Obrazy na stronie
PDF
ePub

biens, des biens secondaires, ceux du corps lui-même et des choses extérieures qui servent au bien-être du corps. Et à cet égard la tristesse peut affecter l'ame du sage, du moins quant à l'appétit sensitif; car la tristesse causée par de tels maux ne doit pas aller jusqu'à troubler la raison. C'est ainsi qu'il faut entendre la parole de l'Ecriture citée dans l'argument: << Rien ne contristera le juste, quoi que ce soit qui lui arrive; » ce qui veut dire que la raison du juste ne se laissera troubler par aucun accident. Ainsi donc c'est comme propassion, et non comme passion proprement dite, que la tristesse fut dans l'ame du Christ.

3o Toute tristesse est un mal de peine; elle n'est pas toujours un mal de faute; ce n'est que lorsqu'elle procède d'une affection désordonnée. Voilà ce qui fait dire à saint Augustin, De Civit. Dei, IV, 6 : « Quand ces impressions de l'ame sont soumises à la raison, quand elles ont lieu dans le temps et les circonstances convenables, qui oseroit les appeler des passions morbides ou vicieuses? >>

4o Rien n'empêche qu'une chose qui de soi est contraire à la volonté, ne soit néanmoins voulue à cause de la fin qu'on se propose; une médecine amère n'est pas voulue en elle-même, elle ne l'est que par rapport à la guérison qu'elle peut procurer. C'est ainsi que la mort du Christ et sa passion, considérées en elles-mêmes, heurtoient sa volonté et lui inspiroient la tristesse; elles étoient néanmoins voulues par rapport à la fin qu'il poursuivoit, à savoir la rédemption du genre humain.

ARTICLE VII.

Le Christ a-t-il éprouvé la crainte ?

Il paroît que le Christ n'a pas éprouvé la crainte. 1o Il est dit, Prov., XXVIII, 1: «Plein de confiance comme le lion, le juste ne craint rien. » Or

quæ pertinent ad ipsum corpus, vel ad exteriores res corpori deservientes. Et secundùm hoc potest in animo sapientis esse tristitia, quantum ad appetitum sensitivum, secundùm apprehensionem hujusmodi malorum, non tamen ita quòd ista tristitia perturbet rationem. Et secundùm hoc etiam intelligitur, quòd « non contristabit justum quidquid ei acciderit; » quia scilicet ex nullo accidente ejus ratio perturbatur. Et secundùm hoc tristitia fuit in Christo « secundùm propassionem, non autem secundùm passionem. »

oportet adhibentur, quis eas tunc morbidas seu vitiosas passiones audeat dicere? »>

Ad quartum dicendum, quòd nihil prohibet, aliquid esse contrarium voluntati secundùm se, quod tamen est volitum ratione finis ad quem ordinatur; sicut medicina amara non est secundùm se volita, sed solùm secundùm quòd ordinatur ad sanitatem. Et hoc modo mors Christi, et ejus passio fuit secundùm se considerata involuntaria et tristitiam causans, licèt fuerit voluntaria in ordine ad finem, qui est redemptio humani generis.

ARTICULUS VII.

Utrùm in Christo fuerit timor.

Ad tertium dicendum, quòd omnis tristitia est malum pœnæ; non autem est semper malum culpæ, sed solùm quando ex inordinato affectu procedit. Unde Augustinus dicit IV. De Civit. Dei (cap. 6) : « Cùm rectam rationem sequuntur istæ affectiones, et quando et ubi | (1) De his etiam suprà, qu. 7, art. 6; et III, dist. 15, qu. 2, art. 2, quæstiunc. 3.

Ad septimum sic proceditur (1). Videtur quòd in Christo non fuerit timor. Dicitur enim Prov., XXVIII : « Justus quasi leo confidens

le Christ étoit le juste par excellence. Donc il n'y eut en lui aucune crainte. 2o Saint Hilaire dit, De Trinit., X: « Je le demande à ceux qui ont unetelle persuasion, est-il raisonnable de penser que celui-là ait craint de mourir, qui chassant de l'ame de ses disciples toute crainte de cette nature, les a excités à la gloire du martyre. » On ne sauroit donc raisonnablement admettre que le Christ ait éprouvé la crainte.

3o La crainte n'a pour objet qu'un mal auquel on ne peut se soustraire. Or le Christ pouvoit empêcher, et le mal de la peine, qu'il a voulu luimême souffrir, et le mal de la faute, qui s'est rencontré chez les autres hommes. Donc il n'y eut dans le Christ aucune crainte.

