Dites du moins, mon Fils, Brutus ne te hait pas; Ce mot feul me rendant mes vertus & ma gloire, De la honte où je suis défendra ma mémoire. On dira que Titus, defcendant chez les morts Eut un regard de vous pour prix de fes remords; Que vous l'aimiez encore, & que malgré fon crime, Votre Fils dans la tombe emporta votre estime. BRUTU S. Son remords me l'arrache. O Rome! O mon Pays! Proculus... à la mort que l'on mene mon Fils. Leve-toi, trifte objet d'horreur & de tendreffe: Leve-toi, cher appui qu'espéroit ma vieillesse: Viens embraffer ton Pere: il ta dû condamner ; Mais, s'il n'étoit Brutus, il t'alloit pardonner. Mes pleurs, en te parlant, inondent ton visage: Va, porte à ton fupplice un plus mâle courage; Va, ne t'attendris point, fois plus Romain que moi,. Et que Rome t'admire, en se vengeant de toi. TITUS. Adieu, je vais périr, digne encor de mon Pere. On l'emmene. SCENE VIII. BRUTUS, PROCULUS. PROCULUS. SEIGNEUR, fincere, tout le Sénat dans fa douleur En frémiffant du coup qui doit vous accabler... BRUTUS Vous connaiffez Brutus, & l'ofez confoler? Songez qu'on nous prépare une attaque nou velle; Rome feule a mes foins, mon cœur ne connaît qu'elle. Allons, que les Romains dans ces momens affreux Me tiennent lieu du Fils que j'ai perdu pour eux: Que je finiffe au moins ma déplorable vie, Comme il eût dû mourir en vengeant la Patrie. BRUTUS, PROCULUS, UN SÉNATEUR, LE SENATEUR, SEIGNEUR ... BRUTUS. Mon Fils n'eft plus ? LE SÉNATEUR. C'en eft fait... & mes yeux... AVERTISSEMENT. CEUX qui aiment l'Histoire Littéraire seront bien aifes de fçavoir comment cette Piéce fut faite. Plufieurs Dames avoient reproché à l'Auteur, qu'il n'y avoit pas affez d'amour dans fes Tragédies. Il leur répondit, qu'il ne croyoit pas que ce fut la véritable place de l'amour ; mais que puifqu'il falloit abfolument des Héros amoureux, il en feroit tout comme un autre. La Pié ce fut achevée en dix-huit jours: elle eut un grand fuccès. On l'appelle à Paris Tragédie Chrétienne, & on l'a jouée fort fouvent à la place de Polyeucte. 291 光光光光光光光光 I. ÉPITRE DEDICATOIRE A MONSIEUR FAKENER, MARCHAND ANGLAIS, Depuis Ambaffadeur à Conftantinople. Vous êtes Anglais, mon cher ami, § je suis né en France ; mais ceux qui aiment les Arts font tous concitoyens. Les honnêtes gens qui penfent, ont à peu près les mêmes principes, & ne compoSent qu'une République. Ainfi il n'eft pas plus étrange de voir aujourd'hui une Tragédie Française dédiée à un Anglais ou à un Italien, que fi un citoyen d'Ephèse ou d'Athènes avoit autrefois adreffé fon ouvrage à un Grec d'une autre Ville Je vous offre donc cette Tragédie, comme à mon compatriote dans la littérature, & comme à mon ami intime. Je jouis en même-temps du plaifir de pouvoir dire à ma nation, de quel œil les Négocians font regardés chez vous, qu'elle estime on Sçait avoi |