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dans beaucoup d'autres pays. Le cardinal criait. C'est pourtant du plus fin cambrai, disait le chirurgien. Quoi! du cambrai encore là? disait le cardinal : n'était-ce pas assez d'en avoir la tête fatiguée? Heureuses les disputes qui se terminent ainsi! heureux les hommes, si tous les disputeurs de ce monde, si les hérésiarques s'étaient soumis avec autant de modération, avec une douceur aussi magnanime, que le grand archevêque de Cambrai qui n'avait nulle envie d'être hérésiarque! Je ne sais pas s'il avait raison de vouloir qu'on aimât Dieu pour lui-même : mais M. de Fénélon méritait d'être aimé ainsi.

Dans les disputes purement littéraires il y a eu souvent autant d'acharnement, autant d'esprit de parti que dans des querelles plus intéressantes. On renouvellerait, si on pouvait, les factions du cirque qui agitèrent l'empire romain. Deux actrices rivales sont capables de diviser une ville. Les hommes ont tous un secret penchant pour la faction. Si on ne peut cabaler, se poursuivre, se nuire pour des couronnes, des tiares, des mitres, nous nous acharnerons les uns contre les autres pour un danseur, pour un musicien. Rameau a eu un violent parti contre lui, qui aurait voulu l'exterminer, et il n'en savait rien. J'ai eu un parti plus violent contre moi-même, et je le savais bien.

HARANGUE

PRONONCÉE

LE JOUR DE LA CLOTURE DU THÉATRE'.

MESSIEURS,

2

Vous savez combien il est difficile de représenter dignement nos personnages; mais oser parler devant vous en notre nom même, dépouillés des ornements et de l'illusion qui nous soutiennent, c'est une hardiesse, je ne le sens que trop ici, qui a besoin de toute votre indulgence.

Jamais le public n'a été si éclairé en tout genre; jamais les arts n'eurent besoin de plus d'efforts, et peut-être seraient-ils découragés, si vous aviez une sévérité proportionnée à vos lumières; mais vous apportez ici cette vraie justice qui penche toujours plu

Cette harangue, pour la clôture du théâtre, en 1730, fut prononcée le 24 mars, et, suivant l'usage, par le dernier comédien reçu dans la compagnie. C'était Ch.-Fr.-N. Racot de Grandval, reçu à demi-part le 31 décembre 1729, mort le 25 septembre 1784. Cette pièce, admise dans la Collection des OEuvres de Voltaire, Amsterdam, 1764, tome Ier, deuxième partie, page 698, avait été imprimée, avec le nom de Voltaire, dès 1730, dans le volume intitulé: Lettre à mylord ***, sur Baron et la demoiselle Lecouvreur, etc., par George Wink (l'abbé d'Allainval). Paris, Heuqueville, 1730, in-12. L'édition de 1764 des OEuvres de Voltaire était, jusqu'à ce jour, la seule, à ma connaissance, qui contînt cette harangue. B.

2 L'acteur qui débite cette harangue est en habit de ville. (Note de l'éditeur de 1730.)

tôt vers la bonté que vers la rigueur. Plus vous connaissez l'art, plus vous en sentez les difficultés. Le spectateur ordinaire exigerait qu'on lui plût toujours; semblable à l'homme sans expérience qui attend des plaisirs dans toutes les circonstances de la vie. Le juge éclairé daigne se contenter qu'on le satisfasse quelquefois.

Vous démêlez et vous applaudissez une beauté au milieu même des défauts qui vous choquent; telle est surtout votre équité qu'il n'y a point de cabale qui puisse soutenir ce que vous condamnez, ni faire tomber ce que vous approuvez.

Que ne puis-je, messieurs, étudier avec fruit votre goût sage et épuré qui a banni l'enflure de l'art de réciter comme de celui d'écrire! Vous voulez qu'on vous peigne partout la nature, mais la nature noble et embellie par l'art, telle que vous la représentait cet excellent acteur 1 qui vous plaisait encore au bout d'une si longue carrière.

