Et demandoient la mort avec des cris affreux. Hélas! de tous côtés, dans ce défordre extrême, En pleurant Mariamne, on vous plaignoit vousmême. L'on difoit hautement, qu'un Arrêt fi cruel Accableroit vos jours d'un remords éternel. HERODE. Grand Dieu ! que chaque mot me porte un coup terrible! NABAL. Aux larmes des Hébreux, Mariamne fenfible, Confoloit tout ce peuple, en marchant au trépas. Enfin vers l'échafaud on a conduit fes pas. C'est-là qu'en foulevant fes mains appesanties Du poids affreux des fers indignement flétries: » Cruel, a-t-elle dit, & malheureux époux ! »Mariamne en mourant ne pleure que fur vous. >> Puiffiez-vous par ma mort finir vos injuftices. » Vivez, regnez heureux fous de meilleurs aufpices; » Voyez d'un œil plus doux mes peuples & mes fils; » Aimez-les: je mourrai trop contente à ce prix. ... HERODE. Tu meurs! & je refpire encore? Manes facrés, chere ombre, époufe que j'adore, Refte pâle & fanglant de l'objet le plus beau, Je te fuivrai du moins dans la nuit du tombeau. Quoi! vous me retenez? Quoi! Citoyens perfides, Vous arrachez ce fer à mes mains parricides! Ma chere Mariamne, arme-toi, punis-moi, Viens déchirer ce cœur qui brûle encor pour toi. Je me meurs. Il tombe dans un fauteuil. NABAL. De fes fens il a perdu l'ufage; Il fuccombe à ses maux. HEROD E. Quel funefte nuage S'eft répandu foudain fur mes efprits troublés! D'un fombre & noir chagrin mes fens font acca blés. D'où vient qu'on m'abandonne au trouble qui me gêne? Je ne vois point ma Sœur, je ne vois point la Reine. Vous pleurez, vous n'osez vous approcher de moi ! Trifte Jerufalem, tu fuis devant ton Roi? Qu'ai-je donc fait ? Pourquoi fuis-je en horreur au monde ? Qui me délivrera de ma douleur profonde ? Par qui ce long tourment fera-t-il adouci ? Qu'on cherche Mariamne, & qu'on l'amene ici. NABAL, 184 MARIAMNE, TRAGEDIE. Mon cœur eft moins troublé, mes jours font plus ferains. Déjà même à fon nom mes douleurs s'affaibliffent, Déjà de mon chagrin les ombres s'éclairciffent. Qu'elle vienne. Avez-vous pu, Seigneur, oublier son trépas ? HEROD E. Cruel! que dites-vous ? NABAL. Il ne fe connaît plus. La douleur le transporte: HERODE. Quoi! Mariamne est morte? Ah! funefte raifon, pourquoi m'éclaires-tu? Jour trifte,jour affreux,pourquoi m'es-tu rendu? Lieux teints de ce beau fang que l'on vient de répandre, Murs que j'ai relevés, Palais, tombez en cendre, Cachez fous les débris de vos fuperbes tours, La place où Mariamne a vu trancher fes jours. Quoi! Mariamne eft morte,& j'en fuis l'homicide? Puniffez, déchirez ce monftre parricide, Armez-vous contre moi, fujets qui la perdez, Tonnez, écrafez-moi, Cieux qui la poffedez. Fin du cinquiéme 5 dernier Alte. BRU AVERTISSEMENT. CETTE Tragédie fut jouée pour la prémiere fois en 1730. C'est de toutes les pièces de notre Auteur celle qui eut en France le moins de fuccès aux Représentations ; elle ne fut jouée que Seize fois, c'est celle qui a été traduite en plus de langues, que les nations étrangeres aiment le mieux. Elle eft ici fort différente des pré mieres Editions de Paris, |