Seigneur, n'en foyez pas l'innocente victime, C'est là ce Néreftan, ce Héros plein d'honneur S'indignoit qu'un Chrétien m'égalât en vertu. CORASMIN. Seigneur, fi vous fouffrez mon zéle Si parmi les horreurs qui doivent vous troubler, OROSMANE. Oui, je veux la voir & lui parler. Allez, volez, Efclave, & m'amenez Zaïre. CORASMIN. Hélas! en cet état que pourrez-vous lui dire OROSMANE. Je ne fçai, cher ami, mais je prétends la voir. CORASMIN. Ah! Seigneur, vous allez dans votre désespoir mes, Et votre cœur féduit, malgré tous vos foupçons, Pour la juftifier cherchera des raisons. M'en croirez-vous? Cachez cette lettre à sa vûë Prenez pour la lui rendre une main inconnuë; Par-là, malgré la fraude & les déguisemens Vos yeux démêleront fes fecrets fentimens, Et des plis de fon cœur verront tout l'artifice. OROSMANE. Penfes-tu qu'en effet Zaïre me trahiffe? ... Allons, quoiqu'il en foit, je vais tenter mon fort, Et pouffer la vertu jufqu'au dernier effort. Je veux voir à quel point une femme hardie Sçaura de fon côté pouffer la perfidie. CORAS MIN. Seigneur, je crains pour vous, ce funefte entretien. Un cœur tel que le vôtre... OROSMANE. Ah! n'en redoute rien : 'A fon exemple hélas ! ce cœur ne sçauroit fein dre; Mais j'ai la fermeté de fçavoir me contraindre: Cieux ! 000000000000000000000000 SCENE VI. OROSMANE, ZAYRE, CORASMIN. SEIGNEUR ZAYRE, vous m'étonnez; quelle raifon foudaine, Quel ordre fi preffant près de vous me ramene ? OROSMAN E, Eh bien! Madame, il faut que vous m'éclairciffiez. Cet ordre eft important plus que vous ne croyez, Je me fuis confulté... malheureux l'un par l'autre, Il faut régler d'un mot & mon fort & le vôtre. Peut-être qu'en effet ce que j'ai fait pour vous, Mon orgueil oublié, mon fceptre à vos genoux, Mes bienfaits, mon refpect, mes foins, ma confiance, Ont arraché de vous quelque reconnaissance. Votre cœur par un maître attaqué chaque jour, Vaincu par mes bienfaits, crut l'être par l'a mour. Dans votre ame, avec vous il eft temps que je life, Il faut que les replis s'ouvrent à ma franchise, Jugez-vous répondez avec la vérité 2 Que vous devez au moins à ma fincérité. Sacrifie à ma foi l'infolent qui t'adore, Vous, Seigneur ! vous ofez me tenir ce langage? Vous, cruel ? ... Apprenez, que ce cœur qu'on outrage Et que par tant d'horreurs le Ciel veut éprouver, cœur, Je jure que Zaire à foi-même renduë, Des Rois les plus puiffans détesteroit la vûë, Que tout autre, après vous, me feroit odieux. Voulez-vous plus fçavoir, & me connaître mieux ? Voulez-vous que ce cœur à l'amertume en proie, Ce cœur défefpéré devant vous fe déploie ? Sçachez donc qu'en fecret il penfoit malgré lui, Tout ce que devant vous il déclare aujourd'hui ; Qu'il foupiroit pour vous avant que vos tendreffes Vinffent juftifier mes naiffantes faibleffes; Qu'il prévint vos bienfaits, qu'il brûloit à vos pieds; Qu'il vous aimoit enfin lorsque vous m'ignoriez ; Qu'il n'eut jamais que vous, n'aura que vous pour maître. J'en attefte le Ciel, que j'offense peut-être ; Et fi j'ai mérité fon éternel courroux, fut coupable, ingrat, c'étoit pour Si mon coeursu yous. OROSMANE. Quoi! des plus tendres feux fa bouche encor m'aflure! Quel excès de noirceur! Zaïre!... ah, la parjure! Quand de fa trahifon j'ai la preuve en ma main! ZAYRE. Que dites-vous? Quel trouble agite votre sein? OROSMANE. Je ne fuis point troublé. Vous m'aimez ? ZAYRE. Votre bouche Peut-elle me parler avec ce ton farouche D'un feu fi tendrement déclaré chaque jour ? Vous me glacez de crainte, en me parlant d'amour. OROSMAN E... Vous m'aimez ? ZAYRE. Vous pouvez douter de ma tendreffe! Mais encore une fois quelle fureur vous preffe? Quels regards effrayans vous me lancez !hélas! Vous doutez de mon cœur ? |