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Quoi! Philoctete enfin pourroit-il être à vous? Il ne vit plus !.. quel fort a terminé fa vie?

DIMAS.

Quatre ans font écoulés depuis qu'en Béotie,
Pour la derniere fois le fort guida vos pas.
A peine vous quittiez le fein de vos Etats,
A peine vous preniez le chemin de l'Afie,
Lorfque d'un coup perfide une main ennemie
Ravit à fes Sujets ce Prince infortuné.

PHILOCTETE.

Quoi! Dimas, votre Maître eft mort afsaffiné?
DIMAS.

Ce fut de nos malheurs la prémiere origine ;
Ce crime a de l'Empire entraîné la ruïne.
Du bruit de fon trépas mortellement frapés,
A répandre des pleurs nous étions occupés
Quand du courroux des Dieux, miniftre épou
vantable,

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Funefte à l'innocent, fans punir le coupable, Un monftre ( loin de nous que faifiez-vous alors,)

Un monftre furieux vient ravager ces bords. Le Ciel induftrieux, dans fa trifte vengeance. Avoit à le former épuifé fa puiflance.

Né parmi des rochers au pied du Cithéron,
Ce monftre à voix humaine, aigle, femme &
lion,

De la nature entiere exécrable affemblage,
Uniffoit contre nous l'artifice à la rage.

Il n'étoit qu'un moyen d'en préferver ces lieux.
D'un fens embarraffé dans des mots captieux
Le monftre chaque jour dans Thébe épouvantée,
Tom. II.

B

Propofuit une Enigme avec art concertée ;
Et fi quelque mortel vouloit nous fecourir,
Il devoit voir le monftre, & l'entendre, ou
périr :

A cette loi terrible il nous fallut foufcrire;
D'une commune voix Thébe offrit fon Empire
A l'heureux Interprête infpiré par les Dieux,
Qui nous dévoileroit ce fens mystérieux.
Nos Sages, nos Vieillards, féduits par l'efpé-

rance

Oférent fur la foi d'une vaine science,

Du monftre impénétrable affronter le courroux;
Nul d'eux ne l'entendit, ils expirerent tous.
Mais @dipe, héritier du Sceptre de Corinthe,
Jeune, & dans l'âge heureux qui méconnaît la
crainte ;

Guidé par la fortune en ces lieux pleins d'effroi,
Vint, vit ce monftre affreux, l'entendit & fut
Roi;

Il vit, il regne encor; mais fa triste puissance
Ne voit que des mourans fous fon obéïffance.
Hélas! nous nous flations que fes heureuses mains
Pour jamais à fon Thrône enchaînoient les
Deftins.

Déjà même les Dieux nous fembloient plus

faciles,

Le monftre en expirant laiffoit ces murs tran

quiles;

Mais la ftérilité fur ce funefte bord,

Bientôt avec la faim nous rapporta la mort.
Les Dieux nous ont conduit de fupplice en fup-

'plice,

La famine a ceffé, mais non leur injustice;
Et la contagion dépeuplant nos Etats,
Pourfuit un faible refte échappé du trépas.
Tel eft l'état horrible où les Dieux nous ré-
duifent;

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Mais vous, heureux Guerrier, que ces Dieux

favorifent,

Qui, du fein de la gloire, a pu vous arracher, Dans ce féjour affreux que venez-vous chercher? PHILOCTETE.

J'y viens porter mes pleurs & ma douleur profonde;

Apprends mon infortune & les malheurs du

monde.

Mes yeux ne verront plus ce digne fils des Dieux, Cet appui de la terre, invincible comme eux. L'innocent opprimé perd son Dieu tutelaire, Je pleure mon ami, le monde pleure un pere, DIMAS.

Hercule eft mort?

PHILOCTETE.

Ami, ces malheureuses mains Ont mis fur le bucher le plus grand des humains; Je rapporte en ces lieux ces fléches invincibles, Du fils de Jupiter, préfens chers & terribles. Je rapporte la cendre, & viens à ce Héros Attendant des Autels élever des Tombeaux. Croi-moi, s'il eût vécu, fi d'un présent fi rare Le Ciel pour les humains eût été moins avare, J'aurois loin de Jocafte achevé mon deftin ; Et dût ma paffion renaître dans mon fein, Tu ne me verrois point, fuivant l'amour pour guide,

Pour fervir une femme abandonner Alcide.

DIMAS.

J'ai plaint long-temps ce feu fi puiffant &

doux,

Bij

Il naquit dans l'enfance, il croiffoit avec vous.
Jocafte par un pere à fon hymen forcée,
Au Throne de Laïus à regret fut placée.
Hélas! par cet hymen, qui coûta tant de pleurs,
Les Deftins en fecret préparoient nos malheurs.
Que j'admirois en vous cette vertu suprême,
Ce cœur digne du Thrône, & vainqueur de foi-
même !

En vain l'amour parloit à ce cœur agité,
C'eft le prémier tyran que vous avez dompté.

PHILOCTETE.

Il fallut fuir pour vaincre : oui, je te le confeffe, Je luttai quelque temps, je fentis ma faibleffe: Il fallut m'arracher de ce funeste lieu,

Et je dis à Jocafte un éternel adieu. Cependant l'Univers, tremblant au nom d'Alcide,

Attendoit fon destin de sa valeur rapide ;
A fes divins travaux j'ofai m'affocier,
Je marchai près de lui ceint du même laurier,
C'eft alors en effet que mon ame éclairée
Contre les paffions fe fentit affurée.

L'amitié d'un grand homme eft un bienfait des
Dieux;

Je lifois mon devoir & mon fort dans fes yeux.
Des vertus avec lui je fis l'apprentissage,
Sans endurcir mon cœur, j'affermis mon cou-

rage:

L'infléxible vertu m'enchaîna fous fa loi; Qu'euffai-je été fans lui? Rien que le fils d'un

Roi ;

Rien qu'un Prince vulgaire, & je ferois peutêtre

Efclave de mes sens, dont il m'a rendu maître,

DIMAS.

Ainfi donc déformais, fans plainte & fans cour

roux,

Vous reverrez Jocaste & fon nouvel époux.

PHILOCTETE.

Comment? Que dites-vous? Un nouvel hymenée ?

DIMAS.

Edipe à cette Reine a joint fa destinée,

PHILOCTETE.

Edipe eft trop heureux. Je n'en fuis point furpris.

Et qui fauva fon Peuple eft digne d'un tel prix. Le Ciel eft jufte.

DIMAS.

Edipe en ces lieux va paraître,

Tout le Peuple avec lui conduit par le Grand

Prêtre,

Vient des Dieux irrités conjurer les rigueurs.

PHILOCTETE.

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Je me fens attendri, je partage leurs pleurs.
O toi, du haut des Cieux, veille fur ta Patrie,
Exauce en fa faveur un ami qui te prie
Hercule, fois le Dieu de tes concitoyens,
Que leurs vœux jusqu'à toi montent avec les
miens!

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