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Nous l'attendons encor, fa générofité
Devoit payer le prix de notre liberté.
N'en aurions-nous conçu qu'une vaine efpé-
rance ?

ZAYRE.

Peut-être fa promeffe a paffé fa puiffance.
Depuis plus de deux ans il n'eft point revenu.
Un Etranger, Fatime, un captif inconnu,
Promet beaucoup, tient peu, permet à son cou-

rage

Des fermens indifcrets pour fortir d'esclavage.
Il devoit délivrer dix Chevaliers Chrétiens,
Venir rompre leurs fers, ou reprendre les ficns.
J'admirai trop en lui cet inutile zéle.

Il n'y faut plus penfer.

FATIME.

Mais s'il étoit fidele ;

S'il revenoit enfin dégager les fermens,

Ne voudriez-vous pas ?

...

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Va, c'eft trop te céler le deftin de Zaïre:
Le fecret du Soudan doit encor fe cacher,
Mais mon cœur dans le tien fe plaît à s'épancher.
Depuis près de trois mois, qu'avec d'autres
Captives,

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On te fit du Jourdain abandonner les rives, Le Ciel, pour terminer les malheurs de nos jours,

D'une main plus puiffante a choifi le fecours, Ce fuperbe Orosmane...

FATIM E.

Eh bien ?

ZAYRE.

Ce Soudan même;

Ce Vainqueur des Chrétiens... chere Fatime... il m'aime.

Tu rougis... je t'entends

penfer

...

gardes-toi de

Qu'à briguer fes foupirs je puiffe m'abaiffer, Que d'un Maître abfolu la fuperbe tendreffe M'offre l'honneur honteux du rang de fa Maîtreffe,

Et que j'effuye enfin l'outrage & le danger
Du malheureux éclat d'un amour paffager.
Cette fierté qu'en nous foûtient la modeftie,
Dans mon cœur à ce point ne s'eft point démen-
tie.

Plutôt que jufques là j'abaiffe mon orgueil,
Je verrois fans pâlir les fers & le cercueil :
Je m'en vais t'étonner; fon fuperbe courage
A mes faibles appas préfente un pur hommage;
Parmi tous ces objets à lui plaire empreffés,
J'ai fixé fes regards à moi feule adreffés,
Et l'hymen confondant leurs intrigues fatales,
Me foumettra bientôt fon cœur & mes rivales.

I

FATIME.

Vos appas, vos vertus, font dignes de ce prix, Mon cœur en eft flaté plus qu'il n'en eft fur

pris.

Que vos félicités, s'il fe peut, foient parfaites, Je me vois avec joie au rang de vos fujetes.

ZAYRE.

Sois toujours mon égale, & goûte mon bonheur, Avec toi partagé je fens mieux fa douceur.

FATIME.

Hélas! puiffe le Ciel fouffrir cet hymenée ! Puiffe cette grandeur qui vous est destinée, Qu'on nomme fi fouvent du faux nom de bonheur

Ne point laiffer de trouble au fond de votre

cœur !

N'eft-il point en fecret de frein qui vous rètienne ?

Ne vous fouvient-il plus que vous futes Chrétienne ?

ZAYRE.

Ah! que dis-tu? Pourquoi rappeller mes ennuis? Chere Fatime, hélas ! fçai-je ce que je fuis? Le Ciel m'a-t-il jamais permis de me connaître? Ne m'a-t-il pas caché le fang qui m'a fait naître ?

FATIME.

Néreftan qui naquit non loin de ce féjour, Vous dit que d'un Chrétien vous reçutes le jour; Que dis-je? Cette Croix qui fur vous fut trouvée, Parure de l'enfance avec foin confervée,

Ce figne des Chrétiens que l'art dérobe aux yeux. Sous ce brillant éclat d'un travail précieux, Cette Croix, dont cent fois mes foins vous ont parée,

Peut-être entre vos mains est-elle demeurée,

Comme un gage fecret de la fidélité,
Que vous deviez au Dieu que vous aviez quitté.

ZAYRE.

Je n'ai point d'autre preuve; & mon cœur qui s'ignore,

Pourrait-il fuivre un Dieu que mon amant ab-
horre?

La coûtume, la loi plia mes premiers ans
A la Religion des heureux Mufulmans.

Je le vois trop; les foins qu'on prend de notre
enfance,

Forment nos fentimens, nos mœurs, notre créance ;

J'euffe été près du Gange efclave des faux

Dieux,

Chrétienne dans Paris, Mufulmane en ces lieux. L'inftruction fait tout, & la main de nos peres 'Grave en nos faibles cœurs ces premiers ca◄ racteres,

Que l'exemple & le temps nous viennent re

tracer,

Et que peut-être en nous Dieu feul peut effacer.
Prifonniere en ces lieux, tu n'y fus renfermée
Que lorfque ta raison par l'âge confirmée,
Pour éclairer ta foi te prêtoit fon flambeau ;
Pour moi des Sarrazins efclave en mon berceau,
La foi de nos Chrétiens me fut trop tard connue;
Contr'elle cependant, loin d'être prévenuë,
Cette Croix, je l'avoue, a fouvent malgré moi
Saifi mon cœur furpris de respect & d'effroi ;
Fofois l'invoquer même avant qu'en ma pen-
fée,

D'Orofmane en fecret l'image fut tracée.
J'honore, je chéris ces charitables loix
Dont ici Néreftan me parla tant de fois ;
Ces loix qui de la Terre écartant les miferes

1

Des humains attendris font un peuple de freres; Obligés de s'aimer, fans doute, ils font heureux.

FATIME.

Pourquoi donc aujourd'hui vous déclarer con→

tr'eux ?

A la Loi Musulmane à jamais affervie,
Vous allez des Chrétiens devenir l'ennemie ;
Vous allez époufer leur fuperbe Vainqueur.
ZAYRE.

Eh! qui refuferoit le préfent de fon cœur?
De toute ma faibleffe il faut que je convienne,
Peut-être fans l'amour, j'aurois été Chrétienne;
Peut-être qu'à ta Loi j'aurois facrifié ;

Mais Orofmane m'aime, & j'ai tout oublié.
Je ne vois qu'Orofmane, & mon ame enyvrée
Se remplit du bonheur de s'en voir adorée.
Mets-toi devant les yeux fa grace, fes exploits
Songe à ce bras puiffant, vainqueur de tant de

Rois,

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A cer aimable front que la gloire environne.
Je ne te parle point du Sceptre qu'il me donne;
Non, la reconnaiffance eft un faible retour,
Un tribut offenfant, trop peu fait pour l'amour.
Mon cœur aime Orofmane, & non son Dia-
dême ,

Chere Fatime, en lui je n'aime que lui-même.
Peut-être j'en crois trop un penchant fi flateur;
Mais fi le Ciel fur lui déployant fa rigueur,
Aux fers que j'ai portés eût condamné la vie ;
Si le Ciel fous mes loix eût rangé la Syrie,
Ou mon amour me trompe, ou Zaïre aujour-
d'hui

Pour l'élever à foi defcendroit jusqu'à lui.

Q F

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