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Je ne fuis qu'un foldat, & je n'ai que du zéle Un Pontife facré viendra jufqu'en ces lieux Vous apporter la vie & deffiller vos yeux. Songez à vos fermens, & que l'eau du Baptême Ne vous apporte point la mort & Panathême, Obtenez qu'avec lui je puiffe revenir;

Mais à quel titre, ô Ciel! faut-il donc l'obtenir ! A qui le demander dans ce Sérail profane?. Vous, le fang de vingt Rois, efclave d'Orof

mane?

Parente de Louis, fille de Lufignan,

Vous, Chrétienne & ma fœur, efclave d'un Soudan?

Vous m'entendez... je n'ofe en dire davantage: Dieu! nous réserviez-vous à ce dernier outrage?

ZAYRE.

Ah, cruel! poursuivez. Vous ne connaissez pas Mon fecret, mes tourmens, mes vœux mes

attentats.

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Mon frere, ayez pitié d'une foeur égarée,
Qui brûle, qui gémit, qui meurt défespérée :
Je fuis Chrétienne, hélas ! j'attends avec

ardeur

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Cette eau fainte, cette eau qui peut guérir mon

cœur.

Non, je ne ferai point indigne de mon frere, De mes ayeux, de moi, de mon malheureux

pere.

Mais parlez à Zaïre, & ne lui cachez rien Dites... quelle eft la Loi de l'Empire Chré tien?.

Quel eft le châtiment pour une infortunée, Qui loin de fes parens aux fers abandonnée Trouvant chez un barbare un généreux appui Auroit touché fon ame & s'uniroit à lui ?

,

NÉRESTA N.

O Ciel! que dites-vous? Ah! la mort la plus prompte

Devroit.

...

ZAYRE.

C'en eft affez, frape, & préviens ta honte.

NERESTAN.

Qui, vous, ma fœur ?

ZAYRE.

C'eft moi que je viens d'accufer.

Orofmane m'adore... & j'allois l'épouser.

NERESTA N.

L'époufer! eft-il vrai, ma fœeur? Eft-ce vous

même ?

Vous, la fille des Rois.

ZAYRE.

Frape, dis-je, je l'aime

NERESTAN.

Opprobre malheureux du fang dont vous fortez,
Vous demandez la mort & vous la méri ez;
Et fi je n'écoutois que ta honte & ma gloire,
L'honneur de ma maison, mon pere, fa mé¬
moire ;

Si la Loi de ton Dieu que tu ne connais pas,
Si ma Religion ne retenoit mon bras,
J'irois dans ce Palais, j'irois au moment même,
Immoler de ce fer un barbare qui t'aime,
De fon indigne flanc le plonger dans le tien,
Et ne l'en retirer que pour percer le mien.-

Ciel! tandis que Louis, l'exemple de la terre,
Au Nil épouvanté ne va porter la guerre,
Que pour venir bientôt, frapant des coups plus
fars,

Délivrer ton Dieu-même & lui rendre ces murs:
Zaïre, cependant, ma fœur, fon alliée

Au tyran d'un Sérail par l'hymen eft liée ?
Et je vais donc apprendre à Lufignan trahi,
Qu'un Tartare eft le Dieu que fa fille a choifi?
En ce moment affreux, hélas! ton pere expire,
En demandant à Dieu le falut de Zaïre.

ZAYRE.

Arrête, mon cher frere... arrête, connais-moi,
Peut-être que Zaïre est digne encor de toi ;
Mon frere, épargne-moi cet horrible langage;
Ton courroux, ton reproche, est un plus grand
outrage,

Plus fenfible pour moi, plus dur que ce trépas,
Que je te demandois & que je n'obtiens pas.
L'état où tu me vois accable ton courage;
Tu fouffres, je le voi, je fouffre davantage.
Je voudrois que du Ciel le barbare fecours
De mon fang, dans mon cœur, eût arrêté le

Ce

cours,

Le jour qu'empoifonné d'une flamme profane, pur fang des Chrétiens brûla pour Orofmane, Le jour que de ta fœur Orofmane charmé... Pardonnez-moi, Chrétiens; qui ne l'auroit aimé ?

Il faifoit tout pour moi;fon cœur m'avoit choisie, Je voyois fa fierté pour moi feule adoucie. C'eft lui qui des Chrétiens a ranimé l'espoir : C'eft à lui que je dois le bonheur de te voir; Pardonne, ton courroux, mon pere, ma tendreffe,

Mes fermens, mon devoir, mes remords

› ma

faiblefle 2

Me fervent de fupplice, & ta fœur en ce jour
Meurt de fon repentir plus que de fon amour.
NÉRESTA N.

Je te blâme & te plains; crois-moi, la Provi-
dence

Ne te laiffera point périr fans innocence:
Je te pardonne, hélas! ces combats odieux,
Dieu ne t'a point prêté fon bras victorieux;
Ce bras, qui rend la force aux plus faibles cou
rages

Soûtiendra ce rofeau plié par les orages.
Il ne fouffrira pas qu'à fon culte engagé,
Entre un barbare & lui ton cœur foit partagé
Le Baptême éteindra ces feux dont il foupire,
Et tu vivras fidéle, où périras martyre.
Acheve donc ici ton ferment commencé,
Acheve, & dans l'horreur dont ton cœur eft
*preffé,
Promets au Roi Louis, à l'Europe, à ton pere,
Au Dieu qui déjà parle à ce cœur fi fincere
De ne point accomplir cet hymen odieux,
Avant que le Pontife ait éclairé tes yeux,
Avant qu'en ma préfence il te faffe Chrétienne,
Et que Dieu, par ses mains, t'adopte & te soû
tienne.

Le promets-tu, Zaïre? ...

ZAYRE.

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Qui, je te le promets : Rends-moi Chrétienne & libre, à tout je me

foumets.

Va, d'un pere expirant, va fermer la paupiere;
Va, je voudrois te fuivre & mourir la premiere

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NERESTA N.

Je pars: adieu, ma fœur, adieu; puisque mes

vœux

Ne peuvent t'arracher à ce Palais honteux, Je reviendrai bientôt, par un heureux Baptême, T'arracher aux Enfers & te rendre à toi-même.

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ME voilà feule, & Dieu! que vais-je deve

nir ?

Dieu, commande à mon cœur de ne te point trahir.

Hélas! fuis-je en effet, ou Française ou Sultane? Fille de Lufignan, ou femme d'Orofmane? Suis-je amante ou Chrétienne? O fermens que j'ai faits!

Mon pere, mon pays, vous ferez fatisfaits. Fatime ne vient point; quoi! dans ce trouble extrême

L'Univers m'abandonne! on me laiffe à moimême !

Mon cœur peut-il porter feul, & privé d'appui, Le fardeau des devoirs qu'on m'impofe aujour

d'hui ?

A ta loi, Dieu puiffant, oui, mon ame eft ren

duë;

Mais fais que mon amant s'éloigne de ma vûë. Cher amant! ce matin, l'aurois-je pû prévoir, Que je dûffe aujourd'hui redouter de te voir ? Moi, qui de tant de feux juftement poffédée, N'avois d'autre bonheur, d'autre foin, d'autre idée,

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