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Nous appelons le Christ un homme univoquement, c'est-à-dire dans le même sens que les autres hommes, parce qu'il est de la même espèce, selon cette parole de saint Paul, Philip., II, 7 : « Il est devenu semblable aux hommes. » Or il est de l'essence de l'espèce humaine que l'ame soit unie au corps; car la forme ne constitue l'espèce qu'autant qu'elle devient l'acte de la matière (1), et c'est là le terme où aboutit la génération, au moyen de laquelle la nature tend à réaliser l'espèce. Il faut donc nécessairement dire que l'ame du Christ a été unie à son corps, et la doctrine contraire est hérétique, parce qu'elle déroge à la vérité de l'humanité du Christ.

Je réponds aux arguments: 1o La raison qui semble avoir déterminé ceux qui ont nié l'union de l'ame et du corps dans le Christ, c'est que, voyant dans les hommes ordinaires, l'union de l'ame avec le corps constituer une personne, ils ne vouloient par être contraints, en l'admettant, d'introduire dans le Christ une personne ou hypostase nouvelle. Mais cela a lieu dans les hommes ordinaires parce que l'ame et le corps s'unissent en eux de manière à exister par eux-mêmes, tandis que, dans le Christ, ils sont unis ensemble comme s'adjoignant à une autre substance plus excellente, et qui subsiste dans la nature composée résultant de leur union; en sorte que l'union de l'ame et du corps dans le Christ ne constitue pas une nouvelle hypostase ou personne; mais ce composé s'attache à une personne ou hypostase préexistante (2). Il ne suit nulle

(1) C'est pour cela que l'ame est la forme du corps, comme nous l'avons vu dans la première partie. Un être passe de la puissance à l'acte, avons-nous également vu dans notre saint auteur, quand la forme s'unit à la matière. Si donc l'ame du Christ n'étoit pas unie au corps pour l'informer et constituer ainsi l'espèce humaine, le Christ ne seroit pas véritablement homme; et la réalité de l'Incarnation nous échapperoit encore de ce côté. Il ne suffisoit donc pas d'établir que le Verbe, en s'incarnant, avoit pris une ame et un corps véritables; mais il falloit ajouter, pour compléter l'expression et la défense du dogme, que cette ame et ce corps étoient naturellement unis.

(2) Par conséquent, bien loin de détruire ou d'altérer même la nature humaine, en faisant

Respondeo dicendum, quòd Christus dicitur | tione moti videntur illi qui negaverunt uniohomo univocè cum aliis hominibus, utpote ejusdem speciei existens, secundum illud Apostoli, Philipp., II : « In similitudinem hominum factus. » Fertinet autem ad rationem speciei humanæ quòd anima corpori uniatur; non enim forma constituit speciem, nisi per hoc quòd sit actus materiæ. Et hoc est, ad quod generatio terminatur, per quam natura speciem intendit. Unde necesse est dicere quòd in Christo fuerit anima corpori unita, et contrarium est hæreticum, utpote derogans veritati humanitatis Christi.

nem animæ et corporis in Christo, ne per hoc scilicet cogerentur personam novam (1) vel hypsotasim in Christo inducere ; quia videbant quòd in puris hominibus ex unione animæ ad corpus constituitur persona. Sed hoc ideo in puris hominibus accidit, quia anima et corpus sic in eis conjunguntur ut per se existant; sed in Christo uniuntur ad invicem, ut adjuncta alteri principaliori, quod subsistit in natura ex eis composita; et propter hoc ex unione animæ et corporis in Christo non constituitur nova hypostasis seu persona, sed advenit ipsum conjunctum personæ seu hypostasi præexistenti.

Ad primum ergo dicendum, quòd ex hac raart. 1; dist. 7, qu. 1, art. 1; et lib. IV. Contra Gent., cap. 37 et 41; et Opusc., III, Cap. 225.

(í) id est aliam à divina.

ment de là que l'union de l'ame et du corps est moins efficace dans la Christ qu'en nous; car l'union d'une chose avec une autre plus noble n'enlève à la première ni sa puissance, ni sa noblesse, mais elle les augmente, au contraire: ainsi, l'ame sensitive constitue une espèce chez les animaux, parce qu'on la considère comme leur forme dernière; mais il n'en est pas de même chez les hommes, bien qu'en nous elle ait une puissance et une noblesse supérieure; et cela vient de ce qu'elle est unie à une perfection ultérieure d'un ordre plus élevé, qui est l'ame raisonnable, comme nous l'avons dit plus haut, art. 2.

