Obrazy na stronie
PDF
ePub

On a vu que les Lettres philosophiques avaient attiré l'animadversion des inquisiteurs de la pensée, et qu'elles avaient été honorées d'un arrêt qui les condamnait à être brûlées. Dès lors, quoique les éditions de Voltaire se fissent à l'étranger, pour ne pas éveiller l'autorité, il fallait bien ne pas employer un titre proscrit par elle; il était sage de déguiser cet ouvrage en l'entremêlant avec d'autres morceaux du même auteur. Tout éditeur qui aurait osé admettre dans sa collection, et sous leur titre, les Lettres philosophiques, eût vu interdire à son édition l'entrée de France, et, au besoin, exécuter l'arrêt du 10 juin 1734.

«

(1738-39), il soit dit : « On donne cette nouvelle édition, à laquelle l'auteur « n'a eu d'autre part et d'autre intérêt que celui d'avoir beaucoup corrigé la Henriade, etc., » il est permis de croire que c'est Voltaire qui l'a dirigée, autant qu'on peut diriger une édition quand on n'est pas dans la ville même où elle se fait. Cette préface est de l'abbé de Linant, à qui Voltaire portait tant d'intérêt, et à qui peut-être il en abandonna le produit. Voltaire du moins a concouru ou consenti à cette édition : le 6 juillet 1739, il écrivait à Helvétius: « Je comptais vous envoyer de Bruxelles une nouvelle édition de «Hollande, etc. » Dans sa lettre à D'Argenson, du 21 mai 1740, à propos de ces quatre volumes imprimés à Amsterdam, et des fautes des éditeurs, il dit : « J'ai corrigé tout ce que j'ai pu, et il s'en faut de beaucoup que j'en aie corrigé assez. » En effet, il y a encore beaucoup de fautes dans cette édition. Voltaire, par sa lettre à M. de La Roque (mars 1742), en signala une singulière dans une phrase relative à Charles 1. Une faute dont Voltaire ne parle pas, que je sache, et qui mérite d'être remarquée, c'est d'avoir donné au Mondain le titre de Défense du Mondain; et à la Défense du Mondain, le titre du Mondain.

[ocr errors]

Les libraires qui donnèrent les OEuvres de M. de Voltaire, nouvelle édition, revue, corrigée et considérablement augmentée, avec des figures en taille-douce, Amsterdam, aux dépens de la compagnie, 1740, quatre volumes in-12, copièrent servilement, sans y rien ajouter, l'édition de 173839. Leur contrefaçon (je peux l'appeler ainsi) contient les mêmes fautes et les mêmes dispositions des matières. L'édition des OEuvres de Voltaire, 1742, cinq volumes in-12, présente des augmentations en plusieurs parties; mais c'est dans les Mélanges que sont toujours fondues les Lettres philosophiques: il en est de même de l'édition de 1751, 11 volumes petit in12, etc., etc.

MÉLANGES. I,

II

8

Si Palissot, homme de goût et d'esprit, et pourtant mauvais éditeur de Voltaire, eût fait ces réflexions, il n'aurait pas accablé de reproches les éditeurs de Kehl: reproches injustes, puisque leur position était celle de leurs prédécesseurs, et qu'ils n'étaient pas les premiers qui eussent dispersé ces Lettres; reproches ridicules dans la bouche de Palissot, qui, en se vantant de les rétablir telles que l'auteur les avait composées, dans toute la force de son génie, et dans l'ordre qu'il leur avait donné, n'a fait que copier des éditions qui avaient précédé celle de Kehl, et a donné ainsi, sous le titre de Lettres philosophiques, beaucoup de morceaux hétérogènes "7.

Il n'est plus nécessaire aujourd'hui de motiver longuement le rétablissement des Lettres philosophiques en corps d'ouvrage. Il n'est pas un lecteur de la correspondance de Voltaire qui ne soit bien aise de voir en quoi consistaient ces Lettres anglaises, dont Voltaire parle si souvent, dont il est question dans presque tous les ouvrages du temps, et qui ont causé tant de chagrin à leur auteur. Ces Lettres sont un des ouvrages qui ont eu le plus d'influence sur l'esprit humain dans le dix-huitième siècle. En les trouvant dispersées, il est naturel de croire que Voltaire n'aurait que suivi l'impulsion du siècle; leur réunion prouve qu'il l'a donnée.

Lorsqu'en 1818 je reproduisis, le premier, les Lettres philosophiques, je me conformai au texte de l'édition de 1734, et je donnai en variantes les additions ou corrections faites depuis par l'auteur. En donnant aujour

16 Les mots en italique sont ceux qu'emploie Palissot dans sa préface du tome XXIX de son édition des OEuvres de Voltaire.