Mais le contraire nous est formellement dit dans l'Evangile, Marc., XIV, 33: « Jésus commença à éprouver la frayeur et l'ennui. »

(CONCLUSION. Le Christ éprouva cette crainte qui a pour objet un mal imminent et certain, mais non celle qui provient de l'incertitude de l'avenir.)

Comme la tristesse est causée par l'expérience d'un mal présent, ainsi la crainte l'est par la prévision d'un mal futur. Or quand la prévision d'un mal futur est certaine d'une certitude absolue, ce n'est pas le sentiment de la crainte qu'elle inspire; et de là ce que dit le Philosophe, Rhetor., II, 5 : « La crainte n'existe pas là où ne se trouve pas aussi un certain espoir d'échapper au mal. » En effet, quand il n'y a plus aucun espoir d'échapper, le mal nous apparoît comme actuellement présent; et de la sorte il inspire la tristesse plutôt que la crainte. On peut donc considérer ce dernier sentiment sous un double rapport : en premier lieu, comme un mouvement de l'appétit sensitif qui se dérobe naturellement à toute lésion corporelle, ce qui se traduit par la tristesse si le mal est présent, et par la crainte si le mal est futur; et sous ce rapport, il faut dire que le Christ éprouva la crainte, tout comme la tristesse (1). Ce sen(1) Bien loin d'amoindrir le sentiment du courage ou de la magnanimité, celui de la crainte,

absque terrore erit. » Sed Christus fuit maximè | timor in illo quoad eventus incertitudinem.) justus. Ergo in Christo non fuit aliquis timor.

2. Præterea, Hilarius dicit X. De Trinit.: « Interrogo eos qui hoc ita existimant, an ratione subsistat ut mori timuerit, qui omnem ab Apostolis mortis timorem propellens, ad gloriam eos sit martyrii adhortatus. » Non ergo rationabile est fuisse timorem in Christo.

Respondeo dicendum, quòd sicut tristitia causatur ex apprehensione mali præsentis, ita timor causatur ex apprehensione mali futuri. Apprehensio autem mali futuri, si omnimodam certitudinem habeat, non inducit timorem; unde Philosophus dicit in II. Rhetor. (cap. 5), quòd « timor non est nisi ubi est aliqua spes evadendi. » Nam quando nulla spes est evadendi, apprehenditur malum ut præsens; et sic magis causat tristitiam quàm timorem. Sic ergo timor potest considerari, quantum ad duo: uno modo, quantum ad hoc quod appetitus sensitivus naturaliter refugit corporis læsionem, et per tristitiam, si sit præsens, et per timo(CONCLUSIO.Fuit quidem timor in Christo rem, si sit futura. Et hoc modo timor fuit in respectu imminentis futuri mali, non fuit autem | Christo, sicut et tristitia. Alio modo potest

3. Præterea, timor non videtur esse nisi de malo quod non potest homo vitare. Sed Christus poterat vitare, et malum pœnæ quod passus est, et malum culpæ quod aliis accidit. Ergo in Christo non fuit aliquis timor.

Sed contra est, quod dicitur Marc., XIV: «Cœpit Jesus pavere et tædere. »

timent peut provenir, en second lieu, de l'incertitude d'un événement ou d'un accident futur; ainsi, par exemple, lorsque pendant la nuit nous entendons un bruit dont nous ignorons la cause et qui nous inspire de la frayeur. On ne sauroit admettre que le Christ ait éprouvé une crainte de cette nature, comme le dit saint Jean Damascène, De fide Orthod., III, 23.

Je réponds aux arguments: 1° Quand il nous est dit que le juste est sans crainte, nous devons entendre par là qu'il n'éprouve pas cette crainte qui a pour effet de troubler la raison de l'homme. Une telle passion ne fut pas dans le Christ, il n'éprouva la crainte que comme propassion; et voilà pourquoi le soin que l'Evangeliste met à dire : « Il commença à éprouver la frayeur et l'ennui. » C'est également là ce que remarque saint Jérôme sur ce passage (1).

2o Saint Hilaire exclut la crainte de l'ame du Christ, dans le même sens qu'il en exclut la tristesse, c'est-à-dire quant à la nécessité de subir une telle passion. Mais, dans la pensée de ce Docteur, le Christ se soumit volontairement à la crainte, tout comme à la tristesse, pour montrer qu'il avoit réellement pris la nature humaine.

