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Vous des droits des mortels éclairés interprêtes,
Vous qui jugez les Rois, regardez où vous êtes;
Voici ce Capitole, & ces mêmes Autels,
Où jadis, atteftant tous les Dieux immortels,
J'ai vu chacun de vous, brûlant d'un autre zèle,
A Tarquin votre Roi, jurer d'être fidéle.
Quels Dieux ont donc changé les droits des
Souverains?

Quel pouvoir a rompu des noeuds jadis fi faints?
Qui du front de Tarquin ravit le Diadême ?
Qui peut de vos fermens vous dégager ?

BRUTU S.

Lui-même.

N'alléguez point ces nœuds que le crime a rom

pus,

Ces Dieux qu'il outragea, ces droits qu'il a perdus

Nous avons fait, Arons, en lui rendant hommage,

Serment d'obéïffance, & non point d'esclavage; Et puifqu'il vous fouvient d'avoir vu dans ces lieux

Le Sénat à fes pieds, faifant pour lui des vœux ; Songez qu'en ce lieu même, à cet Autel augufte, Devant ces mêmes Dieux, il jura d'être jufte; De fon peuple & de lui tel étoit le lien;

Il nous rend nos fermens lorfqu'il trahit le fien; Et dès qu'aux loix de Rome il ofe être infidelle, Rome n'eft plus fujette, & lui feul eft rebelle,

ARONS.

Ah! quand il feroit vrai, que l'abfolu pouvoin Eût entraîné Tarquin par delà son devoir, Qu'il en eût trop fuivi l'amorce enchantereffe; Quel homme eft fans erreur? & quel Roi fans faibleffe?

Eft-ce à vous de prétendre au droit de le punir? Vous, nés tous fes sujets, vous, faits pour obéir! Un fils ne s'arme point contre un coupable pere; Il détourne les yeux, le plaint & le révere. Les droits des Souverains font-ils moins précieux ?

Nous fommes leurs enfans, leurs Juges font les Dieux.

Si le Ciel quelquefois les donne en fa colere, N'allez pas mériter un préfent plus févere, Trahir toutes les loix, en voulant les venger, Et renverser l'Etat, au lieu de le changer. Inftruit par le malheur ( ce grand Maître de l'homme )

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Tarquin fera plus jufte, & plus digne de Rome.
Vous pouvez raffermir par un accord heureux
Des peuples & des Rois les légitimes nœuds,
Et faire encor fleurir la liberté publique,
Sous l'ombrage facré du pouvoir Monarchique.

BRUTU S.

Arons, il n'eft plus temps; chaque Etat a fes loix,

Qu'il tient de fa nature, ou qu'il change à fon choix.

Efclaves de leurs Rois, & même de leurs Prê

tres,

Les Tolcans femblent nés pour fervir fous des maîtres;

Et de leur chaîne antique adorateurs heureux, Voudroient que l'Univers fût esclave comme

eux.

La Gréce entiere eft libre, & la molle Ionic
Sous un joug odieux languit affujettie.
Rome eut fes Souverains, mais jamais abfolus
Son prémier Citoyen fut le grand Romulus.

Nous partagions le poids de fa grandeur fuprême.

Numa, qui fit nos loix, y fut foumis lui-même.
Rome enfin, je l'avoue, a fait un mauvais choix.
Chez les Tolcans, chez vous elle a choifi fes
Rois.

Ils nous ont apporté du fond de l'Etrurie,
Les vices de leur Cour, avec la tyrannie.

Il fe leve:

Pardonnez-nous, grands Dieux! fi le peuple
Romain

A tardé fi long-temps à condamner Tarquin.
Le fang qui regorgea fous fes mains meurtrieres,
De notre obéïffance a rompu les barrieres.
Sous un Sceptre de fer tout ce peuple abbatu
A force de malheurs a repris fa vertu;
Tarquin nous a remis dans nos droits légitimes;
Le bien public eft né de l'excès de fes crimes
Et nous donnons l'exemple à ces mêmes Tof-

cans,

S'ils pouvoient, à leur tour, être las des tyrans. Les Confuls defcendent vers l'Autel, & le Sénat Se leve.

O Mars! Dieu des Héros, de Rome & des Ba tailles,

Qui combats avec nous, qui défends ces murailles !

Sur ton Autel facré, Mars, reçois nos fermens, Pour ce Sénat, pour moi, pour tes dignes enfans:

Si dans le fein de Rome il fe trouvoit un traître, Qui regretât les Rois, & qui voulût un maître, Que le perfide meure au milieu des tourmens, Que fa cendre coupable,abandonnée aux vents

Ne laiffe ici qu'un nom, plus odieux encore Que le nom des tyrans, que Rome entiere abhorre.

ARONS avançant vers l'Autel.

Et moi, fur cet Autel qu'ainfi vous profanez, Je jure au nom du Roi que vous abandonnez, Au nom de Porsenna, vengeur de fa querelle, A vous, à vos enfans, une guerre immortelle.

Les Sénateurs font un pas vers le Capitole Sénateurs, arrêtez, ne vous féparez pas; Je ne me fuis pas plaint de tous vos attentats; La fille de Tarquin, dans vos mains demeurée, Eft-elle une victime à Rome confacrée ?

Et donnez-vous des fers à fes Royales mains, Pour mieux braver fon pere & tous les Souverains?

Que dis-je ! tous ces biens ces thréfors, ces richeffes >

Que des Tarquins dans Rome épuifoient les largeffes,

Sont-ils votre conquête, où vous font-ils don

nez ?

Eft-ce pour les ravir que vous les déthrônez? Sénat, fi vous l'ofez, que Brutus les dénie.

BRUTUS fe tournant vers ARons.

Vous connaissez bien mal, & Rome & fon génie. Ces peres des Romains, vengeurs de l'équité, Ont blanchi dans la pourpre & dans la pauvreté. Au deffus des thréfors, que fans peine ils vous cedent,

Leur gloire eft de dompter les Rois qui les poffedent.

Prenez cet or, Arons, il eft vil à nos yeux.

Quant au malheureux fang d'un tyran odieux,
Malgré la jufte horreur que j'ai pour fa famille,
Le Sénat à mes foins a confié fa fille.

Elle n'a point ici de ces refpects flateurs,
Qui des enfans des Rois empoifonnent les cœurs;
Elle n'a point trouvé la pompe & la molleffe
Dont la Cour des Tarquins enyvra fa jeuneffe.
Mais je fçai ce qu'on doit de bontés & d'hon-

neur,

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A fon fexe, à fon âge, & fur tout au malheur. Dès ce jour en fon camp que Tarquin la revoie; Mon cœur même en conçoit une fecrette joie. Qu'aux tyrans deformais rien ne refte en ces lieux,

Que la haine de Rome & le courroux des Dieux. Pour emporter au camp l'or qu'il faut y con

duire,

Rome vous donne un jour : ce temps doit vous fuffire;

Ma maison cependant eft votre sureté,
Jouiffez-y des droits de l'hofpitalité.

Voilà ce que par moi le Sénat vous annonce,
Ce foir à Porfenna reportez ma réponse.
Reportez-lui la guerre; & dites à Tarquin
Ce que vous avez vu dans le Sénat Romain.
Aux Sénateurs.

Et nous du Capitole allons orner le faîte
Des lauriers dont mon fils vient de ceindre fa

tête;

Sufpendons ces Drapeaux, & ces dards tout fanglans,

Que fes heureuses mains ont ravis aux Toscans. Ainfi puiffe toujours, plein du même courage, Mon fang digne de vous, vous fervir d'âge en

âge.

Dieux

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