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1. EPITRE A M. FAKENER. celle d'un Etat. L'Hiftoire eft pleine de ces exemples; mais ce fujet me meneroit trop loin. Il faus que je finiffe cette lettre déjà trop longue, en vous envoyant un petit Ouvrage, qui trouve naturellement la place à la tête de cette Tragédie. C'est une Epitre en vers à celle qui a joué le rolle de Zayre: je lui devois au moins un compliment pour la façon dont elle s'en eft acquittée;

Car le Prophête de la Mecque

Dans fon Sérail n'a jamais eu
Si gentille Arabefque ou Grecque ;
Son œil noir, tendre, & bien fendu
Sa voix, & fa grace extrinféque,
Ont mon Ouvrage défendu
Contre l'Auditeur qui rebeque :
Mais quand le Lecteur morfondu
L'aura dans fa Bibliothéque,

Tout mon honneur sera perdu.

Adieu, mon Ami, cultivez toujours les Lettres & la Philofophie, fans oublier d'envoyer des Vaiffeaux dans les Echelles du Levant. Je vous embrasse de tout mon cœur.

VOLTAIRE.

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ÉPITRE

A Melle. GOSSIN,

Jeune Actrice, qui a représenté le Rolle de Zayre avec beaucoup de fuccès.

JEUNE GOSSIN, reçois mon tendre hommage,

Reçois mes Vers au Théatre applaudis,
Protége-les. Z AYRE eft ton ouvrage;
Il est à toi, puifque tu l'embellis.

Ce font tes yeux, ces yeux fi pleins de charmes
Ta voix touchante, & tes fons enchanteur's,
Qui du Critique ont fait tomber les armes.
Ta feule vue adoucit les Cenfeurs,
L'illufion, cette Reine des cœurs,
Marche à ta suite, inspire les alarmes,
Le fentiment, les regrets, les douleurs,
Et le plaifir de répandre des larmes.

Le Dieu des Vers qu'on alloit dédaigner,
Eft par ta voix aujourd'hui fûr de plaire,
Le Dieu d'Amour à qui tu fus plus chere,
Eft par tes yeux bien plus fûr de regner.
Entre ces Dieux déformais tu vas vivre :
Hélas! long-temps je les fervis tous deux ;
Il en eft un que je n'ofe plus fuivre.
Heureux cent fois le mortel amoureux,
Qui tous les jours peut te voir & t'entendre,
Que tu reçois avec un fouris tendre,

Qui voit fon fort écrit dans tes beaux yeux,
Qui confumé de ces feux qu'il adore,
A tes genoux oubliant l'Univers,
Parlé d'amour, & t'en reparle encore,
Et malheureux qui n'en parle qu'en vers!

光光光光光光光光

II. ÉPITRE

AU MEME MONSIEUR

FAKENER,

ALORS AMBASSADEUR A CONSTANTINOPLE.

Tirée d'une feconde Edition de Z AYRE.

MON cher Ami ;( car votre nouvelle dignité d'Ambasadeur rend feulement notre amitié plus refpectable, & ne m'empêche pas de me fervir ici d'un titre plus facré que le titre de Miniftre. Le nom d'Ami est bien au dessus de celui d'Excellence.)

Je dédie à l'Ambassadeur d'un grand Roi & d'une Nation libre, le même Ouvrage que j'ai dédié au fimple Citoyen, au Négociant Anglais. Ceux qui fçavent combien le commerce eft. honoré dans votre patrie n'ignorent pas auffi qu'un Négociant y eft quelquefois un Législateur, un bon Officier, un Miniftre public.

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Quelques perfonnes corrompues par l'indigne ufage de ne rendre hommage qu'à la grandeur,

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ont effayé de jetter un ridicule fur la nouveauté d'une Dédicace faite à un homme qui n'avoit alors que du mérite. On a ofé Sur un Théatre confacré au mauvais goût 5 à la médisance, infulter à l'Auteur de cette Dédicace; & à celui qui l'avoit reçue, on a ofé lui reprocher d'être * un Négociant. Il ne faut point imputer à notre Nation une groffiéreté fi honteuse, dont les peuples les moins civilifés rougiroient. Les Magif trats qui veillent parmi nous fur les mœurs, qui font continuellement occupés à réprimer le Scandale, furent furpris alors. Mais le mépris

l'horreur du public pour l'Auteur connu de cette indignité, font une nouvelle preuve de la politeffe des Français.

Les vertus qui forment le caractere d'un peu→ ple, font fouvent démenties par les vices d'un particulier. Il y a eu quelques hommes voluptueux à Lacédémone. Il y a des efprits legers & bas en Angleterre. Il y a eu dans Athénes des hommes fans goût, impolis 5 groffiers, & on en trouve dans Paris.

Oublions-les, comme ils font oubliés du public, recevez ce fecond hommage. Je le dois d'autant plus à un Anglais, que cette Tragédie vient d'être embellie à Londres. Elle y a été traduite jouée avec tant de succès ; on a parlé de moi fur votre Théatre avec tant de politeffe de bonté, que j'en doïs ici un remerciment public à votre Nation.

* On joua une mauvaife Farce à la Comédie Italienne de Paris, dans laquelle on infultoit groffiérement plu

fieurs perfonnes de mérite, & entre autres Mr. Fakener. Le public fifla cette indignité.

Je ne peux mieux faire, je croi, pour l'honneur des Lettres, que d'apprendre ici à mes compatriotes les fingularités de la Traduction & de la Repréfentation de Zaire fur le Théatre de Londres.

M. Hille, bomme de Lettres, qui paraît connaître le Théatre mieux qu'aucun Auteur Anglais, me fit l'honneur de traduire la Piéce, dans le defein d'introduire sur votre scène quelques nouveautés, & pour la maniere d'écrireles Tragédies, & pour celle de les réciter. Je parlerai d'abord de la Représentation.

L'art de déclamer étoit chez vous un peu hors de la nature; la plupart de vos Auteurs Tragiques s'exprimoient fouvent plus en Poëtes faifis d'entoufiafme, qu'en bommes que la passion infpire. Beaucoup de Comédiens avoient encore ou

ré ce défaut; ils déclamoient des vers empoules, avec une fureur une impétuofité qui eft au beau naturel, ce que des convulfions sont à l'égard d'une démarche noble S aisée.

Cet air d'empreffement fembloit étranger à votre Nation; car elle eft naturellement Sage,

cette fageffe eft quelquefois prife pour de la froideur par les Etrangers. Vos Prédicateurs ne Se permettent jamais un ton de déclamateurs. On riroit chez vous d'un Avocat qui s'échaufferoit dans fon Plaidoyer. Les feuls Comédiens étoient outrés. Nos Acteurs, fur tout nos Actrices de Paris, avoient ce défaut il y a quelques années ce fut Mademoiselle le Couvreur qui les en corrigea. Voyez ce qu'en dit un Auteur Ítalien de beaucoup d'esprit & de fens.

La legiadra Couvreur fola non trotta
Per quella ftrada dove i fuoi compagni

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