I

Ici, messieurs, je sens que vos regrets redemandent cette actrice inimitable, qui avait presque inventé l'art de parler au cœur, et de mettre du sentiment et de la vérité où l'on ne mettait guère auparavant que de la pompe et de la déclamation.

Mademoiselle Lecouvreur 2, souffrez-nous la con

Baron (Michel Boyron dit), né en 1653, retiré du théâtre en 1691, y remonta en 1720, joua pour la dernière fois le 3 septembre 1729, et mourut le 22 décembre de la même année. B.

2 Adrienne Lecouvreur, née à Fismes en 1690, débuta au Théâtre-Français le 14 mai 1717, par le rôle de Monime, et mourut le 20 mars 1730. Languet, curé de Saint-Sulpice, lui refusa la sépulture ecclésiastique ; elle fut enterrée au coin de la rue de Bourgogne, à l'endroit où est la maison qui

solation de la nommer, fesait sentir dans ses personnages toute la délicatesse, toute l'ame, toutes les bienséances que vous desiriez. Elle était digne de parler devant vous, messieurs.

Parmi ceux qui daignent ici m'entendre, plusieurs l'honoraient de leur amitié. Ils savent qu'elle fesait l'ornement de la société comme celui du théâtre; et ceux qui n'ont connu en elle que l'actrice, peuvent bien juger par le degré de perfection où elle était parvenue que non seulement elle avait beaucoup d'esprit, mais encore l'art de rendre l'esprit aimable.

Vous êtes trop justes, messieurs, pour ne pas regarder ce tribut de louanges comme un devoir; j'ose même dire qu'en la regrettant je ne suis que votre interprète.

porte aujourd'hui (1829) le n° 109, dans la rue de Grenelle. Voltaire a fait un petit poëme intitulé: La mort de mademoiselle Lecouvreur (voyez tome XII). Il parle assez souvent de cette actrice: voyez entre autres dans les Mélanges, année 1761, la Conversation de M. l'Intendant des menus, etc. B.

AUX AUTEURS

DE LA BIBLIOTHÈQUE RAISONNÉE,

SUR

L'INCENDIE D'ALTENA'.

1732.

L'extrême difficulté que nous avons en France de faire venir les livres de Hollande, est cause que je n'ai vu que tard le neuvième tome de la Bibliothèque raisonnée; et je dirai en passant que si le reste de ce journal répond à ce que j'en ai parcouru, les gens

I

J'écris Altena, conformément à l'orthographe de Voltaire: voyez tome XXXI, page 332.

L'intitulé de ce morceau indique qu'il a dû être adressé Aux auteurs de la Bibliothèque raisonnée. Rien, dans le texte, ne prouve qu'il l'ait été. C'est simplement une note où l'auteur rétracte ce qu'il avait dit dans la première édition de l'Histoire de Charles X11, livre VII, et promet de se corriger; ce qu'il a fait (voyez, tome XXIV). Gomme j'ai vainement cherché cette lettre dans la Bibliothèque raisonnée, il est à croire, comme je l'ai dit, qu'elle n'aura pas été adressée à ses rédacteurs, à moins que la voyant arriver tardivement (comme on peut le présumer, d'après son début), ils aient jugé inutile de rappeler ce qui était déjà oublié.

Les deux passages, sujet de la réclamation dont parle Voltaire, et à laquelle il répond, sont conservés en variantes dans le tome XXIV, livre VII.

La plus ancienne ou première édition que je connaisse de l'écrit Aux auteurs de la Bibliothèque raisonnée, est de 1734, et est imprimée à la suite des vingt-quatre Lettres écrites de Londres, sur les Anglais, par M. D. V., Basle (Londres), 1734, in-8°. Elle forme la vingt-sixième lettre dans l'édition des Lettres philosophiques, Rouen, Jore, 1734, in-12 de cent quatrevingt-dix pages. B.

MÉLANGES. I.

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