Obrazy na stronie
PDF
ePub

La première considération se résout en ces deux questions: 1° Est-il convenable de diviser la vie en vie active et vie contemplative? 2o Cette division est-elle suffisante?

ARTICLE I.

Est-il convenable de diviser la vie en vie active et vie contemplative?

Il paroît qu'il n'est pas convenable de diviser la vie en vie active et vie contemplative. 1o L'ame est le principe de la vie par son essence même; car le Philosophe dit, De anima, II, 37: « Pour les êtres vivants, la vie c'est l'être même. » De plus, l'ame par ses puissances est le principe et de l'action et de la contemplation. Donc la vie ne sauroit être convenablement divisée en vie active et vie contemplative.

2o Ce qui est antérieur à une chose ne peut convenablement être diessentielles, exposition renfermée, comme on s'en souvient, dans la première partie de la seconde, notre saint auteur a développé, dans la seconde partie de la seconde, tous les préceptes sans exception qui découlent de ces grands principes. Nous l'avons vu là déployer une patience d'investigations, une science de détails qui n'ont d'égales que l'élévation de ses vues et la sûreté de sa méthode. Les devoirs de la vie humaine et les prescriptions de la loi divine ont quelque chose de si multiple et de si varié, qu'on demeure au premier abord comme effrayé de leur complication et de leur multitude. L'ordre s'est fait de toutes parts, cet ordre qui profuit la lumière, Lucidus ordo. Rien n'a échappé au vaste et profond regard du théologien, tout a eu son rang et sa place.

Il eut semblé que son travail, comme moraliste, ne devoit pas aller plus loin. Mais la révélation lui ouvroit d'autres perspectives, lui présentoit un autre domaine à parcourir. Il est des états surnaturels où le chrétien peut être élevé, soit en récompense de sa sainteté, soit pour le bien et le triomphe de l'Eglise. C'est ce qui a été l'objet des six dernières questions traitées par saint Thomas. Dans ces matières difficiles et ardues, où l'on rencontre partout le mystère, où la foi doit avoir la plus large part, nous avons pu néanmoins nous convaincre que sa puissante raison ne l'avoit jamais abandonné, que ces hautes régions ne sont pas toutà-fait inaccessibles au coup d'œil pénétrant d'une saine logique. Non content de nous montrer, par l'Ecriture et les Pères, ce qu'il y a d'infailliblement vrai dans ces états supérieurs à la nature, le sublime métaphysicien nous a laissé suffisamment entrevoir ce qu'il y a de profondément rationnel, pour que nous puissions juger à quel point est étroite et futile la science qui prétend tout expliquer par des causes purement physiologiques ou même tout simple ment pathologiques. Ces gens-là qui prétendent explorer le monde spirituel avec leurs raisonnements terre à terre, nous font l'effet de ce grave astronome qui s'armoit d'une lanterne pour mieux étudier les merveilles des cieux et le mouvement des astres.

Une fois entré dans cette sphère supérieure où se déploie la mystérieuse activité de certaines ames d'élite, le docteur angélique va considérer cette nouvelle vie sous ses rapports les plus importants et les plus instructifs. C'est à cela que tendent d'une manière spéciale les quatre questions qu'il vient d'annoncer. Ce point de vue reparoîtra constamment dans les questions suivantes, sur les caractères et les devoirs des différents états, en particulier sur

Et circa primum quæruntur duo: 1o Utrum ] contemplativam. Anima enim est principium vita convenienter dividatur per activam et con- vitæ per suam essentiam; dicit enim Philosotemplativam. 2o Utrùm hæc divisio sit sufficiens. phus, in II. De anima (text. 37). quòd << vivere viventibus est esse: » Actionis autem et contemplationis principium est anima per suas potentias. Ergo videtur quòd vita non convenienter dividatur per activam et contemplativam.

ARTICULUS I.

Utrùm vita convenienter dividatur per
activam et contemplativam.
rimum sic proceditur. Videtur quòd
nienter dividatur per activam et

[ocr errors]

2. Præterea, inconvenienter dividitur prius

visé par les différences propres à cette chose. Or, actif et contemplatif, ou bien spéculatif ou pratique, expriment des différences propres à l'intellect, comme on le voit, De anima, III, 46 et 49 (1). Mais la vie est antérieure à l'intelligence; car la vie s'attache d'abord à l'ame végétative, comme on le voit encore, ibid., II, 34 et 59. C'est donc à tort que la vie est divisée en vie active et vie contemplative.

3o Le nom de vie implique l'idée de mouvement, comme le montre saint Denis, De Divin. Nom., cap. 4. Or, la contemplation consiste plutôt dans le repos, selon cette parole, Sapient., VIII, 16 : « Entrant dans ma demeure, j'y trouverai le repos avec elle. » C'est donc à tort qu'on divise la vie en vie active et vie contemplative.

