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même de celui qui en est l'objet. Ce qui fait dire au Philosophe, De part. animal., I, 5 : « Nos théories sont plus foibles, sans doute, concernant ces nobles et divines substances; mais, bien que ce que nous en connoissons soit peu de chose, l'élévation même de cette connoissance nous procure un plaisir plus grand que tous les autres objets qu'elle pourroit embrasser. » C'est dans le même sens que saint Grégoire disoit : « La vie contemplative est accompagnée d'une grande douceur; elle ravit l'ame au-dessus d'elle-même, lui ouvre la demeure céleste, et présente à ses yeux les biens spirituels. »

4o A la suite de sa vision, le patriarche boitoit, parce que « quand vient à s'affoiblir l'amour des choses terrestres, l'homme doit nécessairement devenir plus fort dans l'amour des choses de Dieu, » comme le remarque saint Grégoire. Et le saint docteur développe ainsi la même pensée « Quand une fois nous avons connu la suavité de Dieu, il ne nous reste plus qu'un pied ferme et sain, l'autre est foible et traînant; et lorsqu'un homme est atteint d'une semblable infirmité, il ne s'appuie que sur le pied sain qui lui reste (1). »

ARTICLE VIII.

La vie contemplative doit-elle durer?

Il paroît que la vie contemplative ne doit pas durer. 1° La vie contemplative consiste essentiellement, a-t-il été dit, dans les choses de l'intellect. Or toutes les perfections intellectuelles que nous possédons icibas s'évanouiront un jour, comme le dit l'Apôtre, I Corinth., XIII, « Les prophéties disparoîtront, les langues cesseront, la science sera détruite. » Donc la vie contemplative doit cesser, elle aussi.

(1) Cette explication morale de l'Ecriture se trouve plus amplement développée par saint Grégoire; elle offre en avançant un caractère de précision et de netteté qui justifie pleinement,

Philosophus dicit in I. De partibus anima- | lium (cap. 5): « Accidit circa illas honorabiles existentes et divinas substantias, minores nobis existere theorias; sed etsi secundùm modicum attingamus eas, tamen propter honorabilitatem cognoscendi, delectabilius aliquid habent quàm quæ apud nos omnia. » Et hoc est etiam quod Gregorius dicit super Ezech. (ubi suprà): « Contemplativa vita amabilis valdè dulcedo est, quæ super semetipsam animam rapit, cœlestia aperit, spiritualia mentis oculis patefacit. »

Ad quartum dicendum, quòd Jacob post contemplationem uno pede claudicabat, quia « necesse est ut debilitato amore sæculi convalescat aliquis ad amorem Dei,» ut Gregorius dicit super Ezech. (ubi suprà). Et ideo « post agni

tionem suavitatis Dei, unus in nobis pes sanus remanet, atque alius claudicat; omnis enim qui uno pede claudicat, solùm illi pedi innititur quem sanum habet » (ut subjungit).

ARTICULUS VIII.

Utrùm vita contemplativa sit diuturna.

Ad octavum sic proceditur. Videtur quòd vita contemplativa non sit diuturna. Vita enim contemplativa essentialiter consistit in his quæ ad intellectum pertinent. Sed omnes intellectivæ perfectiones hujus vitæ evacuabuntur, secundùm illud I. ad Cor., XIII: « Sive prophetiæ evacuabuntur, sive linguæ cessabunt, sive scientia destruetur. » Ergo vita contemplativa evacua tur.

2° Ce n'est qu'en passant et comme à la dérobée que l'homme goûte les douceurs de la contemplation; d'où vient que saint Augustin dit à Dieu, Confess., X, 40: « Vous versez au-dedans de moi une affection inusitée et surabondante, accompagnée d'une inénarrable douceur; puis je retombe sur les choses de la terre par le poids de mes infirmités. » Et saint Grégoire, Moral., V, 23, expliquant cette parole de Job, IV: « Quand l'Esprit passoit devant moi...,» s'exprime ainsi : « L'ame n'est pas longtemps fixée dans la suavité de la contemplation intime; elle retombe bientôt sur elle-même, comme frappée par l'immensité de la lumière divine. » Donc la vie contemplative n'est pas durable.

