FATIME. Ah! ne voyez-vous pas que pour vous confo ler... ZAYRE. Laiffe-moi ; je vois tout, je meurs fans m'aveugler; Je vois que mon pays, mon fang, tout me condamne ; Que je fuis Lufignan, que j'adore Orofmane; Que mes vœux,que mes jours à fes jours font liés. Je voudrois quelquefois me jetter à fes pieds, De tout ce que je fuis faire un aveu fincere. FATIME. Songez que cet aveu peut perdre votre frere, Expofe les Chrétiens qui n'ont que vous d'appui, Et va trahir le Dieu qui vous rappelle à lui. ZAYRE. Ah! fitu connaiffois le grand cœur d'Orofmane! FATIME. Il eft le protecteur de la Loi Musulmane; ZAYRE. Eh bien! il faut l'attendre. J'ai promis, j'ai juré de garder ce fecret. Hélas! qu'à mon amant je le tais à regret! Et pour comble d'horreur je ne fuis plus aimée. Sy MADAME, ADAME, il fut un temps où mon ame charmée Ecoutant fans rougir des fentimens trop chers, Se fit une vertu de languir dans vos fers. Je croyois être aimé, Madame, & votre maître Soupirant à vos pieds, devoit s'attendre à l'être: Vous ne m'entendrez point, amant faible & jaloux En reproches honteux éclater contre vous; Cruellement bleffé, mais trop fier pour me plaindre, Trop généreux, trop grand pour m'abaisser à feindre, Je viens vous déclarer que le plus froid mépris De quel prix mon amour & ma main devoient être. Il pourra m'en coûter; mais mon cœur s'y réfour; Apprenez qu'Orofmane eft capable de tout : Que j'aime mieux vous perdre, & loin de votre vue Mourir défefpéré de vous avoir perdue, Que de vous pofféder, s'il faut qu'à votre foi 11 en coûte un foupir qui ne foit pas pour moi. Allez, mes yeux jamais ne reverront vos char mes. ZAYRE à part. Tu m'as donc tout ravi, Dieu, témoin de mes Tu veux commander feul à mes fens éperdus... Eh bien, puisqu'il eft vrai que vous ne m'ai- Seigneur. ... OROSMANE. Il eft trop vrai que l'honneur me l'ordonne, Que je vous adorai, que je vous abandonne Que je renonce à vous, que vous le defirez, Que fous une autre loi... Zaïre, vous pleurez? ZAYRE. Ah, Seigneur! ah! du moins gardez de jamais croire, Que du rang d'un Soudan je regrette la gloire : Je fçai qu'il faut vous perdre, & mon fort l'a voulu ; Mais, Seigneur, mais mon cœur ne vous eft pas connu. Me puniffe à jamais ce Ciel qui me condamne, OROSMANE. Zaïre, vous m'aimez ! ZAYRE. Dieu, fi je l'aime; hélas ! OROSMAN E. Quel caprice étonnant que je ne conçois pas ! A déchirer le cœur d'un amant fi fidele? Zaïre, que jamais la vengeance célefte Non, je n'en eus jamais la fatale pensée : ton cœur En partageant mes feux différoit mon bonheur ? Parle. Etoit-ce un caprice? Eft-ce crainte d'un maître, D'un Soudan, qui pour toi veut renoncer à l'être ? Seroit-ce un artifice? Epargne-toi ce foin Qu'il ne fouille jamais le faint noeud qui nous lie, ZAYRE. Vous me défefpérez Vous m'êtes cher, fans doute, & ma tendreffe extrême Eft le comble des maux pour ce cœur qui vous aime. OROSMANE. O Ciel! expliquez-vous. Quoi ? Toujours me troubler! Dieu puiffant, que ne puis-je parler ? OROSMAN E. Quel étrange fecret me cachez vous, Zaïre? Eft-il quelque Chrétien qui contre moi conspire? Me trahit-on? parlez. ZAYRE. Eh! peut-on vous trahir? Seigneur, entr'eux & vous vous me verriez courir : On ne vous trahit point, pour vous rien n'est à craindre, Mon malheur eft pour moi, je fuis la feule à plaindre. OROSMAN E. Vous, à plaindre, grand Dieu! ZAYRE. Souffrez qu'à vos genoux |