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Dont vos foupçons honteux ont fait rougir mon front.

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JE l'avouerai, j'ai peine à le croire coupable.
D'un cœur tel que le fien l'audace inébranlable
Ne fçait point s'abaiffer à des déguisemens ;
Le menfonge n'a point de fi hauts fentimens.
Je ne puis voir en lui cette baffeffe infame.
Je te dirai bien plus, je rougiffois dans l'ame
De me voir obligé d'accufer ce grand cœur ;
Je me plaignois à moi de mon trop de rigueur.
Néceffité cruelle, attachée à l'Empire!
Dans le cœur des humains les Rois ne peuvent
lire;

Souvent fur l'innocence ils font tomber leurs

coups,

Et nous fommes, Arafpe, injuftes malgré nous. Mais que Phorbas eft lent pour mon impatience! C'eft fur lui feul enfin que j'ai quelque espérance;

Car les Dieux irrités ne nous répondent plus, Ils ont par leur filence expliqué leur refus,

ARASP E.

Tandis que par vos foins vous pouvez tout ap❤ prendre,

Quel befoin que le Ciel ici fe faffe entendre? Ces Dieux dont le Pontife a promis le fecours,

Dans leurs Temples, Seigneur, n'habitent point toujours;

On ne voit point leur bras fi prodigue en miracles,

Ces antres, ces trépieds, qui rendent leurs Oracles,

Ces organes d'airain que nos mains ont formés, Toujours d'un fouffle pur ne font point animés. Ne nous endormons point fur la foi de leurs

Prêtres ;

Au pied du Sanctuaire il eft fouvent des traîtres, Qui nous afferviffant fous un pouvoir facré, Font parler les Deftins, les font taire à leur gré. Voyez, examinez avec un foin extrême Philoctete, Phorbas, & Jocafte elle-même. Ne nous fions qu'à nous, voyons tout par nos yeux,

Ce font-là nos Trépieds, nos Oracles, nos Dieux.

ŒDIPE.

Seroit-il dans le Temple un cœur assez perfide?
Non, fi le Ciel enfin de nos deftins décide,
On ne le verra point mettre en d'indignes mains
Le dépôt précieux du falut des Thébains.
Je vais, je vais moi-même, accufant leur filence,
Par mes vœux redoublés flêchir leur inclémence.
Toi, fi pour me fervir tu montres quelque ardeur,
De Phorbas que j'attends cours hâter la lenteur.
Dans l'état déplorable où tu vois que nous
fommes,

Je veux interroger & les Dieux & les Hommes.

Fin du fecond aite.

ACTE III.

SCENE 1.

JOCASTE, EGINE.

JOCASTE.

OUI, j'attends Philoctete, & je veux qu'en

ces lieux

Pour la derniere fois il paraiffe à mes yeux.

ÉGINE,

Madame, vous fçavez, jufqu'à quelle infolence Le Peuple a de fes cris fait monter la licence. Ces Thébains, que la mort affiége à tout mo

ment,

N'attendent leur falut que de fon châtiment. Vieillards, femmes, enfans, que leur malheur accable,

Tous font intéreffés à le trouver coupable:
Vous entendez d'ici leurs cris féditieux;
Ils demandent fon fang de la part de nos Dieux.
Pourrez-vous réfifter à tant de violence?
Pourrez-vous le fervir & prendre fa défense ?

JOCASTE,

Moi! fije la prendrai? Duffent tous les Thébains Porter jufques fur moi leurs parricides mains; Sous ces murs tout fumans duffai-je être écrasée

Je ne trahirai point l'innocence accufée. Mais une jufte crainte occupe mes efprits. Mon cœur de ce Héros fut autrefois épris : On le fçait; on dira que je lui facrifie

Ma gloire, mes Epoux, mes Dieux & ma Patrie, Que mon cœur brûle encore. . . .

ÉGINE.

Ah! calmez cet effroi ;

Cet amour malheureux n'eut de témoin quemoi, Et jamais..

JOCASTE.

Que dis-tu ? Crois-tu, qu'une Princeffe Puiffe jamais cacher fa haine ou fa tendresse ? Des Courtifans fur nous les inquiets regards Avec avidité tombent de toutes parts: A travers les refpects leurs trompeufes foupleffes Pénétrent dans nos cœurs, & cherchent nos faibleffes:

A leur malignité rien n'échappe & ne fuit ; Un feul mot, un foupir, un coup d'œil nous trahit ;

Tout parle contre nous jufqu'à notre filence: Er quand leur artifice & leur perfévérance Ont enfin malgré nous arraché nos fecrets Alors, avec éclat, leurs difcours indifcrets Portant fur notre vie une trifte lumiere, Vont de nos paffions remplir la terre entiere, ÉGINE.

Eh! qu'avez-vous, Madame, à craindre de leurs coups?

Quels regards fi perçans font dangereux pour

vous ?

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Quel fecret pénétré peut flétrir votre gloire? Si l'on fçait votre amour, on fçait votre victoire ;

On fçait, que la vertu fut toujours votre appui.

JOCASTE.

Et c'eft cette vertu, qui me trouble aujourd'hui. Peut-être à m'accufer toujours prompte & fé

vere,

auftere: Je porte fur moi-même un regard trop Peut-être je me juge avec trop de rigueur ; Mais enfin Philoctete a regné fur mon cœur. Dans ce cœur malheureux fon image eft tracée, Ma vertu ni le temps ne l'ont point effacée. Que dis-je ! Je ne fçai, quand je fauve fes jours, Si la feule équité m'appelle à fon fecours. Ma pitié me paraît trop fenfible & trop tendre; Je fens trembler mon bras tout prêt à le défendre.

Je me reproche enfin mes bontés & mes foins; Je le fervirois mieux, fi je l'euffe aimé moins.

ÉGINE.

Mais voulez-vous qu'il parte?

JOCASTE.

Oui, je le veux fans doute: C'eft ma feule efpérance; & pour peu qu'il m'écoute,

Pour peu que ma priere ait fur lui de pouvoir, Il faut qu'il fe prépare à ne me plus revoir : De ces funeftes lieux qu'il s'écarte, qu'il fuie, Qu'il fauve en s'éloignant & ma gloire & fa vie : Mais qui peut l'arrêter? Il devroit être ici. Chere Egine; va, cours.

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