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donc en effet Louis XV, trois fois plus riche que François I", n'achète les choses, en poids de marc, que le double de ce qu'on les achetait alors. Or un homme qui a neuf cents francs et qui achète une denrée six cents francs, reste certainement plus riche de cent écus que celui qui, n'ayant que trois cents livres, achète cette même denrée trois cents livres ; donc Louis XV reste plus riche d'un tiers que François Ier.

Mais ce n'est pas tout: au lieu d'acheter toutes les denrées le double, il achète les soldats, la plus nécessaire denrée des rois, à beaucoup meilleur marché que tous ses prédécesseurs. Sous François Ier et sous Henri II, les forces des armées consistaient en une gendarmerie nationale, et en fantassins étrangers, que nous ne pouvons plus comparer à nos troupes ; mais l'infanterie, sous Louis XV, est payée à peu près sur le même pied, au même prix numéraire que sous Henri IV. Le soldat vend sa vie six sous par jour, en comptant son habit: ces six sous en valaient douze pareils du temps de Henri IV. Ainsi, avec le même revenu que Henri-le-Grand, on peut entretenir le double de soldats; et avec le double d'argent on peut en soudoyer le quadruple. Ce que je dis ici suffit pour faire voir que, malgré les calculs de M. Dutot, les rois, aussi bien que l'état, sont plus riches qu'ils n'étaient. Je ne nie pas qu'ils ne soient plus endettés.

Louis XIV a laissé à sa mort plus de deux fois dix centaines de millions de dettes, à trente francs le marc, parcequ'il voulut à-la-fois avoir cinq cent mille hommes sous les armes, deux cents vaisseaux, et bâ

tir Versailles; et parceque, dans la guerre de la succession d'Espagne, ses armes furent long-temps malheureuses. Mais les ressources de la France sont beaucoup au-dessus de ses dettes. Un état qui ne doit qu'à lui-même ne peut s'appauvrir; et ces dettes mêmes sont un nouvel encouragement de l'industrie1.

1 Ceci n'est pas exact, 1o parceque lorsque la dette nationale est considérable, il est impossible que des étrangers ne soient pour des capitaux considérables parmi les créanciers de l'état; 2o parceque les créanciers de l'état ne sont point directement intéressés comme les propriétaires de terres, ou ceux qui font valoir leurs fonds dans les manufactures, à faire servir une partie de leurs capitaux aux progrès de l'agriculture et de l’industrie. K.

FIN DES OBSERVATIONS SUR LE COMMERCE, ETC.

LE PRÉSERVATIF'.

1738.

I.

Il est juste de détromper le public quand il est à craindre qu'on ne l'abuse. On ne connaît que trop les guerres des auteurs. La plupart des journalistes qui s'érigent en arbitres font souvent eux-mêmes les plus violents actes d'hostilité. Je peux dire, par l'expérience que j'ai dans la littérature, qu'il se forme autant d'intrigues pour faire valoir ou pour détruire un

I La première édition de cet ouvrage a paru sous le nom de M. le chevalier de Mouhy. K. — Je n'ai pu trouver d'édition portant le nom de Mouhy. Mais Mouhy fut l'éditeur du Préservatif, qui fut publié en novembre 1738.

On voit, par une lettre de Voltaire à D'Argental,du 2 avril 1739, qu'une gravure avec une inscription était jointe au Préservatif (voyez, dans la Correspondance, ma note sur cette lettre.) Voici les titres des écrits qui parurent à l'occasion de ce pamphlet:

I. La Voltairomanie, ou Lettre d'un jeune avocat en forme de mémoire, en réponse au libelle du sieur de Voltaire, intitulé: le Préservatif, in-12 de quarante-huit pages, daté du 12 décembre 1738. La Voltairomanie est de Desfontaines, à qui Voltaire youlait intenter un procès criminel (voyez sa lettre à D'Argental du 9 janvier 1739); mais on étouffa cette affaire, dit l'abbé Irailh, dans ses Querelles littéraires, tome II.Voyez, tome XXXVIII, le Mémoire du sieur de Voltaire.