2° On peut entendre de deux manières la parole de saint Jean Damascène. D'abord, elle peut se rapporter à la nature humaine, qui n'a pas, en effet, le caractère d'espèce commune, si on la prend dans un seul individu, mais seulement quand on l'abstrait de l'individu, comme on le fait en la considérant par une simple appréhension de l'intelligence, ou bien en tant qu'elle se trouve dans tous les individus. Or, le Fils de Dieu n'a pas pris la nature humaine, seulement telle qu'elle existe comme concept de l'intelligence, parce qu'alors il n'auroit pas pris la réalité de la nature humaine; à moins que l'on ne veuille dire que la nature humaine est une idée substantielle, comme l'entendoient les Platoniciens, qui ont forgé l'homme type, sans matière (1), Metaphys., text. 6, 25 et seqq. Mais, dans cette supposition, le Fils de Dieu n'auroit pas pris une chair, contrairement à ce qu'on lit dans l'Evangile, Luc., XXIV, 39: « Un esprit n'a ni chair, ni os, comme vous voyez que j'en ai. » On ne peut pas dire non plus que le Fils de Dieu a pris la nature humaine en tant qu'elle est dans tous les individus de la même espèce, parce que, dans ce cas, il se seroit uni tous les hommes. Il reste donc à conclure, comme disparoître sa personnalité, la personne divine la perfectionne et l'anuoblit au-delà de toute expression; elle la remplace d'une manière éminente. C'est ce que l'auteur va mettre encore dans un plus grand jour.

(1) C'est une opinion qui a été discutée par notre maître, soit dans sa théorie de l'origine

Nec propter hoc sequitur quòd sit minoris ef- | dum quòd est abstracta ab omni individuo, ficacia unio animæ et corporis in Christo, quam in nobis; quia ipsa conjunctio ad nobilius non adimit virtutem aut dignitatem, sed auget sicut anima sensitiva in animalibus constituit speciem, quia consideratur ut ultima forma, non autem in hominibus, quamvis in nobis sit virtuosior et nobilior; et hoc propter adjunctionem ulterioris et nobilioris perfectionis, scilicet animæ rationalis, ut etiam suprà dictuin est.

Ad secundum dicendum, quòd verbum Damasceni potest intelligi dupliciter: uno modo, ut referatur ad humanam naturam, quæ quidem non habet rationem communis speciei, secundum quòd est in uno solo individuo, sed secun

prout in nuda contemplatione consideratur, vel secundum quod est in omnibus individuis. Filius autem Dei non assumpsit humanam naturam, prout est in sola consideratione intellectûs, quia sic non assumpsisset ipsam rem hu manæ naturæ, nisi fortè diceretur quòd humana natura est quædam idea separata, sicut Platonici posuerunt hominem sine materia; sed tunc Filius Dei non assumpsisset carnem, contra illud quod dicitur Luc., ult.: «Spiritus carnem et ossa non habet, sicut me videtis habere. ■ Similiter etiam non potest dici quòd Filius Def assumpserit humanam naturam prout est in omnibus individuis ejusdem speciei; quia sic omnes homines assumpsisset. Relinquitur ergo,

saint Jean Damascène le dit plus loin dans le même livre, c. 2, que le Verbe a pris la nature humaine dans son indivisibilité, c'est-à-dire dans son individualité; mais non dans un individu autre que la personne du Fils de Dieu, lequel seroit le suppôt ou l'hypostase de cette nature. On peut encore entendre que le passage dont il s'agit ne concerne point la nature humaine et ne signifie nullement qu'il ne résulte pas de l'union de l'ame et du corps dans le Christ une nature commune, qui est la nature humaine; mais il faut le faire rapporter à l'union de la nature divine et de la nature humaine, union qui ne constitue pas une troisième nature composée, devenant elle-même une nature commune, parce que, s'il en étoit ainsi, on pourroit attribuer cette nature à plusieurs individus; c'est bien la pensée du saint Docteur. Aussi ajoute-t-il, ibid, c. 3: « La divinité et l'humanité n'ont pas engendré auparavant et n'engendreront jamais dans la suite un autre Christ, qui soit à la fois Dieu parfait et homme parfait, dans la divinité et l'humanité. »

