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(CONCLUSION. S'il est vrai de dire que la vie active, en tant qu'elle s'occupe aux actions extérieures, est un empêchement actuel à la vie contemplative, elle doit néanmoins en être regardée comme la préparation la plus efficace par l'ordre et la mesure qu'elle fait régner dans les affections de l'ame.)

La vie active peut être considérée sous un double vapport: sous le rapport de l'application affective et effective aux actions extérieures; et de la sorte il est évident que la vie active empêche l'exercice de la vie contemplative, puisqu'il est impossible qu'un homme soit en même temps occupé aux actions extérieures et vaque à la divine contemplation; sous le rapport de l'ordre et de la mesure qu'elle fait régner dans les passions intérieures de l'ame; et la vie active est de la sorte l'auxiliaire de la vie contemplative, puisque celle-ci n'a pas de plus grand ennemi que le désordre dans ces mêmes passions. Voici ce que dit à cet égard saint Grégoire : « Ceux qui veulent s'élever aux hauteurs de la contemplation doivent auparavant s'être exercés dans le champ de l'action; qu'ils voient avec le plus grand soin s'ils ne font plus aucun mal au prochain, s'ils supportent avec égalité d'ame les maux qu'ils ont à en souffrir, si en se dépouillant des biens extérieurs ils laissent aller leur ame à une joie désordonnée, si en les perdant ils ne sont pas acccablés par le chagrin; qu'ils examinent ensuite si, lorsqu'ils rentrent en eux-mêmes pour scruter les choses spirituelles, ils n'emportent pas avec eux jusqu'à un certain point l'image des choses corporelles, ou si du moins ils savent écarter ces ombres importunes d'une main ferme et discrète. » Il suit donc évidemment de là que l'exercice de la vie active contribue à celui de la vie contemplative, puisqu'il apaise les passions intérieures et que de ces passions naissent les fantômes qui sont le plus grand obstacle à la contemplation (1).

(1) Nous l'avons déjà remarqué plus haut, la vie active et la vie contemplative, quoique parfaitement distinctes entre elles, ne doivent cependant pas être entièrement séparées. Non

(CONCLUSIO. Quanquam vita activa impedimento sit vitæ contemplativæ, quantum ad externas actiones attinet, ad eam tamen maximè conducit quatenus internas animi affectiones ordinat et moderatur.)

Respondeo dicendum, quòd vita activa potest considerari quantum ad duo: uno modo, quantum ad ipsum studium et exercitium exteriorum actionum, et sic manifestum est quòd vita activa impedit contemplativam, in quantum impossibile est quòd aliquis simul occupetur circa exteriores actiones, et divinæ contemplationi vacet; alio modo potest considerari vita activa quantum ad hoc quòd interiores animæ passiones componit et ordinat, et quantum ad hoc vita activa adjuvat ad contemplationem, quæ impeditur per inordinationem interiorum pas

sionum. Unde Gregorius dicit in VI. Moral. (ubi suprà): « Cùm contemplationis arcem aliqui tenere desiderant, priùs se in campo operis per exercitium probent, ut sollicitè sciant si nulla jam mala proximis irrogant, si irrogata à proximis æquanimiter portant, si abjectis temporalibus bonis nequaquam mens lætitia solvitur, si subtractis non nimio mœrore sauciatur; at deinde perpendant, si cùm ad semetipsos introrsus redeunt in eo quòd spiritualia rimantur, nequaquam secum rerum corporalium umbras trahunt, vel fortassè tractas manu discretionis abigunt. » Ex hoc ergo exercitium vitæ activæ confert ad contemplativam, quòd quietat interiores passiones, ex quibus phantasmata proveniunt, per quæ contemplatio impeditur.

De là résulte clairement la réponse aux objections. Toutes ces objections portent, en effet, sur les actes extérieurs eux-mêmes, et non point sur leur effet, qui est de modérer les passions.

ARTICLE IV.

La vie active est-elle antérieure à la vie contemplative?

Il paroît que la vie active n'est pas antérieure à la vie contemplative. 1o La vie contemplative a directement rapport à l'amour de Dieu, et la vie active à l'amour du prochain. Or l'amour de Dieu précède celui du prochain, puisque c'est à cause de Dieu que le prochain doit être aimé. Donc il paroît que la vie contemplative précède également la vie active. 2o Saint Grégoire dit, Super Ezech., homil. XIV: « Il faut savoir que si nous devons aller, suivant l'ordre ordinaire des choses, de la vie active à la vie contemplative, le bien exige le plus souvent qu'on revienne de absolument parla seconde à la première. » Donc la vie active n'est pas, lant, antérieure à la vie contemplative.