3o Il est vrai que le Christ auroit pu par sa puissance divine éviter les maux futurs; mais ils étoient inévitables, ou à peu près, eu égard à l'infirmité de la chair.

tel que l'entend et que l'expose notre saint docteur, ne peut que l'ennoblir et l'accroftre. L'appétit sensitif redoute le mal, preuve que l'intelligence le comprend et le mesure. Or n'y a-t-il pas un plus grand mérite, nous le demandons, à braver un mal connu, un mal redouté autant que redoutable, à l'accepter délibérément et généreusement, qu'il n'y en auroit à s'y précipiter en aveugle ? Le véritable héros n'est-il pas celui qui joint un coup d'œil pénétrant à une résolution inébranlable? Oui, le Christ, modèle accompli de tous les genres de grandeurs morales, a éprouvé la crainte de la souffrance et de la mort; et il a souffert, et il est mort pour nous. L'exemple qu'il a donné aux martyrs est donc aussi réel que sublime.

(1) Il commença à éprouver la frayeur; mais sa frayeur fut limitée à ce commencement. Elle se déchaîna sur la partie sensible, elle brisa en quelque sorte l'organisme corporel ; mais elle n'atteignit pas la raison, il ne lui fut pas donné de passer jusqu'à l'ame.

considerari secundùm incertitudinem futuri | dùm propassionem,» ut Hieronymus exponit. eventus; sicut quando nocte timemus ex aliquo sonitu, quasi ignorantes quid hoc sic. Et quantum ad hoc timor non fuit in Christo, ut Damascenus dicit III. lib.

Ad secundum dicendum, quòd Hilarius eo modo à Christo excludit timorem, quo excludit tristitiam, scilicet quoad necessitatem timendi. Sed tamen ad comprobandam veritatem humanæ naturæ, voluntariè timorem assumpsit, sicut etiam et tristitiam.

Ad primum ergo dicendum, quòd justus dicitur esse absque terrore, secundùm quòd terror importat perfectam passionem avertentem Ad tertium dicendum, quòd licèt Christus hominem ab eo quod est rationis; et sic timor potuerit vitare mala futura secundùm virtutem non fuit in Christo, sed solùm secundùm pro- divinitatis, erant tamen inevitabilia, vel non passionem. Et ideo dicitur quòd Christus de facili evitabilia, secundùm infirmitatem car« cœpit tædere et pavere, » quasi « secun- | nis.

ARTICLE VIII.

Le Christ a-t-il éprouvé l'admiration ?

Il paroît que le Christ n'a pas éprouvé un semblable sentiment. 1o La Philosophe dit, Metaph., I, 2: « L'admiration est produite en nous par la vue d'un effet dont nous ignorons la cause ; » d'où il suit que l'admiration implique ignorance. Or il n'y eut pas d'ignorance dans le Christ, on l'a vu, art. 3. Donc il n'y eut pas non plus en lui d'admiration.

2o Saint Jean Damascène dit, De fide Orth., II, 15: « L'admiration est une sorte de crainte provenant d'une imagination frappée. » Et voilà pourquoi sans doute le Philosophe avoit dit Ethic., IV, 8 : « L'homme magnanime n'éprouve pas d'admiration. » Or le Christ fut éminemment magnanime. Donc il n'y eut en lui aucune admiration.

3o On n'admire pas une chose qu'on peut faire soi-même. Or le Christ peut faire ce qu'il y a de plus grand dans les choses. Donc il paroît qu'il ne doit rien admirer.

Mais nous voyons le contraire dans l'Evangile, Matth., VIII, 10, au sujet des paroles du Centurion : « Jésus les entendant en fut dans l'admiration. »

(CONCLUSION. Comme rien ne pouvoit être nouveau pour le Christ, à raison de sa science infuse et divine, il ne pouvoit admirer une chose qu'en vertu de sa science expérimentale.)

L'admiration proprement dite provient d'une chose insolite et nouvelle. Or pour le Christ il ne pouvoit y rien avoir d'insolite et de nouveau, eu égard à sa science divine, par laquelle il connoissoit tout dans le Verbe, ni même eu égard à la science humaine qu'il possédoit par les espèces infuses. Mais une chose pouvoit être insolite et nouvelle pour sa science

ARTICULUS VIII.

Utrùm in Christo fuerit admiratio. Ad octavum sic proceditur (1). Videtur quòd in Christo non fuerit admiratio. Dicit enim Philosophus in I. Metaphys., quòd «admiratio causatur ex hoc quòd aliquis videt effectum et ignorat causam ; » et sic admirari non est nisi ignorantis. Sed in Christo non fuit ignorantia, ut dictum est (art. 3). Ergo in Christo non fuit admiratio.

2. Præterea, Damascenus dicit in II. lib. (cap. 15), quòd « admiratio est timor ex magna imaginatione. » Et ideo Philosophus dicit in IV. Ethic., quòd « magnanimus non est admirativus. » Sed Christus fuit maximè magnanimus. Ergo in Christo non fuit admiratio.