II. Le Médiateur, lettre à M. le marquis de***, in-12 de vingt-quatre daté du 10 janvier 1739.

pages,

III. Jugement désintéressé du démêlé qui s'est élevé entre M. de Volt. et l'abbé Desfont., in-12 de dix-huit pages. Une édition qui doit avoir été faite clandestinement, porte en faux-titre : Combat de M. de Voltaire contre M. l'abbé Desfontaines. B.

MÉLANGES. I.

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livre, dont souvent personne ne se soucie, que pour obtenir un poste important.

On sait que le Journal des Savants de Paris, père de cette multitude de journaux, enfants très souvent peu semblables à leur père, s'est assez préservé de la contagion des cabales.

Mais parmi les auteurs de ces petites gazettes volantes, qu'on débite tantôt sous le nom de Nouvelliste du Parnasse, tantôt sous le nom d'Observations", on ne trouve ni le même goût, ni la même science, ni la même équité. J'ai donc cru rendre quelque service aux amateurs des lettres, en rassemblant des bévues que j'ai trouvées dans plusieurs feuilles, intitulées Observations, que j'ai lues par hasard.

Nombre 200. Le feseur d'observations dit qu'un grand prince a condamné le genre comique larmoyant, dans la pièce de Don Sanche d'Aragon de Pierre Corneille, et assure que ce goût ne doit point subsister parmi nous après cette condamnation.

Il y a en cela trois fautes: la première, que le goût d'un prince ne suffit pas pour régler celui du public; la seconde, que le Don Sanche d'Aragon de Pierre Corneille n'est point d'un genre comique attendris

Le Nouvelliste du Parnasse, ou Réflexions sur les ouvrages nouveaux, ouvrage auquel coopérait l'abbé Granet, fut commencé en 1731, et arrêté par le ministère public à la quatrième feuille du quatrième_volume (15 mars 1732). Une réimpression de 1734 a deux volumes in 12. B.

2 Les Observations sur les écrits modernes furent commencées en 1735. Le privilége fut retiré par arrêt du conseil du 6 septembre 1743. La collection forme trente-trois volumes et trois feuilles. Les collaborateurs de Desfontaines furent l'abbé Granet, Mairault, l'abbé d'Estrées, Fréron, etc. B. 3 Le grand Conde: voyez tome XXXVI, page 117. B.

sant, et qui fasse verser des larmes, comme certaines scènes du Bourreau de soi-même de Térence1, la scène très tendre entre une mère et une fille dans Ésope à la cour2, celle du Préjugé à la mode3, de l'Enfant prodigue, etc. Don Sanche d'Aragon est une comédie héroïque et non larmoyanté, comme le dit l'Observateur. Ce fut la froideur et non l'intérêt qui la fit tomber : jamais une pièce intéressante ne tombe.

La troisième faute, et plus grande, est de s'ériger en juge d'un art qu'on ne connaît pas, et de dire avec hardiesse que ce qui a plu dans Paris et dans l'ancienne Rome n'a pas dû plaire. Des scènes attendrissantes ont toujours été bien reçues à la comédie, de tous les temps, parceque les actions des particuliers peuvent être touchantes aussi bien que ridicules, et on peut leur appliquer ce que dit Horace 5:

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Dans la même feuille l'auteur rapporte une longue critique sur un problème d'optique qu'il n'entend point; on lui a fait accroire qu'il s'agissait dans ce problème de la trisection de l'angle, et il n'en est point du tout question. L'auteur que le critique reprend, sans le comprendre, est M. de Voltaire. J'ai lu soigneusement l'endroit en question dans la préface de l'édition de Londres des Éléments de Newton.

L'Observateur n'a point lu cet ouvrage qu'il ose

2 Comédie de·

1 Heautontimorumenos, comédie de Térence. B. Boursault. B. 3 De La Chaussée. B. 4 De Voltaire lui-même, qui ne donnait pas le Préservatif comme son ouvrage. B. 5 Art poétique, 93. B.

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