Mais saint Grégoire dit formellement, Super Ezech., homil. XIV : « Il y a deux sortes de vie, auxquelles le Dieu tout-puissant nous forme par sa parole sacrée, la vie active et la vie contemplative. »

(CONCLUSION.La vie humaine, celle qui correspond à tous les désirs de notre cœur, se distingue en vie active et vie contemplative.)

On appelle vivants, à proprement parler, les êtres qui se meuvent et agissent d'eux-mêmes. D'un autre côté, ce qui convient le plus essentiellement à un être, c'est assurément ce qui lui est propre, ce à quoi il est le plus fortement incliné. D'où il suit que tout être vivant manifeste surtout sa vie par l'opération qui lui appartient le plus en propre et pour lal'état des évêques et celui des religieux. Le mysticisme chrétien se rattache par des liens nécessaires à la théologie dogmatique et morale; il en est la dernière expression et le splendide couronnement. Tous les grands théologiens ont été de profonds mystiques. Il suffit de nommer, dans toute la suite des siècies, saint Clément d'Alexandrie, Origène, saint Basile, saint Augustin, saint Bernard, saint Anselme, Bellarmin et Bossuet. Les doctrines exposées et mises en œuvre par ces illustres génies, nous les trouvons en substance dans notre saint docteur; et nous y voyons en outre, mieux établis que dans aucun de leurs travaux, les fondements scientifiques de ces doctrines et leur liaison avec les autres parties de la science théologique, ou plutôt leur place dans l'ensemble de la théologie.

(1) Et comme l'auteur lui-même l'a démontré, d'après le stagyrite, en traitant de l'intellect humain, dans ce qu'on pourroit appeler la partie philosophique de la Somme, à laquelle il est constamment nécessaire de revenir, ainsi que nous avons soin de le rappeler quelquefois, pour comprendre les développements donnés dans les autres parties du même ouvrage.

Sed contra est, quòd Gregorius super Ezech. dicit (hom. 14:) « Duæ sunt vitæ, in quibus nos omnipotens Deus per sacrum eloquium erudit, activa videlicet et contemplativa.

[ocr errors]

per differentias posterioris. Activum autem et | videtur quòd vita non convenienter dividatar contemplativum, sive speculativum et pra- per activam et contemplativam. cticum, sunt differentiæ intellectus, ut patet in tertio De Anima (text. 46 et 49). Vivere autem est prius quam intelligere; nam vivere inest viventibus primò secundum animam vegeLabilem, ut patet per Philosophum in II. de Anima (text. 34 et 59.) Ergo inconvenienter dividitur vita per activam et contemplativam. 3. Præterea, nomen vitæ importat motum, ut patet per Dionysium IV. cap. De divin. Nomin. Sed contemplatio consistit magis in quiete, secundum illud Sap., VIII: « Intrans in domum meam conquiescam cum illa. » Ergo

(CONCLUSIO Vita hominis, qua omine humanum continetur studium, distinguitur in activam et contemplativam.)

Respondeo dicendum, quòd illa propriè dicuntur viventia quæ ex seipsis moventur seu operantur. Hlud autem maximè convenit alicui per seipsum, quod est proprium ei, et ad quod maximè inclinatur. Et ideo unumquodque

quelle il a l'inclination la plus grande : ainsi, la vie des plantes consiste éminemment dans la propriété qu'elles ont de se nourrir et de se reproduire; celle des animaux, dans la propriété de sentir et de se mouvoir; telle des hommes enfin, dans la faculté de connoître et d'agir conformément aux lumières de la raison. Il suit de là ultérieurement que dans chaque homme la vie semble consister surtout en ce qui lui procure le plus de bonheur, qui concentre le plus ses pensées et ses désirs, et que l'on voudroit principalement partager avec un ami dans une vie com mune, comme le dit Aristote, Ethic., IX, 9. Par conséquent, comme parmi les hommes les uns se portent de préférence vers la contemplation de la vérité, et les autres vers les actions extérieures, il est juste et convenable que la vie humaine soit divisée en vie active et vie contemplative.

Je réponds aux arguments: 1° La forme propre de chaque vie étant ce qui la fait être un acte, doit aussi par là même être le principe de son opération. Voilà pourquoi la vie est regardée comme l'être même de tous les êtres qui la possèdent; et cela parce que l'opération et l'être ont en eux le même principe, qui est leur forme.