17 Ainsi, quoique tout au plus vingt-sept pièces aient été, comme on l'a vu, produites sous le titre de Lettres philosophiques, Palissot donne sous cette dénomination trente-neuf morceaux.

d'hui dans le texte la dernière version de l'auteur, j'ai mis en variante la première. Ne pas donner de façon ou d'autre le texte de 1734, serait ne faire les choses qu'à demi, puisqu'un des motifs du rétablissement des Lettres philosophiques est de mettre le lecteur en état de voir ce qu'elles étaient lors de leur condamnation.

J'ai déjà dit que je ne donnais ici que les vingt-quatre Lettres sur les Anglais. J'ai parlé de trois autres. On a vu page 36 les Remarques sur les Pensées de Pascal, qui forment la xxv lettre; et page 97 la Lettre sur l'Incendie d'Altena. La Lettre sur l'Ame, imprimée en 1738, forme, depuis les éditions de Kehl, une section de l'article AME dans le Dictionnaire philosophique. Voyez tome XXVI, page 228-237.

Les Lettres philosophiques, condamnées par le parle. ment de Paris, en 1734, ne l'ont été à Rome que le 4 juillet 1752. Dans une note au bas de la première lettre, j'ai parlé de la Lettre d'un quaker, etc. On attribue à l'abbé Molinier les Lettres servant de réponse aux Lettres philosophiques de M. de V***, in-12 de quatre-vingt-deux pages, sans nom d'auteur ni d'imprimeur, réimprimées sous le titre de Réponse aux Lettres de M. de Voltaire, La Haye, 1735, petit in-8° de soixante-dix-huit pages, plus le titre. On trouve dans la Bibliothèque française, tome XXII, page 38, une Lettre de M. de B** (Bonneval) sur la critique de Molinier. La Réponse ou critique des Lettres philosophiques de M. de V*** par le R. P. D. P. B., à Bâle, 1735, in-12 de deux cent cinquante pages, est de Coq de Villerey, aidé de l'abbé Goujet, dit A. A. Barbier. Une note de l'abbé Sépher attribue ce livre à D. Perreau, béné

dictin.

D. R. Boullier, ministre protestant, mort en 1759,

fit, en 1735, insérer dans la Bibliothèque française des Réflexions sur quelques principes de la philosophie de M. Locke, à l'occasion des Lettres philosophiques de M. de Voltaire. Ce morceau est devenu la première des trois Lettres critiques sur les Lettres philosophiques de M. de Voltaire, 1753, in-12, volume dont j'ai déjà eu occasion de parler dans ma note première des Remarques sur les Pensées de Pascal, page 37. Les trois lettres de Boullier ont encore été réimprimées dans le volume intitulé: Guerre littéraire ou Choix de quelques pièces de M. de V***, avec les réponses, 1759, in-12 de CXL et 183 pages, volume reproduit sans avoir été réimprimé avec un nouveau titre portant seulement : Choix de quelques pièces polémiques de M. de V*******, avec les réponses, 1759.

Une Lettre sur Locke, par un avocat nommé Bayle, fut le sujet du Brevet accordé par Momus à l'auteur de la Lettre sur Locke, pièce satirique dont je ne parle ici que parcequ'elle a été omise dans les Mémoires pour servir à l'histoire de la calotte, nouvelle édition, 1752, six parties, petit in-12.

[ocr errors]

BEUCHOT.

[ocr errors]

LETTRES

PHILOSOPHIQUES.

LETTRE I'

Sur les quakers.

J'ai cru que la doctrine et l'histoire d'un peuple aussi extraordinaire que les quakers méritaient la curiosité d'un homme raisonnable. Pour m'en instruire, j'allai trouver un des plus célèbres quakers d'Angleterre, qui, après avoir été trente ans dans le commerce, avait su mettre des bornes à sa fortune et à ses desirs, et s'était retiré dans une campagne auprès de Londres. J'allai2 le chercher dans sa retraite; c'était une maison petite, mais bien bâtie et ornée de sa seule propreté 3. Le quakera était un vieillard frais qui n'a

1 Dans les éditions de Kehl et quelques autres, cette lettre et la suivante formaient la première section de l'article QUAKERS du Dictionnaire philosophique (voyez tome XXXII, page 49). Ce que Voltaire dit ici des Quakers, donna naissance à la Lettre d'un quaker à François de Voltaire, 1733. Barbier, qui attribue cette Lettre à Josias Martin, cite une édition de 1748. J'en possède une nouvelle édition, revue et corrigée, Londres, 1790, in-8°. B. 21734. « Je fus le chercher. » B.

3 1734. « Bien bâtie, pleine de propreté, sans ornement. » B.

*Il s'appelait André Pitt, et tout cela est exactement vrai, à quelques circonstances près. André Pitt écrivit depuis à l'auteur pour se plaindre de ce qu'on avait ajouté un peu à la vérité, et l'assura que Dieu était offensé de ce qu'on avait plaisanté les quakers.--- Cette note a été ajoutée en 1739. B.

« PoprzedniaDalej »