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L'ODIPE,

TRAGEDIE.

DES

AVEC

CHOEURS:

ET UNE PRÉFACE

dans laquelle on combat les fentimens de M. DE LA MOTTE fur la Poëfie.

Représentée pour la prémiere fois au mois de Novembre 1718.

Tom. II.

A

AVERTISSEMENT

SUR L'EDIPE.

L'AUTEUR

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R compofa cette Piéce à l'âge de dixneuf ans. Elle fut jouée en mille fept cent dixbuit quarante-cing fois de fuite. Ce fut le Sieur du Frêne, célébre Acteur, de l'âge de l'Auteur, qui joua le rolle d'Edipe; Mademoiselle Defmares, très-grande Actrice, joua celui de Josafte, & quitta le Theatre quelque-temps après. On a rétabli dans cette nouvelle édition le rolle de Pbiloctete, tel qu'il fut joué à la prémiere représentation

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LETTRE

DE M. DE VOLTAIRE

Au Pere PORÉE, Jefuite.

JE vous envoie, mon cher Pere, la nouvelle

édition qu'on vient de faire de la Tragédie d'Œdipe. J'ai eu foin d'effacer, autant que je l'ai pu, les couleurs fades d'un amour déplacé, que j'avois mêlées malgré moi aux traits mâles terribles que ce sujet exige.

Je veux d'abord que vous fçachiez, pour ma juftification, que tout jeune que j'étois quand je fis 'dipe, je le compofai à peu près tel que vous le voyez aujourd'hui. J'étois plein de la lecture des Anciens & de vos leçons, je connailfois fort peu le Théatre de Paris; je travailLai à peu près comme fi j'avois été à Athénes. Je confultai Monfieur Dacier, qui étoit du pays. Il me confeilla de mettre un Chœur dans toutes les fcénes à la maniere des Grecs. C'étoit me confeiller de me promener dans les rues de Paris avec la robe de Platon. J'eus bien de la peine Seulement à obtenir que les Comédiens de Paris vouluent exécuter les Chaurs qui paraissent trois ou quatre fois dans la piéce ; j'en eu bien d'avantage à faire recevoir une Tragédie prefque fans amour. Les Comédiennes fe moquerent de moi, quand elles virent qu'il n'y avoit point de

rolle pour l'Amoureufe. On trouva la fcéne de la double confidence entre Edipe 5 Jocafte, tirée en partie de Sophocle, tout-à-fait infipide. En un mot, les Acteurs, qui étoient dans ce temps là petits Maîtres grands Seigneurs, refuserent de réprésenter l'ouvrage. J'étois extrêmement jeune, je crus qu'ils avoient raifon. Je gatai ma piéce pour leur plaire, en affadissant, par des fen timens de tendrelle, un fujet qui le comporte fi peu. Quand on vit un peu d'amour, on fut moins mécontent de moi; mais on ne voulut point du tout de cette grande fcéne entre Jocafte & Edipe, on fe moqua de Sophocle & de fon imitateur. Je tins bon, je dis mes raisons, j'employai des amis. Enfin ce ne fut qu'à force de protection que j'obtins qu'on joueroit Edipe. Il y avoit un Acteur nommé Quinaut, qui dit tout haut, que pour me punir de mon opiniâtreté, il falloit jouer la piéce telle qu'elle étoit avec ce mauvais quatrieme Acte tiré du Grec. On me regardoit d'ailleurs comme un téméraire d'oser traiter un sujet où Pierre Corneille avoit fi bien réuft. On trou voit alors l'Edipe de Corneille excellent, je le trouvois un fort mauvais ouvrage, 5 je n'ofois le dire. Je ne le dis enfin qu'au bout de douze quand tout le monde eft de mon avis. Il faut fouvent bien du temps pour que justice soit exactement rendue. On Pa fait un peu plutôt aux deux Edipes de Monfieur de la Motte. Le Révérend Pere de Tournemine a dû vous communiquer la petite Préface, dans laquelle je lui livre bataille. Monfieur de la Motte a bien de l'efprit, il eft un peu comme cet athlete Grec, qui, quand il étoit terraffé, prouvoit qu'il avoit le delus.

ans,

Je ne suis de fon avis fur rien. Mais vous m'avez appris à faire une guerre d'honnête

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