3. Præterea, nullus admiratur de eo quod ipse facere potest. Sed Christus facere poterat quidquid magnum erat in rebus. Ergo videtur quòd de nullo admirabatur.

Sed contra est, quod dicitur Matth., VIII: « Audiens Jesus (scilicet verba Centurionis), miratus est. >>

(CONCLUSIO.Cùm Christo secundùm divinam et infusam scientiam, nihil novum fuerit, non potuit in illo aliqua admiratio esse nisi secundùm scientiam experimentalem.)

Respondeo dicendum, quòd admiratio proprie est de aliquo novo et insolito. In Christo autem non poterat esse aliquid novum et insolitum, in quantum ad scientiam divinam, qua cognoscebat res in Verbo, neque etiam quantum ad scientiam humanam, qua cognoscebat res per

(1) De his etiam Contra Gent., lib., cap. 33, fin.; et Matth., VII, col. 3, fin.

expérimentale, à laquelle chaque jour pouvoit présenter une expérience nouvelle. Si nous considérons donc en lui la science divine, la vision béatifique, ou même la science infuse, nous devons reconnoître que sous ce rapport il ne pouvoit pas éprouver le sentiment de l'admiration ; mais il en est autrement si nous considérons en lui la science expérimentale. Si le Christ a voulu éprouver un tel sentiment, c'est afin de nous instruire par son exemple, en nous apprenant à admirer ce qu'il a lui-même admiré. Voilà ce qui fait dire à saint Augustin, réfutant les erreurs des Manichéens, Super Genes., I: « En éprouvant le sentiment de l'admiration, le Seigneur nous apprend à admirer, car de telles émotions nous sont encore nécessaires. Ce ne sont donc pas chez lui les marques d'un esprit agité, mais les sages leçons d'un maître (1). »

Je réponds aux arguments: 1° Il n'étoit rien sans doute que le Christ ignorât; mais une chose nouvelle pouvoit s'offrir à sa science expérimentale, et produire en lui le sentiment de l'admiration.

2o Si le Christ admire la foi du Centurion, ce n'est pas précisément parce que la grandeur de cette foi l'étonne lui-même, c'est parce qu'elle lui paroît grande relativement aux autres hommes.

3o Le Christ pouvoit accomplir toutes choses par sa vertu divine, cela est vrai; mais aussi n'avons-nous pas admis en lui l'admiration sous ce rapport, nous ne lui avons attribué ce sentiment que sous le rapport de sa science expérimentale.

(1) Admirable leçon que celle-là, l'une des plus grandes assurément qu'un Dieu fait homme pût donner à ceux dont il avait daigné devenir le frère. L'absence de toute admiration est le signe à peu près certain d'une ame basse ou d'un esprit borné. Malheur à celui qui ne sait pas éprouver l'admiration! Ce noble sentiment est presque toujours remplacé par celui de la jalousie, par une critique inintelligente et systématique, par le dénigrement de tout bien, et aussi par le supplice continuel d'un cœur tourmenté par le succès des autres. Mais de toutes les leçons données par le divin Maître, ne pourroit-on pas dire aussi que celle de l'admiration est la moins comprise et la plus négligée?

Ad primum ergo dicendum, quòd licèt Christus nihil ignoraret, poterat tamen aliquid de novo occurrere experimentali ejus scientiæ, ex quo admiratio causaretur.

species inditas. Potuit tamen aliquid esse sibi | tales motus ejus non perturbati animi signa novum et insolitum secundùm scientiam expe- sunt, sed docentis magistri. » rimentalem, secundùm quam ei poterant quotidie aliqua nova occurrere. Et ideo, si loquamur de ipso quantum ad scientiam divinam et scientiam beatam vel etiam infusam, non fuit in Christo admiratio. Si autem loquamur de eo quantum ad scientiam experimentalem, sic admiratio in eo esse potuit. Et assumpsit hunc affectum ad nostram instructionem, ut scilicet doceat esse mirandum, quod etiam ipse mirabatur. Unde dicit Augustinus in I. Super Genes., contra Manich. : « Quòd mirabatur Dominus, uobis mirandum esse significat, quibus adhuc opus est sic moveri. Omnes ergo

Ad secundum dicendum, quòd Christus non admirabatur de fide Centurionis, eâ ratione quòd esset magna quantum ad ipsum, sed quia erat magna quantum ad alios.

Ad tertium dicendum, quòd ipse poterat facere omnia secundùm virtutem divinam, secundùm quam in eo admiratio non erat, sed solùm secundùm humanam scientiam experimentalem, ut dictum est.

« PoprzedniaDalej »