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Mes maux m'ont affaibli plus encor que mesans.

En s'affeyant.

Buis-je libre en effet ?

ZAYRE.

Oui, Seigneur ; oui, vous l'êtes.

CHATILLON.

Vous vivez, vous calmez nos douleurs inquiétes. Tous nos triftes Chrétiens....

LUSIGNAN.

O jour! ô douce voix ! Chatillon, c'est donc vous ? C'est vous que je

revois !

Martyr, ainfi que moi, de la Foi de nos peres, Le Dieu que nous fervons finit-il nos miferes ? En quels lieux fommes-nous ? Aidez mes faibles yeux.

CHATILLON.

C'eft ici le Palais qu'ont bâti vos Ayeux,
Du fils de Noradin c'eft le féjour profane.

ZAYRE.

Le Maître de ces lieux, le puiffant Orofmane, Sçait connaître, Seigneur, & chérir la vertu. Ce généreux Français qui vous eft inconnu,

En montrant Néreftan.

Par la gloire amené des rives de la France, Venoit de dix Chrétiens payer la délivrance: Le Soudan, comme lui, gouverné par l'honneu

Croit en vous délivrant, égaler fon grand cœur.

LUSIGNAN.

Des Chevaliers Français, tel est le caractere; Leur nobleffe en tout temps me fut utile & chere.

Trop digne Chevalier, quoi! vous paffez les

mers

Pour foulager nos maux, & pour brifer nos fers! Ah! parlez, à qui dois-je un service si rare ?

NÉRESTAN.

Mon nom eft Néreftan; le fort long-temps barbare,

Qui dans les fers ici me mit prefqu'en naiffant,
Me fit quitter bientôt l'Empire du Croiffant.
A la Cour de Louis, guidé par mon courage
De la guerre fous lui j'ai fait l'apprentiffage;
Ma fortune & mon'rang font un don de ce Roi,
Si grand par fa valeur, & plus grand par fa foi.
Je le fuivis, Seigneur, au bord de la Charante,
Lorfque du fier Anglais la valeur menaçante,
Cédant à nos efforts trop long-temps captivés
Satisfit en tombant aux Lys qu'ils ont bravés,
Venez, Prince, & montrez au plus grand des
Monarques,

De vos fers glorieux les vénérables marques.
Paris va révérer le martyr de la Croix,
Et la Cour de Louis eft l'afyle des Rois.

LUSIGNAN.

Hélas! de cette Cour j'ai vu jadis la gloire, Quand Philippe à Bovine enchaînoit la victoire, Je combattois, Seigneur, avec Montmorency, Melun, d'Estaing, de Nefle, & ce fameux Coucy.

Mais à revoir Paris je ne dois plus prétendre: Vous voyez qu'au tombeau je fuis prêt à defcendre,

Je vais au Roi des Rois demander aujourd'hui Le prix de tous les maux que j'ai foufferts pour lui.

Vous, généreux témoins de mon heure derniere, Tandis qu'il en eft temps, écoutez ma priere, Néreftan, Châtillon, & vous... de qui les

pleurs

Dans ces momens fi chers honorent mes malheurs

Madame, ayez pitié du plus malheureux pere,
Qui jamais ait du Ciel éprouvé la colere,
Qui répand devant vous des larmes que le temps
Ne peut encor tarir dans mes yeux expirans.
Une fille, trois fils, ma fuperbe espérance,
Me furent arrachés dès leur plus tendre enfance:
O mon cher Châtillon, tu dois t'en fouvenir.

CHATILLON.

De vos malheurs encor vous me voyez frémir. LUSIGN AN.

Prifonnier avec moi dans Céfarée en flamme, Tes yeux virent périr mes deux fils & ma femme.

CHATILLON.

Mon bras chargé de fers ne les put fecourir.

LUSIGNAN.

Hélas! & j'étois pere, & je ne pus mourir! Veillez du haut des Cieux, chers enfans que j'implore,

Sur mes autres enfans, s'ils font vivans encore Mon dernier fils, ma fille, aux chaînes réferv

Par de barbares mains pour fervir confervés,
Loin d'un pere accablé, furent portés ensemble
Dans ce même Sérail où le Ciel nous raffemble.

CHATILLON.

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Il est vrai, dans l'horreur de ce péril nouveau,
Je tenois votre fille à peine en fon berceau
Ne pouvant la fauver, Seigneur, j'allois moi-
même

Répandre fur fon front l'eau fainte du Baptême,
Lorfque les Sarrazins de carnage fumans,
Revinrent l'arracher à mes bras tout fanglans.
Votre plus jeune fils à qui les destinées
Avoient à peine encor accordé quatre années,
Trop capable déjà de sentir son malheur,
Fut dans Jérufalem conduit avec fa fœur.

NERESTA N.

De quel reffouvenir mon ame eft déchirée !
A cet âge fatal j'étois dans Céfarée

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Et tout couvert de fang, & chargé de liens
Je fuivis en ces lieux la foule des Chrétiens.

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Hélas! de mes enfans auriez-vous connaissance?
Ils feroient de votre âge, & peut-être mes

yeux

Quel ornement, Madame, étranger en ces

lieux ?

Depuis quand l'avez-vous ?

ZAYRE.

Depuis que je refpire,

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Seigneur... Eh quoi! d'où vient que votre cœur foupire ?

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rance;

Seroit-il bien poffible? Oui, c'eft elle... Je voi Ce préfent qu'une épouse avoit reçu de moi, Et qui de mes enfans ornoit toujours la tête, Lorsque de leur naiffance on célébroit la fête: Je revoi... Je fuccombe à mon faififlement.

ZAYRE.

Qu'entends-je ? Et quel foupçon m'agite en ce

moment?

Ah, Seigneur !

LUSIGNAN.

Dans l'espoir dont j'entrevois les charmes Ne m'abandonnez pas, Dieu qui voyez mes

larmes,

Dieu mort fur cette Croix, & qui revis pour

nous,

Parle, acheve, ô mon Dieu! ce font-là de tes coups:

Quoi! Madame, en vos mains elle étoit dé

meurée ?

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