3o Ce qui ne rentre pas dans la nature de l'homme ne sauroit longtemps subsister. Or la vie contemplative renferme une bonté qui l'élève au-dessus de l'homme, comme on peut le conclure de ce que dit le Philosophe lui-même, Ethic., X, 7. Donc il paroît que la vie contemplative ne doit pas durer.

Mais le contraire résulte de ces paroles du Sauveur, Luc., X, 43 . « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point ravie; car, comme le dit saint Grégoire, « la vie contemplative commence ici-bas pour recevoir sa perfection dans la céleste patrie. >>

(CONCLUSION. La vie contemplative, considérée non-seulement en elle-même, mais encore en nous, peut toujours durer.)

Quand on dit qu'une chose est durable, cela peut être entendu de deux manières par rapport à sa nature et par rapport à nous. Or, considérée en elle-même ou dans sa nature, la vie contemplative doit évidemment subsister; et cela pour deux raisons d'abord, parce qu'elle a pour objet tout en la rendant plus intelligible, une pensée qu'il suffisoit d'indiquer ici pour répondre à l'objection qu'on eût cru pouvoir en tirer contre la thèse actuelle.

Sed contra est, quod Dominus dicit, Luc., X: « Maria optimam partem elegit, quæ non auferetur ab ea; » quia, ut Gregorius dicit super Ezech. (Homil. XIV, sicut suprà), « contemplativa hic incipitur ut in cœlesti patria perficiatur. »

2. Præterea, dulcedinem contemplationis ali- | Ethic. Ergo videtur quòd vita contemplativa quis homo raptim et pertranseundo degustat; non sit diuturna. unde Augustinus dicit in X. Confes. (cap. 40): << Intromittis me in affectum multùm inusitatum introrsus, ad nescio quam dulcedinem; sed recido in hæc ærumnosis ponderibus. » Gregorius etiam in V. Moral. (cap. 24), exponens illud Job, IV: « Cùm spiritus me præsente transiret, » dicit : « In suavitate contemplationis intimæ non diu mens figitur, quia ad semetipsam ipsa immensitate luminis reverberata, revocatur. » Ergo vita contemplativa non est diuturna.

3. Præterea, illud quod non est homini connaturale, non potest esse diuturnum. Vita autem contemplativa est «inelior quàm secundùm hominem (4),» ut Philosophus dicit in X.

(CONCLUSIO. - Vita contemplativa non tantùm secundùm se, sed quantum ad nos, diuturnitatem habere potest.)

Respondeo dicendum, quòd aliquid potest dici diuturnum dupliciter: uno modo secundùm suam naturam, alio modo quoad nos. Secundùm se quidem manifestum est quòd vita contemplativa diuturna est dupliciter uno modo, eo quòd versatur circa incorruptibilia et immobilia;

(1) Id est melior quàm homini prout homo est, conveniat, ex græca phrasi xpɛíntwv ↑ κατ' ἄνθρωπον,

des choses incorruptibles et immuables; puis, parce qu'elle n'admet pas d'éléments contraires; « à la délectation qui naît de la considération, rien n'est opposé, » Topic., I. Mais même par rapport à nous, la vie contemplative doit également subsister, soit parce qu'elle réside dans la partie incorruptible de notre ame, c'est-à-dire dans l'intellect, ce qui nous montre qu'elle peut durer après la vie présente; soit parce que les actions du corps ne contribuent en rien aux œuvres de la vie contemplative, ce qui fait que nous pouvons mieux persister dans ces dernières d'une manière continue, comme nous l'induisons de ce que dit le Philosophe, Ethic., X (1).

Je réponds aux arguments: 1 Le mode de contemplation n'est pas le même ici-bas et dans la patrie. Nous disons malgré cela que la vie contemplative doit subsister à raison de la charité, qui en est le principe et la fin. C'est une pensée que nous avons déjà lue dans saint Grégoire : « La vie contemplative commence ici-bas, et trouvera sa perfection dans la céleste patrie; » et le saint Docteur ajoute: « Car le feu du saint amour, qui commence à brûler dans cette vie, s'enflamme de plus en plus, par l'essence même de l'amour, une fois qu'il est en présence de l'objet aimé. »

2o A la vérité, une action ne sauroit longtemps durer, à son point extrême; et le point extrême, ou le point le plus élevé de la contemplation consiste, ainsi que nous l'avons déjà vu dans saint Denis, à revêtir la forme même de la contemplation divine. Sous ce rapport donc, la contemplation ne sauroit longtemps durer (2). Mais cela ne l'empêche pas