2o Ce n'est pas la vie considérée en général qui se divise en vie active et vie contemplative; c'est la vie de l'homme, lequel tire son espèce du principe intellectuel qu'il possède (1). Il ne faut donc pas s'étonner si une division qui s'applique à l'intellect convient aussi à la vie humaine.

3o La contemplation implique, en effet, un repos, celui qui résulte de l'absence des mouvements extérieurs. Mais la contemplation ellemême emporte l'idée d'un mouvement dans l'intellect, en ce sens que toute opération est appelée mouvement, selon les principes du Philo

(1) Ceci repose sur un principe ou axiome formulé par Aristote et fréquemment invoqué par saint Thomas: «Tout être se caractérise et se dénomme par ce qu'il y a de principal en lui, ou par ce qu'il renferme de plus élevé. » L'intellect est évidemment ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme.

ma uniuscujusque vitæ faciens ipsam esse in actu, est principium operationis propriè ipsius. Et ideo vivere dicunt esse viventium, ex eo quòd viventia per hoc quod habeut esse per suam formain tali modo operantur.

vivens ostenditur vivere ex operatione sibi | Ad primum ergo dicendum, quòd propria formaximè propria, ad quam maximè inclinatur: sicut plantarum vita dicitur in hoc consistere quòd nutriuntur et generant; animalium verò in hoc quòd sentiunt et moventur; hominum verò in hoc quòd intelligunt, et secundum rationem agunt. Unde etiam et in hominibus vita uniuscujusque hominis videtur esse id in quo maximè delectatur, et cui maximè intendit, et in quo præcipuè vult quilibet convivere amico, ut dicitur in IX. Ethic. (cap. 9 et ult.). Quia ergo quidam homines præcipuè intendunt contemplationi veritatis, quidam verò intendunt principaliter exterioribus actionibus, inde est quòd vita hominis convenienter dividitur per activam et contemplativam.

Ad secundum dicendum, quòd vita universaliter sumpta non dividitur per activam et contemplativam, sed vita hominis, qui speciem sortitur ex hoc quod habet intellectum. Et ideo eadem est divisio intellectus et vitæ humanæ.

Ad tertium dicendum, quòd contemplatio habet quidem quietem ab exterioribus motibus. Nihilominus tamen ipsum contemplari est quidam motus intellectus, prout quælibet operatio dicitur motus, secundum quod dicit Philoso

sophe, aux yeux de qui, « sentir et comprendre sont aussi des mouvements,» De anima, III, 28; le mouvement, dit-il ailleurs, est l'acte de l'être parfait. C'est pour cela que saint Denis, De Divin. Nom., IV, admet trois sortes de mouvements dans l'ame qui se livre à la contemplation, le mouvement en ligne droite, le mouvement circulaire, et le mouvement oblique (1).

ARTICLE II.

La division de la vie en vie active et vie contemplative est-elle suffisante?

Il paroît que cette division n'est pas suffisante. 1o Le Philosophe dit, Ethic., I, 3: «Il y a trois principales sortes de vie, celle du plaisir, celle des affaires civiles (qui paroît être la même que la vie active), et celle de la contemplation. » Donc la vie active et la vie contemplative n'embrassent pas tous les genres de vie, et cette division est insuffisante.

2o Saint Augustin, De Civit. Dei, XIX, 1, admet également trois genres de vie, qu'il distingue, l'un par le repos, et c'est ici la vie contemplative, l'autre par l'opération, ce qui caractérise évidemment la vie active, et l'autre qui réunit et combine ces deux choses. Donc la division de la vie en vie active et vie contemplative ne paroît pas suffisante.

3o La vie humaine doit être diversifiée suivant les diverses occupations auxquelles es hommes s'appliquent. Or, il y a plus de deux sortes d'occupations qui entraînent l'activité humaine. Donc la division de cette même vie doit comprendre un plus grand nombre de membres que ceux énoncés plus haut.

Mais ces deux sortes de vie sont représentées dans l'Ecriture par les

(1) Ce triple mouvement auquel l'aréopagite a recours pour expliquer et symboliser les divers exercices de la vie contemplative, a quelque chose d'insolite ou même de choquant, au premier abord. Mais saint Thomas va lui-même l'interpréter dans l'un des articles de la question suivante. Quand nous en aurons pénétré le sens, nous jugerons que rien n'est plus vrai ni plus naturel qu'un semblable langage; et puisque les conditions de notre vie présente rendent nécessaire le secours des images empruntées aux objets matériels pour retracer les phé

phus in III. De anima, (text. 28.) quòd | Insufficientur ergo videtur dividi vita per acti << sentire et intelligere sunt motus quidam, »> vam et contemplativam. prout motus dicitur actus perfecti. Et hoc modo Dionysius, IV. De Divinis Nom., ponit tres motus animæ contemplantis, scilicet rectum, circularem et obliquum.

