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C'en eft affez.

CORAS MIN.

Je crains d'irriter vos alarmes. Il eft vrai que fes yeux ont verfé quelques lar

mes;

Mais, Seigneur, après tout je n'ai rien obfervé, Qui doive.

OROSMAN E.

A cet affront je ferois réservé ?....... Non, fi Zaïre, ami, m'avoit fait cette offense, Elle eût avec plus d'art trompé ma confiance; Le déplaifir fecret de fon cœur agité,

Si ce cœur eft perfide, auroit-il éclaté ? -
Ecoute, garde-toi de foupçonner Zaïre.
Mais, dis-tu, ce Français gémit, pleure, fou-
pire...

Que m'importe après tout le fujet de fes pleurs? Qui fçait fi l'amour même entre dans fes dou leurs ?

Et qu'ai-je à redouter d'un efclave infidele, Qui demain pour jamais se va féparer d'elle? CORASMIN.

N'avez-vous pas, Seigneur, permis, malgré nos loix,

Qu'il jouît de fa vue une feconde fois ?
Qu'il revînt en ces lieux ?

OROSMAN E.

Qu'il revînt? lui, ce traître, Qu'aux yeux de ma maîtreffe il ofât reparaître ? Oui, je le lui rendrois; mais mourant, mais

puni

Mais verfant à fes yeux le fang qui m'a trahi

Déchiré devant elle, & ma main dégoutante Confondroit dans fon fang, le fang de fon aman

te. ..

Excufe les tranfports de ce cœur offenfé ;
Il est né violent, il aime, il eft bleffé.
Je connais mes fureurs, & je crains ma faiblesse;
A des troubles honteux je lens que je m'abaiffe:
Non, c'est trop fur Zaire arrêter un foupçon ;
Non, fon cœur n'eft point fait pour une trahifon:
Mais ne crois pas non plus que le mien s'aviliffe,
A fouffrir des rigueurs, à gémir d'un caprice,
A me plaindre, à reprendre, à redonner ma foi,
Les éclairciffemens font indignes de moi.
Il vaut mieux fur mes fens reprendre un jufte
empire,

Il vaut mieux oublier jufqu'au nom de Zaïre.
Allons, que le Sérail foit fermé pour jamais,
Que la terreur habite aux portes du Palais
Que tout reffente ici le frein de l'esclavage
Des Rois de l'Orient fuivons l'antique ufage.
On peut pour fon esclave, oubliant fa fierté,
Laiffer tomber fur elle un regard de bonté ;
Mais il est trop honteux de craindre une maî-
treffe

Aux mœurs de l'Occident laiffons cette baffeffe.
Ce fexe dangereux qui veut tout affervir
S'il regne dans l'Europe, ici doit obéir.

Fin du troifiéme Alte.

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Q

ACTE IV.

SCENE I.

ZAYRE, FATIME.

FATIME.

UE je vous plains, Madame, & que je vous admire !

C'eft le Dieu des Chrétiens, c'est Dieu qui vous

inspire.

Il donnera la force à vos bras languiffans
De brifer des liens fi chers & fi puiffans.

ZAYRE.

Eh! pourrai-je achever ce fatal facrifice?

FATIME.

Vous demandez fa grace, il vous doit fa juftice; De votre cœur docile il doit prendre le soin.

ZAYRE.

Jamais de fon appui jé n'eus tant de befoin.

FATIME.

Si vous ne voyez plus votre augufte famille, Le Dieu que vous fervez vous adopte pour fille: Vous êtes dans les bras, il parle à votre cœur ; Et quand ce Saint Pontife, organe du Seigneur Ne pourroit aborder dans ce Palais profane...

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ZAYR E.

Ah! j'ai porté la mort dans le fein d'Orofmane; J'ai pu désespérer le cœur de mon amant ! Quel outrage, Fatime, & quel affreux moment! Mon Dieu, vous l'ordonnez; j'euffe été trop heureuse.

FATIME.

Quoi! vous regretteriez cette chaîne honteufe? Hazarder la victoire, ayant tant combattu!

ZAYRE.

,

Victoire infortunée! inhumaine vertu !
Non, tu ne connais pas ce que je facrifie.
Cet amour fi puiffant, ce charme de ma vie
Dont j'efpérois, hélas! tant de félicité
Dans toute fon ardeur n'avoit point éclaté.
Fatime, j'offre à Dieu mes bleffures cruelles:
Je mouille devant lui, de larmes criminelles
Ces lieux, où tu m'as dit qu'il choifit fon féjour;
Je lui crie en pleurant: ôte-moi mon amour,
Arrache-moi mes vœux, remplis-moi de toi-
même.

Mais, Fatime, à l'inftant les traits de ce que j'aime,

Ces traits chers & charmans que toujours je revoi,

Se montrent dans mon ame entre Dieu même

& moi.

Eh bien, race des Rois, dont le Ciel me fit naî

tre,

Pere, mere, Chrétiens; vous, mon Dieu; vous, mon maître,

Vous qui de mon amant me privez aujourd'hui, Terminez donc mes jours qui ne font plus pour

lui.

Que j'expire innocente, & qu'une main fi chere,
De ces yeux qu'il aimoit ferme au moins la pau-
piere.

Ah! que fait Orofmane? Il ne s'informe pas
Si j'attends loin de lui la vie ou le trépas;
Il me fuit, il me laisse, & je n'y peux survivre.
FATIME.

Quoi, vous! fille des Rois, que vous prétendez
fuivre,

Vous dans les bras d'un Dieu, votre éternel appui ? ...

ZAYRE.

Eh! pourquoi mon amant n'eft-il pas né pour
lui ?

Orofmane eft-il fait pour être fa victime?
Dieu pourroit-il hair un cœur fi magnanime?
Généreux, bienfaifant, jufte, plein de vertus ;
S'il étoit né Chrétien, que feroit-il de plus ?
Et plût à Dieu du moins que ce faint interprête,
Ce Miniftre facré que mon ame fouhaite,
Du trouble où tu me vois vint bientôt me tirer!
Je ne fçai; mais enfin, j'ofe encor espérer
Que ce Dieu, dont cent fois on m'a peint la
clémence,

Ne reprouveroit point une telle alliance.
Peut-être de Zaïre, en secret adoré,

Il pardonne aux combats de ce cœur déchiré;
Peut-être en me laiffant au Thrône de Syrie,
Il foûtiendroit par moi les Chrétiens de l'Afie.
Fatime, tu le fçais, ce puiffant Saladin,
Qui ravit à mon fang l'Empire du Jourdain ;
Qui fit comme Orofmane admirer fa clémence,
Au fein d'une Chrétienne il avoit pris naiffance,

t

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