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JOCAST E.

AH! Prince, vous voici.

Dans le mortel effroi dont mon ame eft émuë, Je ne m'excufe point de chercher votre vûë; Mon devoir, il eft vrai, m'ordonne de vous fuir, Je dois vous oublier, & non pas vous trahir; Je crois, que vous fçavez le fort qu'on vous apprête.

PHILOCTETE.

Un vain Peuple en tumulte a demandé ma tête: Il fouffre, il est injufte, il faut lui pardonner.

JOCAST E.

Gardez à fes fureurs de vous abandonner. Partez; de votre fort vous êtes encor maître ; Mais ce moment, Seigneur, eft le dernier peut-être

Où je puis vous fauver d'un indigne trépas. Fuyez, & loin de moi précipitant vos pas, Pour prix de votre vie heureusement fauvée, Oubliez que c'eft moi qui vous l'ai confervée.

PHILOCTETE.

Daignez montrer, Madame, à mon cœur agité Moins de compaffion, & plus de fermeté ;

Préférez comme moi mon honneur à ma vie ; Commandez que je meure, & non pas que je fuie,

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Et ne me forcez point, quand je fuis innocent,
A devenir coupable en vous obéïffant.
Des biens, que m'a ravis la colere célefte,
Ma gloire, mon honneur eft le feul qui me refte;
Ne m'ôtez pas ce bien dont je fuis fi jaloux
Et ne m'ordonnez pas d'être indigne de vous.
J'ai vêcu, j'ai rempli ma trifte destinée,
Madame, à votre Époux ma parole est donnée :
Quelque indigne foupçon qu'il ait conçu de moi,
Je ne fçai point encor, comme on manque de
foi.

JOCAST E.

Seigneur, au nom des Dieux, au nom de cette flamme,

Dont la trifte Jocafte avoit touché votre ame,
Si d'une fi parfaite & fi tendre amitié
Vous confervez encore un refte de pitié ;
Enfin s'il vous fouvient, que promis l'un à
l'autre.

Autrefois mon bonheur a dépendu du vôtre,
Daignez fauver des jours de gloire environnés,
Des jours à qui les miens ont été destinés.

PHILOCTETE.

Je vous les confacrai; je veux que leur carriere, De vous, de vos vertus, foit digne toute entiere; J'ai vêcu loin de vous; mais mon fort est trop beau,

Si j'emporte en mourant votre eftime au tombeau.

Qui fçait même, qui fçait, fi d'un regard propice Le Ciel ne verra point ce fanglant facrifice?

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Qui fçait, fi fa clémence au sein de vos Etats Pour m'immoler à vous, n'a point conduit mes pas ?

Sans doute il me devoit cette grace infinie
De conferver vos jours aux dépens de ma vie.
Peut-être d'un fang pur il peut fe contenter,
Et le mien vaut du moins qu'il daigne l'accepter,

SCENE 111.

DIPE, JOCASTE, PHILOCTETE,
ÉGINE, ARASPE, Suite.

DIPE.

PRINCE, ne craignez point l'impétueux ca

price

D'un Peuple dont la voix preffe votre fupplice;
J'ai calmé fon tumulte, & même contre lui
Je vous viens, s'il le faut, préfenter mon appui.
On vous a foupçonné, le Peuple a dû le faire.
Moi qui ne juge point ainfi que le vulgaire,
Je voudrois que perçant un nuage odieux,
Déjà votre innocence éclatât à leurs yeux.
Mon efprit incertain, que rien n'a pû réfoudre,
N'ofe vous condamner, mais e peut vous ab-
foudre,

C'eft au Ciel que j'implore, à me déterminer.
Ce Ciel enfin s'appaife, il veut nous pardonner;
Et bientôt retirant la main qui nous opprime
Par la voix du Grand-Prêtre il nomme la vic-

time;

Et je laiffe à nos Dieux, plus éclairés que nous Le foin de décider entre mon Peuple & vous.

Ст

PHILOCTETE.

Votre équité, Seigneur, eft infléxible & pure;
Mais l'extrême juftice eft une extrême injure;
Il n'en faut pas toujours écouter la rigueur.
Des Loix que nous fuivons la prémiere eft
l'honneur.

Je me suis vû réduit à l'affront de répondre
A de vils Délateurs que j'ai trop fçu confondre.
Ah! fans vous abaiffer à cet indigne foin,
Seigneur, il fuffifoit de moi feul pour témoin :
C'étoit, c'étoit affez d'examiner ma vie;
Hercule appui des Dieux, & vainqueur de l'A-

fie,

Les monftres, les tyrans qu'il m'apprit à dom

ter,

Ce font-là les témoins qu'il me faut confronter. De vos Dieux cependant interrogez l'organe; Nous apprendrons de lui, fi leur voix me condamne.

Je n'ai

pas befoin d'eux, & j'attends leur Arrêt, Par pitié pour ce Peuple, & non par intérêt.

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SCENE IV.

DIPE, JOCASTE, LE GRAND-PRETRE, ARASPE, PHILOCTETE, ÉGINE, Suite, LE CHŒUR.

@DIPE.

EH bien, les Dieux touchés des vœux qu'on

leur adreffe,

Sufpendent-ils enfin leur fureur vengereffe?
Quelle main parricide a pû les offenfer?

PHILOCTETE.

Parlez, quel eft le fang que nous devons verser ? LE GRAND-PRETRE.

Fatal préfent du Ciel! fcience malheureuse! Qu'aux mortels curieux vous êtes dangereufe! Plût aux cruels Deftins qui pour moi font ou

verts,

Que d'un voile éternel mes yeux fuffent couverts!

PHILOCTETE.

Eh bien, que venez-vous annoncer de finistre ?

DIPE.

D'une haine éternelle êtes-vous le Ministre

PHILOCTETE.

Ne craignez rien.

CDIPE.

Les Dieux veulent-ils mon trépas ?

LE GRAND

PRETRE,

à Edipe.

Ah! fi vous m'en croyez, ne m'interrogez pas,

ŒDIPE.

Quel que foit le deftin que le Ciel nous annonce, Le falut des Thébains dépend de fa réponse.

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