ARTICULUS II.

2. Præterea, Augustinus XIX. de Civitate Dei, ponit tria vitæ genera, scilicet otiosum, quod pertinet ad contemplationem; actuosum, quod pertinet ad vitam activam; et addit tertium ex utroque compositum. Ergo videtur quòd insufficienter dividatur vita per activam et

Utrùm vita sufficienter dividatur per activam contemplativam. et contemplativam.

Ad secundum sic proceditur. Videtur quòd vita non sufficienter dividatur per activam et contemplativam. Philosophus enim in I. Ethic., dicit, quòd « tres sunt vitæ maximè excellentes, scilicet voluptuosa, civilis» (quæ videtur esse eadem activa) et « contemplativa. >>

3. Præterea, vita hominis diversificatur secundum quod homines diversis actionibus student. Sed plura quàm duo sunt humanarum ac tionum studia. Ergo videtur quòd vita debea in plura membra dividi quàm in activum e contemplativum.

Sed contra est, quòd istæ duæ vitæ signifi

deux femmes de Jacob: la vie active est représentée par Lia; la vie contemplative par Rachel. Elles sont encore symbolisées par les deux femmes qui donnèrent l'hospitalité au Seigneur : la vie contemplative par Marie; la vie active par Marthe. Telle est l'interprétation de saint Grégoire, Moral., VI, 27; et cette interprétation seroit fausse s'il falloit admettre plus de deux sortes de vie. Donc la division de la vie en vie active et vie contemplative est suffisante.

(CONCLUSION. La vie humaine, dont le caractère est éminemment déterminé par le travail de l'intelligence, se divise en vie active et vie con templative.)

Cette division de la vie humaine, comme nous venons de le dire dans l'article précédent, s'établit au point de vue de l'intellect. Or l'intellect est lui-même ou actif ou contemplatif; ou bien il a uniquement pour but la connoissance de la vérité, et c'est là l'intellect contemplatif; ou bien il dirige sa connoissance vers une action extérieure, et c'est alors l'intellect actif ou pratique. Nous voyons ainsi la raison pour laquelle cette division s'applique à la vie et la comprend tout entière.

Je réponds aux arguments: 1° La vie voluptueuse met sa fin dans le plaisir corporel, plaisir qui nous est commun avec les animaux, ce qui fait que le Philosophe l'appelle vie bestiale: elle ne pouvoit donc être comprise dans une division de la vie humaine, considérée au point de vue qui nous la montre ou comme active ou comme contemplative.

2o Les termes moyens se composent en quelque sorte des extrêmes, et s'y trouvent par là même virtuellement renfermés; ainsi le tiède n'est qu'un mélange de froid et de chaud, et une couleur terne n'est qu'une combinaison de blanc et de noir. Pareillement donc la vie active et la vie contemplative renferment virtuellement celle qui se compose de l'une et nomènes de l'ame, il nous paroîtra difficile assurément que les aspirations du mysticisme le plus élevé fussent mises avec plus de clarté à la portée de notre intelligence.

quod pertinet ad intellectum contemplativum, vel est aliqua exterior actio, quod pertinet ad intellectum. practicum sive activum. Et ideo vita etiam sufficienter dividitur per activam et contemplativam.

cantur per duas uxores Jacob: Activa quidem f væ cognitionis, vel est ipsa cognitio veritatis per Liam; Contemplativa verò per Rachelem. Et per duas mulieres quæ Dominum hospitio receperunt: Contemplativa quidem per Mariam; Activa verò per Martham, ut Gregorius dicit in VI. Moral. (cap. 27 vel 28). Non autem esset hæc congrua significatio, si essent plures quàm duæ vitæ. Ergo sufficienter dividitur vita per activam et contemplativam. (CONCLUSIO.- Vita humana, quæ in ope intellectus consummatur, in activam tantum et contemplativam dividitur.)

Respondeo dicendum, quòd sicut dictum est (art. 1, ad. 1.) divisio ist. datur de vita humana; quæ quidem attenditur secundum intellectum. Intellectus autera dividitur per acti

t contemplativum; quia finis intellecti

Ad primum ergo dicendum, quòd vita voluptuosa ponit finem in delectatione corporali, quæ communis est nobis et brutis; unde, sicut Philosophus ibidem dicit, est vita bestialis: propter quod non comprehenditur sub præsenti divisione, prout vita humana dividitur in activam et contemplativam.

Ad secundum dicendum, quòd media conficiuntur ex extremis, et ideo virtute continentur in eis; sicut tepidum in calido et frigide, et pallidum in albe et nigro. Et similiter sub

« PoprzedniaDalej »