3o Des choses qui conviennent à différents sujets ne semblent pas avoir entre elles un ordre nécessaire. Or la vie active et la vie contemplative conviennent à différents sujets; car saint Grégoire dit, Moral., VI, 17: « Souvent des hommes qui eussent pu se livrer en paix à la contemplaseulement elles se trouvent unies, dans des proportions inégales, soit par les règles des différents ordres religieux, par les tendances diverses et la mystérieuse activité de l'ame humaine ; mais il existe de plus entre elles de profonds et nécessaires rapports d'influence et de subordination. La vie contemplative, en se mêlant, jusqu'à un certain point, aux exercices multiples et aux rudes labeurs de la vie active, y fait circuler la vie, la lumière et la suavité; la vie active, de son côté, interrompt heureusement, dans la plupart des cas, la contention d'esprit que la vie contemplative entraîne ordinairement avec elle, dans les conditions de notre triste mortalité. Elle lui sert toujours de préparation, et de préparation indispensable, comme le saint docteur va nous le rappeler dans la thèse suivante, corollaire et complément de celle-ci.

Et per hoc patet responsio ad objecta. Nam | Deum diligitur. Ergo videtur quòd etiam vita rationes illæ procedunt quantum ad ipsam oc- contemplativa sit prior quàm activa. cupationem exteriorum actuum, non autem quantum ad effectum, qui est moderatio passionum.

2. Præterea, Gregorius dicit super Ezech. (Homil. IV): « Sciendum est quòd sicut bonus ordo vivendi est, ut ab activa in contemplati vam tendatur, ita plerumque utiliter à contemplativa animus ad activam reflectitur. » Non Utrùm vita activa sit prior quàm contempla-ergo simpliciter vita activa est prior quàm con

ARTICULUS IV.

tiva.

Ad quartum sic proceditur. Videtur quòd vita activa non sit prior quàm contemplativa. Vita enim contemplativa directè pertinet ad dilectionem Dei (1), vita autem activa ad dilectionem proximi. Sed dilectio Dei præcedit dilectionem proximi, in quantum proximus propter

templativa.

3. Præterea, ea quæ diversis competunt, non videntur ex necessitate ordinem habere. Sed vita activa et contemplativa diversis competunt; dicit enim Gregorius in VI. Moral. (cap. 27 vel 17): « Sæpè qui contemplari Deum quieti poterant, occupationibus pressi cecide

(1) Quod sufficit ad institutum præsens, quantumvis ad proximi dilectionem indirectè reflecti possit; quia nempe activa vita ordinatur directè ad hanc ipsam dilectionem, et sic habet unde contemplativæ vitæ opponatur per id quod ad utramque principaliter ac directè pertinet.

tion de Dieu, sont tombés sous le poids des occupations extérieures ; souvent aussi des hommes qui eussent été heureusement employés dans les devoirs de la vie commune, ont trouvé dans le repos une cause de ruine. Donc la vie active n'est pas antérieure à la vie contemplative.

Mais saint Grégoire dit le contraire, Super Ezech., homil. III: « La vie active est, dans l'ordre du temps, antérieure à la vie contemplative; car on part des bonnes œuvres pour arriver à la contemplation. »

(CONCLUSION. Dans l'ordre de génération et par rapport à nous, la vie active est antérieure à la vie contemplative, puisqu'elle nous y dispose; mais, dans l'ordre de perfection ou de nature, la seconde doit être placée avant la première.)

Une chose peut être dite antérieure à une autre sous un double rapport sous le rapport de sa nature, en premier lieu; et de la sorte, la vie contemplative est antérieure à la vie active, puisqu'elle s'applique à des choses meilleures et plus élevées; d'où vient qu'elle meut et dirige la vie active. En effet, la raison supérieure, qui a la contemplation en partage, est par rapport à la raison inférieure, qui s'applique à l'action, ce que l'homme est à l'égard de la femme, celle-ci devant toujours être dirigée par celui-là, comme le dit saint Augustin, De Trinit., XII, 14. En second lieu, une chose peut être antérieure à une autre par rapport à nous, c'est-à-dire dans l'ordre de génération; et dans ce sens la vie active est antérieure à la vie contemplative, puisqu'elle y dispose notre ame, ainsi que cela résulte clairement de ce qui a été dit, quest. CLXXXI, art. 1. Dans l'ordre de génération, en effet, la disposition précède la forme, quoique celle-ci soit, en elle-même et d'une manière absolue, antérieure à celle-là.

