SALOMÉ. Je puis encor fur lui bien moins que tu ne crois. Traîner de mon deftin la trifte incertitude. La Reine a vu cent fois mon fort entre fes mains : Et fi fa politique avoit avec adreffe D'un Epoux amoureux ménagé la tendreffe ; Cet ordre, cet Arrêt prononcé par fon Roi, Ce coup que je lui porte auroit tombé fur moi Mais fon farouche orgueil a fervi ma vengeance: J'ai fçu mettre à profit fa fatale imprudence. Elle a voulu fe perdre, & je n'ai fait enfin Que lui lancer les traits qu'a préparés fa main, Tu te fouviens affez de ce temps plein d'a larmes, Lorfqu'un bruit fi funefte à l'efpoir de nos armes, Apprit à l'Orient, étonné de son sort, Qu'Augufte étoit vainqueur, & qu'Antoine étoit mort. Tu fçais, comme à ce bruit nos peuples fe troublerent. De l'Orient vaincu les Monarques tremblerent. Mon frere enveloppé dans ce commun malheur, Crut perdre fa Couronne avec fon Protecteur. Il falut, fans s'armer d'une inutile audace, Dans fon cœur déchiré je repris mon pouvoir Jurer d'exterminer les reftes dangereux Et dès ce même inftant fa facile colere Mais fa fureur encor flatoit peu mes fouhaits, Il eut honte en fecret de fon peu de courage: J'ai fait plus, j'ai moi-même armé sa jaloufie, Il a craint pour fa gloire, il a craint pour fa vie. Tu fçais, que dès long-temps en bute aux trahifons, Son cœur de toutes parts est ouvert aux foupçons. Il croit ce qu'il redoute, & dans fa défiance MAZAE L. Il n'en faut point douter, ce coup eft néceffaire: Mais avez vous prévu, fi ce Préteur auftére, Qui fous les Loix d'Augufte a remis cet Etat, Verroit d'un œil tranquille un pareil attentat? Varus, vous le fçavez, eft ici votre Maître. En vain le peuple Hébreux, prompt à vous reconnaître, Tremble encor fous le poids de ce Thrône ébranlé : Votre pouvoir n'eft rien, fi Rome n'a parlé. Avant qu'en ce Palais, des mains de Varus même, Votre frere ait repris l'autorité fuprême, Ces vainqueurs foupçonneux font jaloux de leurs droits, Et fur tout leur orgueil aime à punir les Rois SALOMÉ. Non, non, l'heureux Hérode à Céfar a fçû plaire; Varus en eft inftruit, Varus le confidere. Croyez-moi, ce Romain voudra le ménager; Mais, quoiqu'il faffe enfin, fongeons à nous venger. Je touche à ma grandeur, & je crains ma difgrace; Demain, dès aujourd'hui, tout peut changer de face. Qui fçait même, qui sçait, fi paffé ce moment Leur courroux paffager troublera peu ma joie. Mes plus grands ennemis ne font pas les Romains ; Mariamne en ces lieux éft tout ce que je crains. Mes Soldats en fecret puiffent prendre les Ar◄ mes. VARUS, ALBIN, MAZAEL, Suite de Varus. VARUS, SALOME & Mazaël femblent fuir devant moi; Dans leurs yeux étonnés je lis leur jufte effroi: Le crime à mes regards doit craindre de pa raître. Mazaël, demeurez ; mandez à votre Maître, Que fes cruels deffeins font déjà découverts : Que fon Miniftre infame eft ici dans les fers, Et que Varus peut-être au milieu des fupplices Eût dû faire expirer ce monftre... & fes complices. Mais je refpecte Hérode affez pour me flater, Calmez de ses chagrins la honteuse fureur : Que Varus vous connaît, qu'il commande en ces lieux, Et que fur vos complots il ouvrira les yeux. Seigneur... |