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tant ces images licentieufes. Au contraire, c'est fermer l'entrée de l'ame aux orais plaifirs. Si tout est d'abord à découvert, on est raffafié. Il ne refte plus rien à chercher, rien à désirer, 5 on arrive tout d'un coup à la langueur en croyant courir à la volupté. Voilà pourquoi la bonne compagnie a des plaifirs que les gens groffiers ne connaissent pas.

Les Spectateurs en ce cas font comme les amans qu'une jouillance trop prompte dégoûte: ce n'eft qu'à travers cent nuages qu'on doit entrevoir ces idées, qui feroient rougir, présentées de trop près. C'est ce voile qui fait le charme des bonnetes gens, il n'y a point pour eux de plaifir fans bienféance.

Les Français ont connu cette regle plutôt que les autres peuples, non parce qu'ils font fans génie & fans hardieffe, comme le dit ridiculement l'inégal & impétueux Dryden, mais parce que depuis la Régence d'Anne d'Autriche ils ont été le peuple le plus fociable le plus poli de la Terre cette politeffe n'eft point une chofe arbitraire, comme ce qu'on appelle civilité; c'est une loi de la nature qu'ils ont heureusement cultivée plus que les autres peuples.

Le Traducteur de Zayre a respecté presque par tout ces bienséances théatrales qui vous doivent être communes comme à nous; mais il y a quelques endroits où il s'eft livré encore à d'anciens usages.

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Par exemple, lorfque dans la Piéce Anglaise Orofmane vient annoncer à Zayre qu'il croit ne la plus aimer, Zayre lui répond en fe roulant par terre. Le Sultan n'eft point ému de la voir dans cette pofture de ridicule 5 de désespoir, S le moment d'après il est tout étonné que Zayre pleure:

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Il lui dit cet hémistiche:

Zaïre, vous pleurez!

Il auroit dû lui dire auparavant :

Zaïre, vous vous roulez par terre.

Auffi ces trois mots, Zaïre, vous pleurez, qui font un grand effet fur notre Théatre, n'en ont fait aucun fur le vôtre, parce qu'ils y étoient déplacés. Ces expreffions familieres 5 naives tirent toute leur force de la feule maniere dont elles font amenées. Seigneur vous changez de vifage, n'est rien par foi-même ; mais le moment où ces paroles fi fimples font prononcées dans Mithridate, fait frémir.

Ne dire que ce qu'il faut, 5 de la maniere dont il le faut, eft ce me semble un mérite dont les Français (fi vous m'en exceptez.) ont plus approché que les Ecrivains des autres Pays. C'eft, je crois, fur cet Art que notre Nation doit en être crue. Vous nous apprenez des chofes plus grandes

plus utiles. Il feroit honteux à nous de ne le pas avouer; les Français qui ont écrit contre les découvertes du Chevalier Newton fur la lumiere, en rougiffent; ceux qui combattent la gravitation, en rougiront bientôt.

Vous devez vous foumettre aux régles de notre Théatre, comme nous devons embrasser votre Philofophie. Nous avons fait d'auffi bonnes expériences fur le cœur humain, que vous fur la Phyfique. L'Art de plaire femble l'Art des Français, l'Art de penser paraît le vôtre. Heureux, Monfieur, qui comme vous les réünit. Sc.

Tom. II.

Q

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JE ne m'attendois pas, jeune & belle Zaïre,

Aux nouveaux fentimens que ce lieu vous infpire.

Quel espoir fi flateur, ou quels heureux destins, De vos jours ténébreux ont fait des jours ferains? La paix de votre cœur augmente avec vos charmes ;

Cet éclat de vos yeux n'eft plus terni de larmes;

Vous ne les tournez plus vers ces heureux cli

mats

Où ce brave Français devoit guider nos pas; Vous ne me parlez plus de ces belles contrées, Où d'un peuple poli les femmes adorées,

Reçoivent cet encens que l'on doit à vos yeux,
Compagnes d'un Epoux & Reines en tous lieux,
Libres fans deshonneur, & fages fans con-
trainte,

Et ne devant jamais leurs vertus à la crainte.
Ne foupirez-vous plus pour cette liberté?
Le Sérail d'un Soudan, fa trifte austérité,
Ce nom d'Efclave enfin, n'ont-ils rien qui vous
gêne?

Préférez vous Solyme aux rives de la Seine ?

ZAYRE.

On ne peut defirer ce qu'on ne connaît pas, Sur les bords du Jourdain le Ciel fixa nos pas. Au Sérail des Soudans dès l'enfance enfermée, Chaque jour ma raifon s'y voit accoutumée. Le refte de la Terre anéanti pour moi, M'abandonne au Soudan, qui nous tient fous fa Loi :

Je ne connais que lui, fa gloire, fa puissance; Vivre fous Orofmane eft ma feule efpérance, Le refte eft un vain fonge.

FATIME.

Avez-vous oublié Ce généreux Français dont la tendre amitié Nous promit fi fouvent de rompre notre chaîne ? Combien nous admirions fon audace hautaine! Quelle gloire il acquit dans ces triftes combats, Perdus par les Chrétiens, fous les murs de Damas!

"Orofmane vainqueur, admirant fon courage, Le laiffa fur fa foi partir de ce rivage,

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