Je réponds aux arguments: 1° La vie contemplative ne repose pas sur un amour de Dieu quelconque, mais seulement sur l'amour parfait; tandis que la vie active répond à un amour quelconque du prochain.

runt; et sæpè qui occupati benè humanis usibus | vet et dirigit. Ratio enim superior quæ conviverent, gladio suæ quietis extincti sunt. » Non ergo vita activa prior est quàm contemplativa.

Sed contra est, quod Gregorius dicit in III. Homil. super Ezech.: « Activa vita prior est tempore quàm contemplativa, quia ex bono opere tenditur ad contemplationem. »

(CONCLUSIO.Quamvis viâ generationis et quantum ad nos, vita activa prior sit contemplativa, ut illius dispositio, secundùm naturam tamen posterior est contemplativå.)

Respondeo dicendum, quòd aliquid dicitur esse prius dupliciter: uno modo, secundùm suam naturam; et hoc modo vita contemplativa est prior quàm activa, in quantum prioribus et melioribus insistit. Unde et activam vitam mo

templationi deputatur, comparatur ad inferiorem quæ deputatur actioni, sicut vir ad mulieren, quæ est per virum regenda, ut Augustinus dicit XII. De Trin. (cap. 14). Alio modo est aliquid prius quoad nos, quod scilicet est prius in via generationis; et hoc modo vita activa est prior quàm contemplativa, quia disponit ad contemplativam, ut ex suprà dictis patet (qu. 181, art. 1, ad 3). Dispositio enim via generationis præcedit formam, quæ simpliciter et secundùm suam naturam est prior.

Ad primum ergo dicendum, quòd vita contemplativa non ordinatur ad qualemcumque dilectionem Dei, sed ad perfectam; sed vita activa est necessaria ad dilectionem proximi qua lemcumque. Unde Gregorius dicit in III. Hɔm.

Saint Grégoire dit, Super Ezech., homil. III : « On peut entrer dans la céleste patrie sans posséder la vie contemplative quand on ne néglige pas le bien qu'on est capable de faire; mais on ne sauroit y entrer sans la vie active quand on néglige le bien qu'on peut faire. » Il suit donc également de là que la vie active est antérieure à la vie contemplative, comme ce qui est commun à tout le monde précède ce qui est particulier aux hommes parfaits (1).

2o De la vie active on va à la vie contemplative, en considérant l'ordre de génération; mais par voie de direction on revient de la vie contemplative à la vie active, puisqué celle-ci doit être dirigée par celle-là. C'est ainsi que par les opérations répétées on acquiert l'habitude, et par l'habitude acquise on accomplit les opérations d'une manière plus parfaite, comme le remarque Aristote, Ethic., II (2).

3o Ceux qui sont enclins aux passions sont par là même et par l'impetuosité de ces mêmes passions plus aptes, toutes choses égales d'ailleurs, à la vie active, ce qui tient à l'agitation de leur esprit. C'est ce qui fait dire à saint Grégoire, ibid. : « Il y a des hommes tellement inquiets que l'absence du travail leur est le plus rude de tous les travaux ; ils sont en proie à des agitations de cœur d'autant plus funestes qu'ils ont plus de loisir et de liberté pour s'abandonner à leurs pensées. » D'autres au con

(1) Il y a des ames qui, par ignorance ou par présomption, veulent s'élancer tout d'un coup au sommet de la vie contemplative, sans s'être auparavant épurécs et fortifiées par l'exercice des vertus, et, comme s'exprime saint Grégoire, « avant de s'être suffisamment exercées dans le champ de la vie active. » Ces ames expient d'ordinaire leur témérité par une chute plus rapide encore que leur élévation. Elles tombent du reste d'autant plus bas qu'elles ont prétendu monter plus haut, confirmant ainsi par leur funeste expérience la sagesse des principes établis ici par notre saint auteur, à la suite des maîtres les plus accrédités dans la science de la vie religieuse et mystique.