(1) Il n'en est pas de nos puissances intellectuelles, a dit ailleurs saint Thomas, comme des facultés qui tiennent à nos organes physiques. Celles-ci s'usent et s'altèrent par leur exercice même; elles sont quelquefois entièrement paralysées, quand la puissance de l'organe n'égale pas celle de son objet; ainsi la vue peut être détruite par une lumière trop vive ou trop abondante. L'intellect se perfectione, au contraire, et se fortifie par la grandeur ou la beauté de l'objet qu'il considère. Il semble trouver un aliment dans la lumière même de la vérité. Plus elle grandit, plus il se dilate. Il a été fait capable de percevoir l'infini. C'est même là qu'il trouve uniquement son repos et sa félicité suprême.

(2) Evidemment l'auteur parle ici de l'intellect humain considéré dans les conditions de la vie présente. Dans le ciel la lumière même de Dieu lui viendra en aide pour qu'il puisse

Et hoc est quod Gregorius dicit super Ezech. (ut suprà): «Contemplativa hic incipitur ut in cœlesti patria perficiatur, quia amoris ignis qui hic ardere inchoat, cùm ipsum quem amat viderit, in amore ipsius ampliùs ignescit. >>

alio modo, quia non habet contrarietatem : | Sedvita contemplativa dicitur manere ratione << delectationi enim quæ est in considerando charitatis, in qua habet et principium et finem. nibil est contrarium, » ut dicitur in I. Topic. Sed quoad nos etiam vita contemplativa diuturna est, tum quia competit nobis secundùm actionem incorruptibilis partis animæ, scilicet secundùm intellectum, unde potest post hanc vitam durare; tum etiam quia in operibus contemplativæ corporaliter non laboramus, unde magis in hujusmodi operibus continuè persistere possumus, sicut Philosophus dicit in X. Ethic. Ad primum ergo dicendum, quòd modus contemplandi non est idem hic et in patria.

Ad secundum dicendum, quòd nulla actio potest diu durare in sui summo. Summum autem contemplationis est ut attingat ad uniformitatem divinæ contemplationis, ut dicit Dionysius sicut suprà positum est. Unde, etsi quantum ad hoc contemplatio diu durare non

d'être réellement durable quant à tous les autres actes qui la constituent.

3o Le Philosophe dit que la vie contemplative est quelque chose de supérieur à l'homme, par la raison que nous ne pourrions la posséder si nous n'avions en nous quelque chose de divin, à savoir l'intellect, lequel étant de soi incorruptible et impassible, peut dès-lors avoir une action plus durable.

QUESTION CLXXXI.

De la vie active.

Après avoir parlé de la vie contemplative, nous avons à traiter spécialement de la vie active.

Il y a quatre choses à demander sur ce sujet : 1° Toutes les œuvres des vertus morales appartiennent-elles à la vie active? 2o La prudence appartient-elle à la vie active? 3o La doctrine rentre-t-elle dans cette même vie? 4 Combien de temps la vie active doit-elle durer?

ARTICLE I.

Tous les actes des vertus morales appartiennent-ils à la vie active?

11 paroît que tous les actes des vertus morales n'appartiennent pas à la vie active. 1o La vie active semble consister uniquement dans les choses qui nous mettent en rapport avec les autres; car saint Grégoire dit dans éternellement contempler cette même lumière, selon cette parole du prophète royal : « In lumine tuo videbimus lumen, » Psalm. XXXV, 10: Ici-bas il n'aperçoit cette divine clarté, que par une faveur spéciale de la grace et un généreux effort de la volonté, deux choses essentiellement passagères; et encore n'en jouit-il jamais d'une manière directe et complète.

tamen quantum ad alios contemplationis actus, potest diu durare.

Ad tertium dicendum, quòd Philosophus dicit vitam contemplativam esse supra hominem,

quia competit nobis secundùm hoc quòd aliquid divinum est in nobis, scilicet intellectus, qui est incorruptibilis et impassibilis in se, et ideo actio ejus potest esse diuturnior.

QUSETIO CLXXXI.

De vila activa, in quatuor articulos divisa.