3o La vie du corps a deux principes: le premier est efficient; et c'est de cette manière que le Verbe de Dieu est le principe de toute vie. Le second principe de la vie est formel; car selon Aristote, De anima, II, text. 37, vivre c'est l'être même de ce qui est vivant; et comme chaque chose tient son être formel de sa forme, c'est l'ame qui fait vivre le corps. On ne dit donc pas que le Verbe fait vivre le corps de cette seconde manière, puisqu'il ne sauroit être la forme d'un corps.

et de la formation des idées, soit dans le sentiment qu'il a plus d'une fois émis sur l'existence et la nature des universaux.

ut Damascenus postea dicit in eodem lib. cap. | 11, quòd assumpserit naturam humanam in atomo, id est, in individuo; non quidem in alio individuo, quod sit suppositum vel bypostasis illius naturæ, quam in persona Filii Dei. Alio modo potest intelligi dictum Damasceni, ut non referatur ad naturam humanam, quasi ex unione animæ et corporis non resultet una communis natura, quæ est humana; sed est referendum ad unionem duarum naturarum, divinæ scilicet et humanæ; ex quibus non componitur aliquid tertium quod sit quædam natura communis, quia sic illud esset natum præ licari de pluribus; et hoc ibi intendit. Unde

subdit : « Neque enim generatus est, neque unquam generabitur alius Christus, ex Deitate et humanitate, in Deitate et humanitate Deus perfectus, idem et homo perfectus. >>

Ad tertium dicendum, quòd duplex est principium vitæ corporalis: unum quidem effectivum; et hoc modo Verbum Dei est principium omnis vitæ; alio modo est aliquid principium vitæ formaliter; cum enim vivere viventibus sit esse (ut dicit Philosophus II. De anima, text. 57), sicut unumquodque formaliter est per formam suam, ita corpus vivit per animam; et hoc modo non ponitur corpus vivere per Verbum, quod non potest esse corporis for a.

ARTICLE VI.

La nature humaine a-t-elle été unie accidentellement au Verbe de Dieu.

Il paroît que la nature humaine a été unie accidentellement au Verbe de Dieu. 1° L'Apôtre dit du Fils de Dieu, Philip., II, 7 : « D'après l'état où on l'a vu, on l'a reconnu pour un homme. » Or un état est accidentel à la chose, que l'on entende par ce mot état l'un des dix prédicaments ou l'une des espèces de la qualité (1). Donc la nature humaine a été unie accidentellement au Fils de Dieu.

2o Tout ce qui survient dans une chose lorsque son être est complet, y vient accidentellement; car nous appelons accident ce qui peut se trouver, et ne pas se trouver dans un sujet sans qu'il soit corrompu pour cela. Or la nature humaine a été adjointe dans le temps au Fils de Dieu, qui a son être parfait de toute éternité. Donc elle est survenue en lui accidentellement.

3o Tout ce qui n'entre pas dans la nature ou l'essence d'un être est pour lui un accident; car tout ce qui existe est substance ou accident. Or, la nature humaine n'entre pas dans l'essence ou la nature divine du Fils de Dieu, puisque, comme on l'a vu, art. 1, l'union ne s'est pas faite en une nature. Nécessairement donc la nature humaine s'est adjointe comme accident au Fils de Dieu.

(1) Je traduis habitus par état, parce que ce mot est susceptible de deux sens qui sont indiqués ici. S'il n'étoit pris que comme prédicament, je préférerois le rendre par extérieur. - Comme prédicament, on le définit : Accidens resultans in rebus ex circumpositione vestium vel armorum. Comme qualité de la première espèce : Qualitas determinans subjectum ad bene vel male se habendum, conformiter ad suam naturam. Cette qualité est essentielle et fixe, si elle repose sur les principes constitutifs de l'être, ou bien accidentelle et muable, quand il n'en est pas ainsi. Il me paroit très-difficile de traduire habitus par le même mot dans l'objection et dans la réponse, parce que le vêtement n'est pas une qualité, et saint Thomas ne parle que du vêtement dans la réponse.

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ARTICULUS VI.

esse completum, advenit ei acci lentaliter; hoc enim dicimus accidens, quod potest et adesse

Utrùm natura humana fuerit unita Verbo Dei et abesse alicui præter subjecti corruptionem.

accidentaliter.

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Sed natura humana advenit ex tempore Filio Dei, habenti esse perfectum ab æterno. Ergo advenit ei accidentaliter.

