CORAS MIN. Que dites-vous, Seigneur ? De ce foupçon jaloux écoutez vous l'erreur? OROSMANE. Moi, jaloux! qu'à ce point ma fierté s'aviliffe? Je ne fuis point jaloux... fi je l'étois jamais.... Si mon cœur.... Ah! chaffons cette importune idée ช D'un plaifir pur & doux mon ame eft poffédée. Va faictour préparer pour ces momens heureux Qui vont joindre ma vie à l'objet de mes vœux : Je vais donner une heure aux foins de mon Em pire, Et le refte du jour fera tout à Zaïre. Fin du premier Acte. ACTE II. SCENE 1. NÉRESTAN, CHATILLON. CHATILLON. O Brave Nérestan, Chevalier généreux, Vous qui brifez les fers de tant de malheureux; Vous, Sauveur des Chrétiens, qu'un Dieu Sauveur envoie, Paraiffez, montrez-vous, goûtez la douce joie De voir nos compagnons pleurans à vos genoux, Baifer l'heureufe main qui les délivre tous; Aux portes du Sérail en foule ils vous deman dent; Ne privez point leurs yeux du Héros qu'ils attendent, Et qu'unis à jamais fous notre bienfaiteur... NÉRESTA N. Illuftre Chatillon, modérez cet honneur CHATILLON, Sans doute, & tout Chrétien, tout digne Chevalier, Pour fa Religion fe doit facrifier; Et la félicité des cœurs tels que les nôtres Confifte à tout quitter pour le bonheur des au tres. Heureux à qui le Ciel a donné le pouvoir prime, Nous, malheureux Français, esclaves dans Solyme, Oubliés dans les fers, où long-temps fans fecours Le pere d'Orofmane abandonna nos jours: Jamais nos yeux fans vous ne reverroient la France. NEREST AN. Dieu s'eft fervi de moi, Seigneur, fa providence cœur J'avois d'autres projets que ceux de fa grandeur. Qui la tiroit du fein de fa captivité, On la retient... Que dis-je... Ah! Zaïre elle-même, Oubliant les Chrétiens pour ce Soudan qui l'ai me... N'y penfons plus... Seigneur, un refus plus cruel Vient m'accabler encor d'un déplaifir mortel, Des Chrétiens malheureux l'efpérance eft trahic. CHATILLON. Je vous offre pour eux, ma liberté, ma vie ; Seigneur, ce Lufignan qu'à Solyme on retient, CHATILLON. Seigneur, s'il eft ainfi, votre faveur est vaine. Quel indigne foldat voudroit brifer fa chaîne, Alors que dans les fers fon Chef eft retenu? Lufignan, comme à moi, ne vous eft pas connu, Seigneur, remerciez ce Ciel, dont la clémence A pour votre bonheur placé votre naiffance Long-temps après ces jours à jamais détestés, Après ces jours de fang & de calamités, Où je vis fous le joug de nos barbares maîtres 7 Tomber ces murs facrés conquis par nos ancê tres. Ciel! fi vous aviez vu ce Temple abandonné, Du Dieu que nous fervons le tombeau profané, Nos peres, nos enfans, nos filles & nos femmes, Aux pieds de nos Autels expirans dans les flam mes, Et notre dernier Roi, courbé du faix des ans, Maffacré fans pitié fur fes fils expirans ! Lufignan, le dernier de cette augufte race, Dans ces momens affreux ranimant notre audace, Au milieu des débris des Temples renversés, Des vainqueurs, des vaincus, & des morts entaffés > Terrible, & d'une main reprenant cette épée, Dans le fang infidéle à tout moment trempée, Et de l'autre à nos yeux montrant avec fierté De notre fainte foi le figne redouté, Criant à haute voix, Français, foyez fidéles... Sans doute en ce moment, le couvrant de fes aîles, La vertu du Très-Haut qui nous fauve aujourd'hui, Applaniffoit fa route, & marchoit devant lui, |