Deinde considerandum est de victa activa.
Et circa hoc quæruntur quatuor: 1o Utrùm

ARTICULUS I.

omnia opera virtutum moralium pertineant ad Utrum omnes actus virtutum moralium per

vitam activam. 20 Utrùm prudentia pertineat ad vitam activam. 3o Utrùm doctrina pertineat ad vitam activam. 40 De diuturnitate vitæ activa.

tineunt ad vitam activam.

Ad primum sic proceditur. Videtur quòd non omnes actus virtutum moralium pertineant ad vitam activam. Vita enim activa videtur consistere solùm in his quæ sunt ad alterum; dicit

l'homélie tant de fois citée : « Donner du pain à celui qui a faim, c'est de la vie active ; » et sur la fin, après avoir énuméré bien des choses qui regardent le prochain, il ajoute : « En un mot, donner à chacun ce qui lui est nécessaire ou utile. » Or tous les actes des vertus morales n'ont pas pour objet nos rapports avec le prochain; c'est la justice seule et les vertus subordonnées à celle-là qui ont un tel objet, comme il a été démontré, quest. LI, art. 2, et antérieurement, I, II, quest. LX, art. 2 et 3. Donc tous les actes des vertus morales n'appartiennent pas à la vie active. 2o Saint Grégoire dit : « Lia, qui étoit chassieuse, mais féconde, symbolise la vie active, laquelle étant occupée aux œuvres extérieures, a le regard de l'ame moins pénétrant ; mais, tantôt par la parole et tantôt par l'exemple, provoquant les autres à l'imiter, elle engendre de nombreux enfants par ses bonnes œuvres. » Or c'est là une chose qui semble appartenir à la charité, par laquelle nous aimons le prochain, plutôt qu'aux vertus morales. Donc il paroît que les actes de ces dernières vertus n'appartiennent pas à la vie active.

3o Comme il a été dit dans la dernière question, les vertus morales disposent l'homme à la vie contemplative. Or la disposition et la perfection doivent avoir le même objet. Donc il paroît que les vertus morales n'appartiennent pas à la vie active.

Mais saint Isidore dit ainsi le contraire, De sum. bono, III, 15 : « Il faut d'abord, par les exercices de la vie active et la pratique des bonnes œuvres, chasser de son cœur tous les vices, afin de pouvoir ensuite passer à la vie contemplative et y contempler d'un œil pur et serein la lumière divine. » Or, les vices ne sont entièrement chassés que par les actes des vertus morales. Donc ces vertus appartiennent à la vie active. (CONCLUSION. Les vertus morales appartiennent essentiellement à la vie active.)

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enim Gregorius super Ezech. (Homil. XIV), quòd « activa vita est, panem esurienti tribuere. » Et in fine, multis enumeratis quæ ad alterum pertinent, subdit : « Et quæ singulis quibusque expediunt dispensare. » Sed non per omnes actus virtutum moralium ordinamur ad alios, sed solùm secundùm justitiam et partes ejus, ut ex suprà dictis patet (qu. 51, art. 2, ut et 1, 2, qu. 60, art. 2 et 3). Non ergo actus omnium virtutum moralium pertinent ad vitam activam.

2. Præterea, Gregorius dicit super Ezech. (ubi suprà), quòd « per Liam, quæ fuit lippa, sed fœcunda, significatur vita activa, quæ dum occupatur in opere, minùs videt; sed dum, modò per verbum, modò per exemplum, ad imitationem suam proximos accendit, multos in bono opere filios generat. » Hoc autem magis videtur pertinere ad charitatem, per quam dili

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gimus proximum, quàm ad virtutes morales. Ergo videtur quòd actus virtutum moralium non pertineant ad vitam activam.

3. Præterea, sicut suprà dictum est (qu. 180, art. 2), virtutes morales disponunt ad vitam contemplativam. Sed dispositio et perfectio pertinent ad idem. Ergo videtur quòd virtutes morales non pertinent ad vitam activam.

Sed contra est, quod Isidorus dicit in lib. De summo bono : « In activa vita priùs per exercitium boni operis cuncta exhaurienda sunt vitia, ut in contemplativa jam pura mentis acie ad contemplandum divinum lumen quisque pertranseat. » Sed cuncta vitia non exhauriuntur nisi per actus virtutum moralium. Ergo actus virtutum moralium ad vitam activam pertinent.

(CONCLUSIO. Virtutes morales ad vitam activam essentialiter pertinent.)

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