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Seigneur, n'en foyez pas l'innocente victime,
Et de vos fentimens rappellant la grandeur...
OROSMAN E.

C'est là ce Néreftan, ce Héros plein d'honneur
Ce Chrétien fi vanté, qui rempliffoit Solyme
De ce fafte impofant de fa vertu fublime?
Je l'admirois moi-même, & mon cœur com-
battu

S'indignoit qu'un Chrétien m'égalât en vertu.
Ah! qu'il va me payer fa fourbe abominable!
Mais Zaïre, Zaïre eft cent fois plus coupable.
Une Efclave Chrétienne, & que j'ai pu laiffer
Dans les plus vils emplois languir fans l'abaiffer!
Une Efclave! elle fçait ce que j'ai fait pour elle.
Ah, malheureux !

CORASMIN.

Seigneur, fi vous fouffrez mon zéle

Si parmi les horreurs qui doivent vous troubler,
Vous vouliez...

OROSMANE.

Oui, je veux la voir & lui parler. Allez, volez, Efclave, & m'amenez Zaïre.

CORASMIN.

Hélas! en cet état que pourrez-vous lui dire

OROSMANE.

Je ne fçai, cher ami, mais je prétends la voir.

CORASMIN.

Ah! Seigneur, vous allez dans votre désespoir
Vous plaindre, menacer, faire couler fes larmes.
Vos bontés contre vous lui donneront des ar¬

mes,

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Et votre cœur féduit, malgré tous vos foupçons, Pour la juftifier cherchera des raisons.

M'en croirez-vous? Cachez cette lettre à sa vûë

Prenez pour la lui rendre une main inconnuë; Par-là, malgré la fraude & les déguisemens Vos yeux démêleront fes fecrets fentimens, Et des plis de fon cœur verront tout l'artifice. OROSMANE.

Penfes-tu qu'en effet Zaïre me trahiffe? ... Allons, quoiqu'il en foit, je vais tenter mon

fort,

Et pouffer la vertu jufqu'au dernier effort. Je veux voir à quel point une femme hardie Sçaura de fon côté pouffer la perfidie.

CORAS MIN.

Seigneur, je crains pour vous, ce funefte entretien.

Un cœur tel que le vôtre...

OROSMANE.

Ah! n'en redoute rien : 'A fon exemple hélas ! ce cœur ne sçauroit fein

dre;

Mais j'ai la fermeté de fçavoir me contraindre:
Oui, puifqu'elle m'abaiffe à connaître un rival...
Tiens, reçois ce billet à tous trois fi fatal:
Va, choifis pour le rendre un Efclave fidele,
Mets en de fûres mains cette lettre cruelle:
Va, cours... Je ferai plus, j'éviterai fes yeux,
Qu'elle n'approche pas . c'eft-elle, juftes

Cieux !

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SCENE VI.

OROSMANE, ZAYRE, CORASMIN.

SEIGNEUR

ZAYRE,

vous m'étonnez; quelle raifon

foudaine,

Quel ordre fi preffant près de vous me ramene ? OROSMAN E,

Eh bien! Madame, il faut que vous m'éclairciffiez.

Cet ordre eft important plus que vous ne croyez, Je me fuis confulté... malheureux l'un par

l'autre,

Il faut régler d'un mot & mon fort & le vôtre. Peut-être qu'en effet ce que j'ai fait pour vous, Mon orgueil oublié, mon fceptre à vos genoux, Mes bienfaits, mon refpect, mes foins, ma confiance,

Ont arraché de vous quelque reconnaissance. Votre cœur par un maître attaqué chaque jour, Vaincu par mes bienfaits, crut l'être par l'a

mour.

Dans votre ame, avec vous il eft temps que je life,

Il faut que les replis s'ouvrent à ma franchise, Jugez-vous répondez avec la vérité

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Que vous devez au moins à ma fincérité.
Si de quelqu'autre amour l'invincible puiffance
L'emporte fur mes foins, ou même les balance
Il faut me l'avouer, & dans ce même inftant
Ta grace eft dans mon cœur, prononce, elle
t'attend.

Sacrifie à ma foi l'infolent qui t'adore,
Songe que je te vois, que je te parle encore,
Que ma foudre à ta voix pourra se détourner,
Que c'eft le feul moment où je peux pardonner.
ZAYRE.

Vous, Seigneur ! vous ofez me tenir ce langage? Vous, cruel ? ... Apprenez, que ce cœur qu'on outrage

Et que par tant d'horreurs le Ciel veut éprouver,
S'il ne vous aimoit pas, eft né pour vous braver.
Je ne crains rien ici que ma funeste flamme;
N'imputez qu'à ce feu qui brûle encor mon ame,
N'imputez qu'à l'amour que je dois oublier,
La honte où je defcends de me juftifier.
J'ignore fi le Ciel, qui m'a toujours trahie,
A destiné pour vous ma malheureuse vie,
Quoi qu'il puiffe arriver, je jure par l'honneur,
Qui, non moins que l'amour eft gravé dans mon

cœur,

Je jure que Zaire à foi-même renduë,

Des Rois les plus puiffans détesteroit la vûë, Que tout autre, après vous, me feroit odieux. Voulez-vous plus fçavoir, & me connaître mieux ?

Voulez-vous que ce cœur à l'amertume en proie,

Ce cœur défefpéré devant vous fe déploie ? Sçachez donc qu'en fecret il penfoit malgré lui, Tout ce que devant vous il déclare aujourd'hui ; Qu'il foupiroit pour vous avant que vos tendreffes

Vinffent juftifier mes naiffantes faibleffes; Qu'il prévint vos bienfaits, qu'il brûloit à vos pieds;

Qu'il vous aimoit enfin lorsque vous m'ignoriez ; Qu'il n'eut jamais que vous, n'aura que vous pour maître.

J'en attefte le Ciel, que j'offense peut-être ; Et fi j'ai mérité fon éternel courroux,

fut coupable, ingrat, c'étoit pour

Si mon coeursu

yous.

OROSMANE.

Quoi! des plus tendres feux fa bouche encor m'aflure!

Quel excès de noirceur! Zaïre!... ah, la parjure!

Quand de fa trahifon j'ai la preuve en ma main!

ZAYRE.

Que dites-vous? Quel trouble agite votre sein? OROSMANE.

Je ne fuis point troublé. Vous m'aimez ?

ZAYRE.

Votre bouche

Peut-elle me parler avec ce ton farouche D'un feu fi tendrement déclaré chaque jour ? Vous me glacez de crainte, en me parlant d'amour.

OROSMAN E...

Vous m'aimez ?

ZAYRE.

Vous pouvez douter de ma tendreffe!

Mais encore une fois quelle fureur vous preffe? Quels regards effrayans vous me lancez !hélas! Vous doutez de mon cœur ?

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