3. Præterea, quidquid non pertinet ad naturam seu essentiam alicujus rei, est accidens ejus; quia omne quod est, aut est substantia, aut accidens, sed humana natura non pertinet ad essentiam vel naturam divinam Filii Dei; quia non est facta unio in natura, ut supra dictum est. Ergo oportet quòd natura humana accidentaliter Filio Dei advenerit.

(1) De his etiam infrà, qu. 17, art. 1, in corp.; et III, Sent., dist. 6, qu. 3, art. 2; et Contra Gent., lib. IV, cap. 37, 41, 49; et in quæst. disput, de unione Verbi, art 1, in corp, et ad 13; et Opusc., III, cap. 215; et ad Philip., II, col. 3.

4° L'instrument s'adjoint accidentellement à l'agent. Or, dans le Christ, la nature humaine a été l'instrument de la divinité; car saint Jean Damascène dit, Orthod. fid., III, 15: «La chair du Christ est l'instrument de la divinité. » Il paroît donc que la nature humaine a été unie accidentellement au Fils de Dieu.

Mais il faut dire le contraire; car ce qu'on attribue au sujet comme un accident n'exprime pas la quiddité ou l'essence, mais la quantité, la qualité, ou quelque autre manière d'être. Si donc la nature humaine s'étoit adjointe accidentellement au Verbe, lorsque l'on dit : « Le Christ est homme, on n'exprimeroit pas une quiddité, mais une qualité, ou bien une quantité, ou quelque autre manière d'être; ce qui est contraire au décret du pape Alexandre III, qui dit, Conc. Later. III, p. ult., c. 20: « Dès lors que le Christ est Dieu parfait et homme parfait, comment quelques-uns sont-ils assez téméraires pour oser affirmer que le Christ, en tant qu'homme, n'a pas sa propre quiddité ou essence? »

(CONCLUSION.-L'Eglise catholique enseigne que la nature humaine a été unie au Verbe de Dieu, non pas en une essence ou nature, ni comme un accident, mais d'une manière intermédiaire, savoir quant à la subsistance ou à l'hypostase.)

Pour voir parfaitement clair dans cette question, il faut savoir que deux hérésies se sont produites touchant le mystère de l'union des deux natures dans le Christ. Les partisans de la première confondent les natures. C'est ce qu'ont fait Eutychès et Dioscore (1), qui ont enseigné que les deux natures en ont constitué une seule. Ils disent donc que le Christ est de deux natures, lesquelles étoient distinctes avant l'union, mais qu'il ne

(1) Dioscore étoit évêque d'Alexandrie; il se fit le patron d'Eutychès, de ses opinions et de ses manœuvres. Il présida, de par l'autorité de l'empereur et à l'exclusion des légats du pape,

4. Præterea, instrumentum accidentaliter ad- | Christus secundum quod est homo, nou est venit. Sed humana natura in Christo fuit divi- quid? » nitatis instrumentum; dicit enim Damascenus in III. lib. cap. 15, quòd « caro Christi instrumentum divinitatis existit (1). » Ergo videtur quòd humana natura fuerit Filio Dei unita accidentaliter.

Sed contra est, quòd illud quod accidentaliter prædicatur, non prædicat quid, sed quantum vel quale, vel aliquo alio modo se habens. Si ergo humana natura accidentaliter adveniret, cum dicitur, « Christus est homo, » non prædicaretur quid, sed quale, aut quantum, aut aliquo alio modo se habens : Quod est contra decretalen Alexandri Papæ dicentis: « Cùm Christus sit perfectus Deus et perfectus homo, qua temeritate audent quidam dicere quòd

(CONCLUSIO. Neque secundum essentiam vel naturam, neque etiam secundum accidens, sed medio quodam modo secundum subsistentiam, seu hypostasim, naturam humanam Verbo Dei unitam fuisse, Ecclesia Catholica docet.)

Respondeo dicendum, quòd ad hujus quæstionis evidentiam sciendum est quòd circa mysterium unionis duarum naturarum in Christo, duplex hæresis insurrexit: una quidem confundentium naturas, sicut Eutichetis et Dioscori; qui posuerunt quòd ex duabus naturis est constituta una natura, ita quòd confiterentur Christum esse ex duabus naturis, quasi ante unionem distinctis, non autem in duabus

(1) Vel extitit (prática), quando per illam operabatur divinitas, ut anima per corpus operater, juxta exemplum quod eodem capite præmittitur.

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