; ce qu'Euripide n'a point fait. Il n'a peut-être pas été si heureux dans le caractere d'Hippolyte. Il auroit dû, peut-être, avoir moins de complaisance pour son siecle, et ne point introduire l'amour galant dans un sujet où l'amour tragique doit régner seul. C'étoit le seul défaut qu'y trouvoit le célebre Arnaud, qui avouoit que sans cet amour la Tragédie de Phedre n'avoit rien que d'utile pour les mœurs.... >>

« Riccoboni rejette cette Piece de son Théatre; et ce sacrifice d'un Ouvrage qu'il trouve si admirable lui coûte, dit-il, beaucoup ; mais il le doit à la délicatesse des mœurs.... »

« Les Anglois n'aiment pas, dit-on, à voir Phedre sur leur Théatre. La maniere dont un Poëte a traité ce sujet en est, sans doute, la cause; et il n'y a pas d'apparence qu'ils le rejettent comme sujet dangereux, puisque la

licence de leurs Spectacles a engagé un de leurs Ecrivains à faire imprimer un Ouvrage, en 1698, intitulé De l'Impiété et de l'Impureté du Théatre Anglois. Il y ose dire que si les choses continuent, c'est fait parmi eux de la Religion et de la vertu. Il soutient que le Théatre d'Athenes étoit beaucoup plus pur que celui de Londres; ce qu'il prouve par l'exemple de Phedre. Il fait remarquer que le combat qui se passe en elle, cette opposition entre la vertu, dont elle reconnoît les loix, et le crime où sa passion l'entraîne, intéresse un Spectateur sage; au lieu que ces femmes sans pudeur et sans remords que présente le Théatre Anglois, ne peuvent causer aucun plaisir aux Spectateurs raisonnables.... »

« Le Poëte Anglois qui a traité ce même sujet, en y réunissant l'intrigue de Bajazet, se vante, dans son Prologue, d'avoir suivi Euripide, sans y parler du Poëte François, dont il a pris plusieurs scenes et traduit plusieurs morceaux. » « Voici le plan de sa Piece bizarre. »

« Phedre y fait son affreuse confidence, non pas à une tendre nourrice, en secret, mais à un Ministre d'Etat, et à une Ismène qu'elle ne

soupçonne

soupçonne pas être maîtresse d'Hippolyte. C'est Roxane qui confie son secret à Acomat et à Atalide. C'est en présence de ce Ministre et d'Ismène que Phedre fait à Hippolyte sa déclaration d'amour. Rebutée par lui, elle est si irritée, qu'Ismène, pour le salut de son cher Hippolyte, lui conseille, comme Atalide à Bajazet, d'aller la trouver et de lui faire accroire qu'il l'aime. Il y va, et le Ministre vient, comme dans Bajazet, apprendre à Isinène que les deux amans sont d'accord. Ismène, quand elle voit Hippolyte, lui reproche son infidélité. Hippolyte lui proteste qu'il n'a fait que donner de l'espérance à Phedre, sans lui promettre de l'épouser, et il propose à Ismène de se sauver avec elle. Son vaisseau est tout prêt. Le parti est accepté. Hippolyte l'emmene, en s'écriant: Habitans des bois, dormez en paix ; je ne troublerai plus votre repos. L'amour seul m❜occupe. Je vais, comme un autre Jason, emporter sur les mers une conquête plus précieuse que la Toison de Colchos. Phedre revient sur le Théatre, et n'est plus une femme mourante. Elle a repris toute sa beauté; elle ordonne des prieres et des réjouissances publiques; elle veut qu'on mette en liberté

b

tous les prisonniers, et qu'on les régale, afin qu'il n'y ait aucun malheureux quand Phedre est heureuse. Tandis qu'elle se livre ainsi à sa joie, elle apprend qu'Hippolyte est parti avec Ismène. Même fureur que celle de notre Phedre, quand elle apprend qu'elle a une rivale. Ismène et Hippolyte arrêtés sont amenés devant elle. Ismène se déclare seule coupable, pour sauver Hippolyte. Dans ce moment, le Ministre d'Etat entre, en criant: Horreur! horreur! Thésée revient. Tout s'enfuit. Hippolyte, qui reste, reçoit son pere avec un air embarrassé. Le Ministre d'Etat, qui a conseillé à Phedre de l'accuser la premiere, se charge de la commission; et Thésée, trompé par lui, condamne son fils à la mort. On vient annoncer qu'il est mort on l'a vu prendre un poignard pour se percer. Phedre, forcée par ses remords, le déclare innocent, et rejette toute l'horreur de ce mystere sur le Ministre d'Etat. Thésée, en fureur, le menace de le faire empaller. Phedre prend un poignard pour le percer elle-même. Dans son trouble, elle leve le poignard sur son mari; et, reconnoissant son etreur, elle se perce elle-même, en disant : Voilà assez

de crimes... Si ce supplice ne suffit pas, Minos, tu feras le reste. Ismène veut se tuer aussi, lorsqu'Hippolyte, qu'on croyoit mort, paroît. Il a voulu, avant que de mourir, parler à son pere. Ce pere l'embrasse, lui apprend que tout le mystere est dévoilé. Ainsi la catastrophe, funeste aux coupables, est heureuse pour l'innocence. >>

« Cet extrait suffit pour faire voir qu'une pareille Piece ne peut exciter ni terreur, ni pitié, ajoute Louis Racine. (Nous croyons qu'elle est plus propre à exciter le dernier sentiment que le premier.) L'intrigue de Bajazet peut-elle trouver place dans un sujet dont l'action est un Prince aimé par sa belle-mere? La Phedre Angloise est toujours détestable, et l'Hippolyte Anglois l'est aussi lorsqu'il lui fait accroire qu'il répondra à

son amour.... >>

La Phedre de Racine n'eut qu'un succès trèséquivoque à ses premieres représentations, par les précautions qu'avoient prises d'avance, pour la faire tomber, des personnes de distinction, telles que la Duchesse de Bouillon, le Duc de Nevers, Madame des Houllieres et quelques autres, qui n'aimoient pas cet Auteur. Elles enga

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