vous, qui seriez elle, mais elle développée dans un milieu nouveau, lequel milieu serait le vôtre et non celui de qui que ce soit au monde, autre que vous. De même, la perpétuation de l'ancienne individualité dans la nouvelle aurait pu lui sembler et vous sembler interrompue par la mort, sans qu'elle l'eût été réellement; car le monde entier, qui est, est bien la continuation, la perpétuation, la transformation du monde entier, qui fut, malgré toutes les morts imaginables. Défions-nous donc de ces deux grandes illusions, à savoir: 1° que les vies du passé ne se sont pas perpétuées dans les vies présentes et n'y ont pas conscience de leur perpétuation, sous ce prétexte (qui ne prouve rien) que nulle des vies présentes n'a elle-même conscience d'être identiquement une de ces vies passées perpétuée, ni, par conséquent, d'avoir été intégralement une de ces vies dans le passé; 2o que la mort interrompt la perpétuation des existences individuelles, ce qui est faux; car elle n'interrompt pas la perpétuation des espèces et des mondes; car tout ce qui fut EST et sera, l'homme aussi bien que l'humanité. Passez-moi, pour le moment, l'obscurité de ce préambule, et tâchons de la dissiper. L'homme est un élément de l'humanité, et se perpétue avec elle et comme elle. L'homme est à l'humanité ce qu'une espèce quelconque, animale, végétale, et même inorganique, est à la nature entière. Je n'ai aucune répugnance à croire que mon être humain a été, est et sera un des organes ou une partie d'organe de l'être progressif humanité; que je suis un élément de cet être, coexistant avec lui; me développant en lui et concourant à son développement. Je possède donc, fût-ce à un degré infiniment petit, la faculté de perpétuité humaine, je dirais presque d'éternité, si ce mot n'appartenait pas à Dieu seul; je le maintiens cependant, parce qu'au delà de sa vie, nécessairement limitée, l'humanité elle-même doit croire à sa transformation en une existence plus élevée ; et toujours ainsi, sans limites. De même, une des espèces quelconques appartenant au globe terrestre, celle des fourmis, par exemple, est un organe ou une partie d'organe du globe, concourant à son développement; cette espèce, infiniment petite, se perpétue tant que le globe est dans des conditions favorables à son existence, et je ne vois pas de raisons pour que le cataclysme qui la fera disparaître ne l'appelle pas à une transformation progressive qui la rendrait prêteuse. Imaginons donc que, dans les desseins de la Providence, l'humanité, pendant toute sa durée, soit un être composé d'un certain nombre d'éléments vivants, ayant leur destination spéciale dans l'organisme général de ce grand être, et fonctionnant dans l'être humanité, comme les muscles, les nerfs, le sang, la lymphe, etc., etc., fonctionnent dans l'être homme. Le petit monde n'est-il pas semblable au grand monde? La vie n'est-elle pas partout, et partout semblable, dans un atome comme dans la terre et dans l'ensemble des astres? J'aime à penser que je suis un élément nerveux de l'humanité, un cent-millionième peutêtre de cet appareil supérieur de la vie de l'espèce. Or, à l'origine de l'humanité, son appareil nerveux, dont j'étais le cent-millionième élément, ne valait pas grand'chose, ni moi non plus, par conséquent. Aussi n'en ai-je gardé et transmis qu'un souvenir très-confus, d'autant plus qu'à cette époque, l'humanité n'ayant pas de passé, n'avait ni souvenir ni tradition. Mais ce que je me rappelle avec joie, ce sont les pas que nous avons faits depuis cette époque, pas auxquels le système nerveux a eu une très-grande part, et moi aussi, par conséquent. Évidemment, je n'ai pas conscience, aujourd'hui, d'avoir pris telle ou telle part déterminée, précisée, définie, au progrès de l'humanité, il y a six mille, dix mille, vingt mille ans, quelle que soit la date de sa naissance; mais je suis loin d'en conclure, parce que je l'ai oublié (grâce à Dieu), que je n'y ai pris cette part définie aux yeux de Dieu, connue de Dieu, et dont la preuve se trouve dans l'importance qu'a prise progressivement et que possède aujourd'hui MA centmillionième molécule nerveuse de l'humanité. Je suis même certain que la conscience de ces actes antediluviens s'est perpétuée, existe, car tout ce qui fut EST et sera. Seulement où est-elle, cette conscience perpétuée ? Les chrétiens disent : « Au ciel ou en enfer; >> plusieurs de leurs théologiens, ainsi que des philosophes, disent: « Dans le sein de Dieu. >> Je repousse la première formule, parce je ne sais pas plus que les chrétiens eux-mêmes ce qu'ils entendent par le ciel et l'enfer, et dans quel coin de l'espace ces localités se trouvent; j'accepte la dernière formule, parce que Dieu est partout, étant tout ce qui est; mais j'ajoute que cette formule ne me suffit pas. Si je m'en contentais, je serais un pur panthéiste, confondant chacun dans et avec tout, moi avec et dans Dieu. Chaque vie, chaque conscience est dans le sein de Dieu; c'est évident comme une vérité de définition; mais chaque vie, chaque conscience, aussi bien que chaque molécule, est personnelle; tout ce qui fut est dans ce qui est, et sera dans ce qui sera; un acte quelconque accompli par l'humanité est et sera à tout jamais dans l'humanité, puisqu'elle en a été modifiée. Ainsi un acte accompli par un homme est dans cet homme, quand même, lui, l'aurait oublié et n'aurait pas conscience de la modification vitale que cet acte lui aurait causée. . Eh bien! j'ai foi que la conscience de tous les actes accomplis par l'humanité est dans l'humanité, quoique cette conscience ne se manifeste pas intégralement, mais parce qu'elle se révèle progressivement par une lumière de plus en plus |