(2) Ce que saint Thomas, à l'exemple d'Aristote, appelle ordre de génération, n'est autre chose, comme nous l'avons déjà vu plusieurs fois dans la Somme, que l'ordre de succession ou de temps. La philosophie moderne le nommeroit ordre de filiation. A cet ordre est opposé, dans la langue du stagyrite, l'ordre de perfection ou de nature. La nature, comme le dit encore le même philosophe, vise toujours à la perfection. L'idée du parfait est conçue la première, dans l'ordre naturel, et tout lui est subordonné dans les opérations successives; mais dans la réalité, c'est l'imparfait qui précède le parfait.

super Ezech.: « Sine contemplativa vita intrare possunt ad cœlestem patriam, qui bona quæ possunt operari, non negligunt; sine activa autem intrare non possunt, si negligunt bona operari quæ possunt. » Ex quo etiam patet quòd vita activa præcedit contemplativam, sicut id quod est commune omnium, præcedit in via generationis id quod est proprium perfectorum.

Ad secundum dicendum, quòd à vita activa proceditur ad vitam contemplativam secundùm ordinem generationis; à vita autem contemplaziva reditur ad vitam activam per viam direcionis, ut scilicet vita activa per contemplatio

ΙΙ.

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nem dirigatur: sicut etiam per operationes acquiritur habitus, et per habitum acquisitum perfectius aliquis operatur, ut dicitur in II. Ethic.

Ad tertium dicendum, quòd illi qui sunt proni ad passiones, propter earum impetum ad agendum, sunt simpliciter magis apti ad vitam activam, propter spiritûs inquietudinem. Unde dicit Gregorius in VI. Moral. (ut suprà ), quòd « nonnulli ita inquieti sunt, ut si vacationem laboris habuerint, graviùs laborent, quia tantò deteriores cordis tumultus tolerant, quantò eis licentiùs ad cogitationes vacat. » Quidam verò habent naturaliter animi puritatem et

traire possèdent naturellement ce calme et cette pureté d'esprit qui nous rend propres à la contemplation; qu'on applique de tels hommes aux actions extérieures, ils en souffriront un préjudice réel. C'est ce que dit encore saint Grégoire au même endroit : « Il est des hommes dont l'ame est tellement portée au repos que s'ils tombent dans les tracas des occupations extérieures, ils y succomberont dès le début. » On peut conclure ultérieurement de là que ceux même qui sont d'abord plus aptes à la vie active peuvent par l'exercice de cette vie se disposer à la contemplation, et que ceux qui sont plus aptes à la vie contemplative peuvent néanmoins subir les exercices de la vie active et se trouver par là mieux disposés à goûter le bonheur de la contemplation.

QUESTION CLXXXIII.

Des offices et des divers états des hommes en général.

La diversité des états et des offices des hommes devient maintenant le sujet de notre étude : considérons d'abord ces offices et ces états en géral; puis nous les considérerons d'une manière spéciale dans les hommes qui suivent la voie de la perfection..

Sur le premier point quatre questions se présentent : 1o D'où vient la différence des états parmi les hommes (1) ? 2o Faut-il qu'il y ait parmi les hommes des offices et des états divers? 3o En quoi consiste la différence des offices? 4° Celle des états?

(1) Cette première question diffère beaucoup, quant à la manière dont elle est énoncée, de celle qui se trouve en tête du premier article; ce qui ne laisse pas d'étonner', vu l'habitude

quietem, per quam ad contemplationem sunt ad opus excitat, et inquietas in contemplatione apti; qui si totaliter actionibus deputentur, timor refrænat. » Unde et illi qui sunt magis detrimentum sustinebunt. Unde Gregorius dicit apti ad activam vitam, possunt per exercitium in VI. Moral. (ut suprà ), quòd « quorumdam activæ ad contemplativam præparari; et illi hominum ita otiosæ mentes sunt, ut si eos labor nihilominus qui sunt magis ad contemplativam occupationis excipiat, in ipsa operis inchoatione apti, possunt exercitia vitæ activæ subire, ut succumbant. >> Sed sicut ipse postea subdit per hoc ad contemplationem paratiores red(c. 26 vel 17): «Sæpè et pigras mentes amor | dantur.

QUESTIO CLXXXIII.

De officiis et variis hominum statibus in generali, in quatuor' articulos divisa.

Consequenter considerandum est de diversitate statuum et officiorum humanorum. Et primò considerandum est de officiis et statibus hominum in generali; secundò, specialiter de statu perfectorum.

Et circa hoc quæruntur quatuor: 1o Quid faciat in hominibus statum. 2o Utrùm in hominibus debeant esse diversi status sive diversa officia. 3o De differentia officiorum. 4o1 be dif ferentia statuum.

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