MESSAL A. Puis-je ici vous parler, mais avec confiance? TITUS. Toujours de tes confeils j'ai chéri la prudence. Eh bien! fais-moi rougir de mes égaremens. MESSAL A. J'approuve & votre amour & vos reffentimens; Non, s'il vous faut rougir, rougiffez en ce jour Citoyen fans pouvoir, amant fans espérance, Je vous verrois languir, victime de l'État, Oublié de Tullie, & bravé du Sénat? Ah! peut-être, Seigneur, un cœur tel que le vôtre, Auroit pu gagner l'une, & se venger de l'autre. TITUS. De quoi viens-tu flater mon efprit éperdu? Moi, j'aurois pu fléchir fa haine ou sa vertu! N'en parlons plus. Tu vois les fatales barrieres, Qu'élevent entre nous nos devoirs & nos peres. Sa haine déformais égale fon amour. Elle va donc partir? MESSAL A. Oui, Seigneur, dès ce jour, TITUS. Je n'en murmure point. Le Ciel lui rend justice. Il la fit pour regner. MESSAL A. Ah! ce Ciel plus propice Lui deftinoit peut-être un Empire plus doux. Et fans ce fier Sénat fans la guerre, fans vous.... Pardonnez; vous fçavez quel est son héritage; Son frere ne vit plus, Rome étoit fon partage. Je m'emporte, Seigneur; mais fi pour vous fervir, Si pour vous rendre heureux, il ne faut que périr; Si mon fang ... TITUS. Non, ami, mon devoir eft le maître. Non, croi-moi, l'homme eft libre au moment qu'il veut l'être. Je l'avoue, il eft vrai, ce dangereux poison A pour quelques momens égaré ma raison; Mais le cœur d'un Soldat sçait dompter la molleffe, Et l'amour n'eft puiffant que par notre faiblesse, MESSAL A. Vous voyez des Toscans venir l'Ambassadeur; Cet honneur qu'il vous rend ... Que TITUS. Ah! quel funefte honneur! Que me veut-il? C'est lui qui m'enleve Tullie; C'est lui qui met le comble au malheur de ma vie. APRI SCENE 11. TITUS, ARONS. ARONS. PRES avoir en vain, près de votre Sénat, Tenté ce que j'ai pu pour fauver cet État, Souffrez qu'à la vertu rendant un jufte hommage, J'admire en liberté ce généreux courage, Et d'un autre adverfaire, & d'un parti plus juste ! Et que ce grand courage, ailleurs mieux employé, D'un plus digne falaire auroit été payé! Il eft, il est des Rois, j'ose ici vous le dire, Qui mettroient en vos mains le fort de leur Em pire, Sans craindre ces vertus qu'ils admirent en vous, Dont j'ai vu Rome éprife, & le Sénat jaloux. Je vous plains de fervir fous ce Maître farouche, Que le mérite aigrit, qu'aucun bienfait re tou che, Qui, né pour obéir, fe fait un lâche honneur Devroit prendre de vous les ordres qu'il vous donne. TITUS. Je rends grace à vos foins, Seigneur, & mes foupçons De vos bontés pour moi refpectent les raisons. Je n'examine point fi votre politique Pense armer mes chagrins contre ma Républi que, Et porter mon dépit avec un art fi doux, Rome, au cœur de fes fils, éteint toute querelle: reux, Tout injufte pour moi, tout jaloux qu'il peut être, Que l'éclat d'une Cour, & le Sceptre d'un Maî tre. Je fuis fils de Brutus, & je porte en mon cœur, La liberté gravée, & les Rois en horreur. ARONS. Ne vous flatez-vous point d'un charme imagi¬ naire? Seigneur, ainfi qu'à vous, la liberté m'est chere : Quoique né fous un Roi, j'en goûte les appas; Vous vous perdez pour elle, & n'en jouïffez pas. Eft-il donc, entre nous, rien de plus defpotique, Le Citoyen de Rome, infolent ou jaloux, vere, Dans le bien qu'on lui fait, le mal qu'on lui peut faire; Et d'un banniffement le décret odieux Devient le prix du fang qu'on a versé pour eux. Je fçai bien que la Cour, Seigneur, à fes nau frages; Mais fes jours font plus beaux, fon Ciel a moins d'orages; Souvent la liberté, dont on se vante ailleurs Eblouï d'un éclat, qu'il refpecte & qu'il aime, armes, |