Oui, je vis pour toi feul; oui, je te le confeffe; Mais malgré ton amour, mais malgré ma faibleffe, Apprends que le trépas m'infpire moins d'effroi, Que la main d'un Epoux qui craindroit d'être à moi, Qui fe repentiroit d'avoir fervi fon Maître, Que je fais Souverain, & qui rougit de l'être. Voici l'inftant affreux qui va nous éloigner; Souviens - toi que je t'aime, & que tu peux regner; L'Ambaffadeur m'attend ; consulte, délibere, Dans une heure avec moi tu reverras mon Pere; Je pars, & je reviens fous ces murs odieux, Pour y rentrer en Reine, ou périr à tes yeux, TITUS. Vous ne périrez point. Je vais. TULLIE. Titus, arrête. En me fuivant plus loin, tu hazardes ta tête On peut te foupçonner : demeure, adieu; résous D'être mon meurtrier, ou d'être mon époux. Tu l'emportes, cruelle, & Rome est afservie; Reviens regner fur elle ainfi que fur ma vie ; Reviens, je vais me perdre, ou vais te cou ronner; Le plus grand des forfaits eft de t'abandonner. Qu'on cherche Meffala; ma fougueufe impru dence A de fon amitié laffé la patience; Maîtreffe, Amis, Romains, je perds tout en un jour. SERS SCENE V. TITUS, MESSALA. TITUS. ma fureur enfin, fers mon fatal amour; Viens, fuis moi. MESSAL A. Commandez, tout eft prêt; mes Cohortes Sont au Mont Quirinal, & livreront les Portes; Tous nos braves amis vont jurer avec moi, De reconnaître en vous l'héritier de leur Roi. Ne perdez point de temps; déjà la nuit plus fombre Voile nos grands desseins du secret de sonombre. TITUS. L'heure approche. Tullie en compte les mo→ mens. .. Et Tarquin après tout eut mes premiers fermens. Le fort en eft jetté. Le fond du Théatre s'ouvre. Que vois-je ! c'est mon Peres SCENE VI. BRUTUS, TITUS, MESSALA, Liceurs. BRUTUS. VIENS, Rome eft en danger, c'est en toi que j'efpere. Par un avis fecret le Sénat eft inftruit Qu'on doit attaquer Rome au milieu de la nuit. J'ai brigué pour mon fang, pour le Héros que j'aime, L'honneur de commander dans ce péril extrême; Pour notre liberté va prodiguer ta vie; Ciel!... TITUS. BRUTUS. Mon fils... TITUS. Remettez, Seigneur, en d'autres mains Les faveurs du Sénat, & le fort des Romains. Ah! quel défordre affreux de fon ame s'empare! BRUTU S. Vous pourriez refuser l'honneur qu'on vous pré pare? O iij 270 TITUS. Qui? Moi, Seigneur ? BRUTUS. Eh quoi! votre cœur égaré Des refus du Sénat eft encore ulcéré ? De vos prétentions je vois les injustices. Ah! mon fils, eft-il temps d'écouter vos caprices? Vous avez fauvé Rome, & n'êtes pas heureux ? Cet immortel honneur n'a pas comblé vos vœux? Mon fils au Confulat a-t-il ofé prétendre, Avant l'âge où les Loix permettent de l'atten dre ? Va, ceffe de briguer une injufte faveur ; Tes triomphantes mains vont fermer ma paupiere; Mais foutenu du tien, mon nom ne mourra plus, Ah! Meffala. TITUS à part. On confpire Je n'en fçaurois douter, on nous trahit,Seigneur. De cet affreux complot j'ignore encor l'auteur; Mais le nom de Tarquin vient de se faire en tendre, Et d'indignes Romains ont parlé de se rendre. BRUTU S. Des Citoyens Romains ont demandé des fers! VALERIU S. Les perfides m'ont fui par des chemins diver |