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Mais ce n'est pas seulement parce que cela est possible que je le crois; c'est, avant tout, parce qu'il est bon et bien de le croire; c'est parce que, de cette croyance, résulte un lien de solidarité, de communion entre les êtres vivants, et aussi entre eux et leurs ancêtres, et aussi entre eux et leurs enfants. Or, ceci est la loi divine.

XVI. La civilisation marche! Que signifient ces mots? — Présence réelle et continue des Pères de l'humanité.

Qu'entendent ceux qui disent: la civilisation marche; elle se répand, elle s'étend, elle pénètre comme la lumière, d'une nation éclairée dans une nation obscure? Pour eux, c'est toujours du polythéisme, c'est une déesse qui s'avance: incessu patuit dea.

Le moindre marchand, le plus ignare épicier est pourtant déjà plus avancé; j'ose dire qu'il est plus religieux et plus poète; il sait bien que l'humanité est transformée, qu'elle n'a plus les mêmes sentiments, les mêmes idées, les mêmes allures, le jour où elle est habillée au lieu d'être nue; le jour où elle connaît le thé, le café, le

cacao, le vin, l'eau-de-vie, le tabac; le jour où elle apprend une langue étrangère, une science nouvelle, un art nouveau; le jour où ON lui apporte un fruit, une plante, un arbre, un animal, un insecte qui lui étaient inconnus. Déjà, pour ce poète du poivre, du coton, de la pomme de terre, de la machine à vapeur, de la locomotive, ON n'est plus une déesse; ON, c'est un homme comme lui-même: ce sont Poivre, Jumel, Parmentier, Papin, Watt, Stephenson; ce sont des Français, des Anglais, des Hollandais, des Vénitiens, des Génois, et même des conquérants comme Alexandre, César ou Napoléon.

La civilisation marche! cela signifie que la vie de tel peuple d'avant-garde s'unit à la vie de tel autre peuple du centre, et qu'il en résulte, non-seulement une modification dans la vie de chacun d'eux, mais la création d'une vie mixte, métisse, croisée, sang-mêlé, comme sont actuellement tous les peuples de la terre, et comme ils le seront de plus en plus, à mesure que se répandra la religion de l'humanité.

Telle est la vraie consolation, la seule justification des peuples qui ont chanté:

Qu'un sang impur abreuve nos sillons!

ou qui sont allés convertir à la foi du Dieu de paix, d'amour et de fraternité, avec le fer ou avec la flamme des bûchers.

Telle est et sera éternellement la glorification, la béatification, la sanctificatiou des apôtres générateurs de la vie HUMAINE, des véritables pères de l'humanité.

Or ces pères continuent leur mission génératrice, au moment même où je vous écris, comme ils l'ont accomplie durant tout le cours des siècles et sur tous les points du globe. Leur personnalité vit en nous; elle nous inspire et nous anime. Quelle que soit la forme de leur action en nous, cette action vivante, présente, est indubitable. Pour la perpétuation de ma propre personnalité, la certitude d'un avenir semblable à celui dont je suis certain que leur personnalité passée jouit dans le présent, me suffisait; et néanmoins, mon espoir s'élève plus haut que ma certitude: certain qu'ils vivent, comme je suis certain que je vivrai; mais, de plus, je CROIS qu'ils ont déjà conscience de l'union de leur vie passée avec leur vie actuelle, qu'ils ignoraient de leur vivant; et je CROIS que j'aurai un jour conscience de l'union de ma vie actuelle avec ma vie future, quoique j'ignore actuellement ce que sera et où

se passera ma vie future. Je crois qu'il ont acquis et que j'acquerrai, par la mort, cette révélation certaine et consciente de la communion avec nos pères et avec nos enfants, c'est-à-dire, du grand mystère d'amour que renferment pour le vivant ces mots : souvenir et espérance.

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XVII. Université infinitésimale de la vie. Le cadavre. Culte des morts dans les vivants.

Mais revenons à la vie présente.

Je prends une gouttelette de pus dans le bouton du pis d'une vache; j'égratigne un enfant, je dépose sur l'égratignure la centième partie de la gouttelette, et voici l'enfant légèrement indisposé; un trouble universel, une modification profonde s'opère dans tout son individu, et, par cette rénovation de son être, il se trouve à l'abri d'une horrible maladie qui, sans cela, l'aurait probablement tué ou pour le moins défiguré.

A Alexandrie, je touche un bout d'étoffe arrivant des bords du Gange, je prends la peste : en un mois la population est décimée.

Sur un boeuf, je laisse tomber une goutte d'acide prussique: il est foudroyé.

N'a-t-on pas découvert qu'un insecte, né dans

un animal, le cochon, par exemple, absorbé par l'homme qui mange la chair de ce porc, se transforme dans l'homme en un autre insecte, développement du premier?

Les expériences récentes sur les germes, si elles n'ont pas absolument prouvé la génération spontanée, n'ont-elles pas reculé jusqu'à des limites indéfinies la démonstration de l'universalité infinitésimale de la vie?

Ne me prenez pas pour un homœopathe: ce n'est pas la puissance de la dose infinitésimale qui m'intéresse, c'est sa qualité de composante vitale d'une existence multiple; c'est le rôle élémentaire que des myriades d'êtres jouent dans la vie d'un être, dans la constitution de ses organes, de ses tissus, dans le jeu de ses mille fonctions.

Respirez un air pur ou des miasmes empestés : vous êtes bien avancé quand on vous dit que c'est de l'oxygène et de l'hydrogène, ou de l'azote, de l'acide carbonique et autres drogues. Dans le premier cas, il s'est fait, entre l'aspiré et l'aspirant, un mariage tout différent de celui qui s'est opéré dans le second; une génération d'êtres tout différents a eu lieu; vous le voyez à la couleur, à l'épaisseur, à la rapidité du sang, à

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