Obrazy na stronie
PDF
ePub

chez les étrangers. On souhaiterait seulement que quelques matières y fussent plus approfondies, et qu'on n'en eût point traité d'autres. On se serait, par exemple, fort bien passé de je ne sais quelle dissertation sur les prérogatives de la main droite sur la main gauche1, et de quelques autres recherches qui, sous un titre moins ridicule, n'en sont guère moins frivoles.

L'académie des sciences, dans ses recherches plus difficiles et d'une utilité plus sensible, embrasse la connaissance de la nature et la perfection des arts. Il est à croire que des études si profondes et si suivies, des calculs si exacts, des découvertes si fines, des vues si grandes, produiront enfin quelque chose qui servira au bien de l'univers 2.

C'est dans les siècles les plus barbares que se sont faites les plus utiles découvertes. Il semble que le partage des temps les plus éclairés et des compagnies les plus savantes soit de raisonner sur ce que des ignorants ont inventé. On sait aujourd'hui, après les longues disputes de M. Huygens et de M. Renaud, la détermination de l'angle le plus avantageux d'un gouvernail de vaisseau avec la quille; mais Christophe Colomb avait découvert l'Amérique sans rien soupçonner de cet angle.

Je suis bien loin d'inférer de là qu'il faille s'en tenir

1 1734. Les Mémoires de l'académie des inscriptions et belles-lettres (tome III, page 68) contiennent en effet une dissertation de H. Morin, Des priviléges de la main droite, B.

"

21734. «Jusqu'à présent, comme nous l'avons déjà observé ensemble, c'est dans les siècles. » B.

MÉLANGES. I.

18

seulement à une pratique aveugle; mais il serait heureux que les physiciens et les géomètres joignissent, autant qu'il est possible, la pratique à la spéculation. Faut-il que ce qui fait le plus d'honneur à l'esprit humain soit souvent ce qui est le moins utile? un homme, avec les quatre règles d'arithmétique, et du bon sens, devient un grand négociant, un Jacques Cœur, un Delmet, un Bernard; tandis qu'un pauvre algébriste passe sa vie à chercher dans les nombres des rapports et des propriétés étonnantes, mais sans usage, et qui ne lui apprendront pas ce que c'est que le change'. Tous les arts sont à peu près dans ce cas; il y a un point passé lequel les recherches ne sont plus que pour la curiosité. Ces vérités ingénieuses et inutiles ressemblent à des étoiles qui, placées trop loin de nous, ne nous donnent point de clarté.

Pour l'académie française, quel service ne rendraitelle pas aux lettres, à la langue et à la nation, si au lieu de faire imprimer tous les ans des compliments, elle fesait imprimer les bons ouvrages du siècle de Louis XIV, épurés de toutes les fautes de langage qui s'y sont glissées? Corneille et Molière en sont pleins, La Fontaine en fourmille : celles qu'on ne pourrait pas corriger seraient au moins marquées. L'Europe, qui lit ces auteurs, apprendrait par eux notre langue avec sûreté. Sa pureté serait à jamais fixée. Les bons livres

peu

Cet exemple nous paraît mal choisi. Il est fort inutile qu'un géomètre, né avec des talents, s'applique à la banque. Ce métier exige très de science, encore moins d'esprit de combinaison ; et seulement de l'ordre, de l'activité, avec un grand amour de l'or. Mais il serait bon qu'un géomètre appliquât le calcul à des questions d'arithmétique politique et à la physique, tandis que les physiciens appliqueraient la physique aux arts. K.

français, imprimés avec ce soin aux dépens du roi, seraient un des plus glorieux monuments de la nation. J'ai ouï dire que M. Despréaux avait fait autrefois cette proposition, et qu'elle a été renouvelée par un homme, dont l'esprit, la sagesse, et la saine critique, sont connus; mais cette idée a eu le sort de beaucoup d'autres projets utiles, d'être approuvée et d'être négligée 1.

Une chose assez singulière, c'est que Corneille, qui écrivit avec assez de pureté et beaucoup de noblesse les premières de ses bonnes tragédies, lorsque la langue commençait à se former, écrivit toutes les autres très incorrectement et d'un style très bas, dans le temps que Racine donnait à la langue française tant de pureté, de vraie noblesse, et de graces, dans le temps que Despréaux la fixait par l'exactitude la plus correcte, par la précision, la force, et l'harmonie. Que l'on compare la Bérénice de Racine avec celle de Corneille, on croirait que celui-ci est du temps de Tristan. Il semblait que Corneille négligeât son style à mesure qu'il avait plus besoin de le soutenir, et qu'il n'eût que l'émulation d'écrire au lieu de l'émulation de bien écrire. Non seulement ses douze ou treize dernières tragédies sont mauvaises; mais le style en est très mauvais. Ce qui est encore plus étrange, c'est

que

de notre temps même nous avons eu des pièces de théâtre, des ouvrages de prose et de poésie, composés par des académiciens qui ont négligé leur langue au point qu'on ne trouve pas chez eux dix vers ou dix lignes de suite sans quelque barbarisme. On peut être un

Fin de l'article en 1734, et même en 1751. Le reste est de 1752. B.

très bon auteur avec quelques fautes, mais non pas avec beaucoup de fautes. Un jour une société de gens d'esprit éclairés compta plus de six cents solécismes intolérables dans une tragédie qui avait eu le plus grand succès à Paris et la plus grande faveur à la cour. Deux ou trois succès pareils suffiraient pour corrompre la langue sans retour, et pour la faire retomber dans son ancienne barbarie, dont les soins assidus de tant de grands hommes l'ont tirée.

FIN DES LETTRES PHILOSOPHIQUES.

TRAITÉ

DE MÉTAPHYSIQUE.

17341

INTRODUCTION.

Doutes sur l'homme.

Peu de gens s'avisent d'avoir une notion bien entendue de ce que c'est que l'homme. Les paysans d'une partie de l'Europe n'ont guère d'autre idée de notre espèce que celle d'un animal à deux pieds, ayant une peau bise, articulant quelques paroles, cultivant

conte

Longchamp, dans le chapitre xxv de ses Mémoires publiés en 1826, ra

que, chargé d'attiser le feu dans lequel on avait jeté des papiers que madame Du Châtelet avait recommandé de brûler après sa mort, il parvint à soustraire un cahier de papier à lettres, d'une écriture fort menue. Ce cahier contenait le Traité de métaphysique, qui fut imprimé pour la première fois dans les éditions de Kehl.

[ocr errors]
[ocr errors]

« Cet ouvrage est d'autant plus précieux, disaient alors les éditeurs, que

« n'ayant point été destiné à l'impression, l'auteur a pu dire sa pensée tout

« entière. Il renferme ses véritables opinions, et non pas seulement celles de «ses opinions qu'il croyait pouvoir développer sans se compromettre. On «y voit qu'il était fortement persuadé de l'existence d'un Être suprême, et « même de l'immortalité de l'ame, mais sans se dissimuler les difficultés qui

[ocr errors]
[ocr errors]

« s'élèvent contre ces deux opinions, et qu'aucun philosophe n'a encore complètement résolues. »

Voltaire, en l'offrant à madame Du Châtelet, pour qui il l'avait composé, y joignit un quatrain qu'on trouvera au tome XIV, dans les Poésies mélées. B.

« PoprzedniaDalej »