LE PREMIER DIMANCHE DU CAREME. L'Oraison qu'on dit à la Messe de ce jour. Dieu, qui purifiez votre Eglife par ce sacré tems de Carême qu'elle observe religieusement chaque année: faites que vos enfans s'efforcent d'obtenir de vous par leurs bonnes œuvres, la grace qu'ils vous demandent par leur abftinence. Par notreSeigneur, &c. L'EPITRE. Leçon tirée de la seconde Epître de l'Apôtre faint Paul aux Corinthiens. Chap. 6. M Es Freres: nous vous exhortons de ne recevoir pas en vain la grace de Dieu. Car il dit: je vous ai exaucé dans le tems de grace, & je vous ai fecouru au jour du falut. Voici maintenant le tems de grace, voici maintenant le jour du falut. Mais montronsnous en toutes chofes tels que doivent être des Ministres de Dieu; par beaucoup de patience dans les tribulations, dans les miferes, dans les déplaisirs extrêmes; sous les coups, dans les prifons, au milieu des seditions, parmi les travaux, par les veilles, par les jeûnes, par la chasteté, par la fcience, par la constance à supporter tout, par la douceur, par la vertu du Saint-Efprit, par une charité sincere; par la parole de la verité, par la puiffance qui vient de Dieu, par les armes de la justice, à droit & à gauche; foit que nous foyions dans l'honneur ou dans l'abjection: foit que nous foyions diffamez, ou que nous ayions une bonne reputation: comme fi nous étions des seducteurs, tout veritables que nous fommes en nos paroles: comme fi nous étions des inconnus, tout connus que nous sommes: comme prêts de mourir, & ne laissant pas de vivre: comme des gens qu'on châtie, mais qu'on ne tuë pas: comme étant triftes, & ayant toujours de la joye: comme étant pauvres & enrichissant plusieurs personnes : comme n'ayant rien, & poffedant tout. L'EVANGILE. La suite du saint Evangile felon Saint Matthieu. Chap. 4. N ce tems-là Jesus fut conduit par tenté par le demon; & après avoir jeûné quarante jours & quarante nuits, il cut faim, & le tentateur s'approchant, lui dit: fi vous êtes le Fils de Dicu, commandez que ces pierres se changent en pain. Jesus lui répondit : il est écrit, ce n'est pas le pain seul qui fait vivre l'homme; mais toute parole qui fort de la bouche de Dieu. Le demon enfuite le porta dans la sainté Cité, le mit sur le haut du Temple, & lui dit : Si vous êtes le Fils de Dieu; jettez-vous en bas; car il est écrit: il a chargé ses Anges du soin de votre personne, & ils vous porteront entre leur mains, de peur que votre pied ne heurte contre quelque pierre. Jesus lui répondit; il eft aufli écrit, vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. Le demon le porta encore fur une montagne fort haute, & lui fit voir tous les Royaumes du monde avec leur gloire; & lui dit : je vous donnerai tout cela, si vous vous prosternez pour m'adorer. Jesus lui ré pondit: retire - toi satan; car il est écrit: vous adorerez le Seigneur votre Dieu, & vous le servirez lui seul. Alors le demon le laissa; & au même moment les Anges vinrent, & ils lui fervoient à manger. 1o. PRATIQUES DE PIETE'. N 'Attribuons pas toujours au Demon nos chûtes; quelque grande que foit sa malice, notre défaite dans les tentations n'est pas toujours fon ouvrage : nous nous tentons nousmêmes souvent plus dangereusement, & avec plus de malignité qu'il ne feroit. A quoi bon employer ses armes contre des gens qui nourrissent dans leur fond, la contagion qui doit les faire perir; & qui font plus industrieux à s'empoifonner, que lui-même n'est attentif & empressé à les perdre? Qu'a-t-il besoin d'allumer un feu qui n'est jamais éteint, qu'on nourrit même avec expressement; & qui brûle sans cesse? On court aux spectacles, le théatre, les entretiens scandaleux, les assemblées où regne le vice sans déguisement, les parties de plaisirs les plus licencieuses font aujourd'hui la plus serieuse occupation des gens du monde. Le luxe étale tous les jours ce qu'il a de plus tentant; on rougit presque du nom de Chrétien : & l'on ose dire après cela, que le Demon nous tente. Fuyez avec zèle toutes ces occalions de peché. Soyez affidu à la priere, mortifiez vos sens, domptez vos passions, vivez en Chrétien : & la tentation fera pour vous un sujet de victoire, & de merite. 2o. Ne vous exposez point au danger, & vous n'y perirez point. Défiezvous fans cesse de votre naturel, & regardez comme votre principal ennemi, votre amour propre. Quelque faint que foit votre état, défiez-vous de votre propre fond. Les meilleures terres abondent toujours en mauvaises herbes, fi la culture manque. Gardez avec une fcrupuleuse ponctualité vos regles, si vous êtes dans l'état religieux; défiez-vous d'un zèle trop impetueux, foyez exact observateur de toutes vos pratiques de pieté; ne negligez poins l'examen de confcience. Rendez-vous utile l'usage des Sacremens; avec ces sages précautions, demandant afslidument le secours du Ciel, les tentations purifieront votre vertu, bien loin de vous nuire. |