FATIME. On marche vers ces lieux, fans doute, c'est lui-même. ZAYRE. Mon cœur, qui le prévient, m'annonce ce que j'aime. Depuis deux jours, Fatime, abfent de ce Palais, Enfin mon tendre amour le rend à mes fouhaits. 000000000000000000000000 SCENE 11. OROSMANE, ZAYRE, FATIME. OROS MANE. VERTUEUSE Zaïre, avant que l'hymenée Joigne à jamais nos cœurs & notre deftinée, J'ai cru, fur mes projets, fur vous, fur mon amour , Devoir en Mufulman vous parler fans détour. Les Soudans qu'à genoux cet Univers contem ple, Leurs ufages, leurs droits, ne font point mon exemple ; Je fçai que notre Loi, favorable aux plaifirs Ouvre un champ fans limite à nos vaftes défirs; Que je puis à mon gré, prodiguant mes tendreffes, Recevoir à mes pieds l'encens de mes Maîtreffes, Er tranquile au Sérail, dictant mes volontés, Gouverner mon Pays du fein des voluptés. Mais la molleffe eft douce, & fa fuite eft cruelle; Je vois autour de moi cent Rois vaincus par elle; Je vois de Mahomet ces lâches Succeffeurs, Ces Califes tremblans dans leurs triftes grandeurs, Couchés fur les débris de l'Autel & du Thrône, Sous un nom fans pouvoir languir dans Babylone; Eux, qui feroient encor, ainfi que leurs ayeux, Maîtres du monde entier, s'ils l'avoient été d'eux. Bouillon leur arracha Solyme & la Syrie ; jours. J'attefte ici la gloire, & Zaïre, & ma flamme, De ne choifir que vous pour Maîtresse & pour femme, De vivre votre ami, votre amant, votre époux, De partager mon cœur entre la guerre & vous. Ne croyez pas non plus, que mon honneur confie La vertu d'une épouse à ces monstres d'Afie, Du Sérail des Soudans gardes injurieux, Et des plaifirs d'un Maître, esclaves odieux.. Je fçai vous effimer autant que je vous aime, Et fur votre vertu me fier à vous-même. Après un tel aveu, vous connaiffez mon cœur, Vous fentez qu'en vous feule il a mis fon bonheur; Vous comprenez affez quelle amertume affreuse Je vous aime, Zaïre, & j'attends de votre ame Je me croirois haï d'être aimé faiblement. ZAYRE. Vous, Seigneur, malheureux ! Ah! fi votre grand cœur A fur mes fentimens pu fonder fon bonheur, S'il dépend en effet de mes flammes fecrettes Quel mortel fut jamais plus heureux que vous P'êtes! Ces noms chers & facrés, & d'amant & d'époux, Ces noms nous font communs . & j'ai par deffus yous Ce plaifir fi flateur à ma tendreffe extrême, De tenir tout, Seigneur, du bienfaicteur que j'aime; De voir que fes bontés font feules mes deftins, D'être l'ouvrage heureux de ses auguftes mains, De révérer, d'aimer un Héros que j'admire. Oui, fi parmi les cœurs foumis à votre Empire, Vos yeux ont difcerné les hommages du mien, Si votre auguffe choix.... CORASMIN. CET efclave Chrétien, Qui fur fa foi, Seigneur, a paffé dans la France, Revient au moment même & demande audien O Ciel ! ce. FATIME. OROSMAN E. Il peut entrer. Pourquoi ne vient-il pas ? CORASMIN. Dans la premiere enceinte il arrête ses pas : Seigneur, je n'ai pas cru qu'aux regards de fon maître, Dans ces auguftes lieux un Chrétien pût paraître. OROSMAN E. Qu'il paraiffe. En tous lieux, fans manquer de respect, Chacun peut désormais jouir de mon aspect. J'ai, OROSMANE. Je t'ai dit, Chrétien, que je le veux. J'honore ta vertu; mais cette humeur altiere Se faifant eftimer, commence à me déplaire; Sors, & que le Soleil levé fur mes Etats, Demain près du Jourdain ne te retrouve pas. Néreftan forte FATIME. O dieu! fecourez-nous. OROSMAN E. Et vous, allez, Zaïre; Prenez dans le Sérail un fouverain empire ; Commandez en Sultane, & je vais ordonner La pompe d'un hymen qui vous doit couronner, infidele? Il foupiroit... fes yeux fe font tournés vers elle. Les as-tu remarqués ? |