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met pas de légèreté de matière. L'ignorance ne peut excuser, à cet égard, un ministre de la religion; car il est tenu, par état, de savoir tout ce qui tient à la validité des sacrements, et de les administrer avec toute l'attention dont on est moralement capable. Cependant, pour ce qui regarde les simples fidèles, s'ils omettaient quelque chose d'essentiel dans la forme ou dans la matière du Baptême, l'ignorance pourrait les excuser, à moins qu'ils ne fussent obligés, par leur profession, d'être instruits de ce qui est nécessaire pour l'administration de ce sacrement, comme le sont en effet les sages-femmes et les chirurgiens.

Le changement dans la matière ou dans la forme sacramentelle, quoique accidentel, est presque toujours mortel. Ainsi ce serait une faute grave, pour un prêtre de l'Église latine, de célébrer avec du pain levé, quoique ce pain soit une matière suffisante pour la consécration. On pécherait encore mortellement, si on négligeait de mettre de l'eau avec le vin dans le calice pour la célébration des saints mystères, ou si on avait la témérité de prononcer en français les paroles sacramentelles de l'Eucharistie, ou d'en retrancher quelque chose, si on excepte peut-être la particule enim. Mais on convient généralement qu'il n'y aurait qu'un péché véniel dans l'omission même volontaire du mot ego, qui se trouve au commencement de la forme du Baptême et de quelques autres sacrements.

17. On ne doit point se contenter d'une matière ou d'une forme douteuse pour l'administration d'un sacrement. Ce serait traiter indignement les choses saintes, que d'exposer un sacrement au danger de la nullité, lorsqu'on peut d'ailleurs en assurer la validité. Aussi, le pape Innocent XI a condamné la proposition suivante : «Non est illicitum in conferendis sacramentis sequi opinionem probabilem de valore sacramenti, relicta tutiore (1). » Mais on peut, on doit même faire usage d'une matière probable ou douteuse, lorsqu'il y a nécessité d'administrer un sacrement, de baptiser ou d'absoudre un malade qui est à l'article de la mort, si on ne peut d'ailleurs se procurer une matière certaine. Les sacrements sont pour les hommes, ils sont établis pour notre salut; il vaut donc mieux les exposer au danger d'être nuls, que d'exposer une âme au danger de la damnation éternelle: Sacramenta propter homines. On peut aussi absoudre un pénitent, même en santé, des dispositions duquel on a une probabilité prudente, sans en avoir

(1) Décret de l'an 1679.

une certitude morale proprement dite; autrement on ne pourrait presque jamais donner l'absolution: « Sufficit, dit saint Alphonse « de Liguori, quod confessarius habeat prudentem probabilitatem << de dispositione pœnitentis, et non obstet ex alia parte prudens suspicio indispositionis; alias vix ullus posset absolvi, dum quæ« cumque signa pœnitentiæ non præstant nisi probabilitatem dispo«sitionis (1). » La condamnation de la proposition, Non est illicitum in conferendis sacramentis, etc., n'est applicable qu'au cas où le ministre d'un sacrement préfère, au préjudice de celui qui le demande, une matière probable à une matière certaine qui est à sa disposition. Or, ce n'est point le confesseur, mais le pénitent, qui fournit la matière du sacrement de la réconciliation (2).

18. La forme sacramentelle est absolue ou conditionnelle, suivant qu'elle renferme ou ne renferme pas de condition. Or, on peut, on doit même baptiser sous condition, lorsqu'on doute si le Baptême a été administré ou s'il l'a été validement. La forme conditionnelle pour le Baptême est fort ancienne; nous la trouvons dans les capitulaires de Charlemagne, et l'Église l'a consacrée par une pratique générale. Elle est ainsi conçue dans tous les rituels: Si tu non es baptizatus ou baptizata, ego te baptizo in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. On ne voit pas que l'Église ait prescrit des formules sous condition pour les autres sacrements. Cependant, on convient communément qu'on peut conférer ou réitérer conditionnellement un sacrement quelconque, toutes les fois qu'on ne peut autrement concilier le respect dû aux choses saintes avec les besoins spirituels des fidèles. Ainsi, le confesseur qui doute s'il a donné l'absolution à son pénitent, peut l'absoudre sous condition : on la donne aussi conditionnellement à un enfant qui a commis une faute grave, si on doute qu'il ait l'usage de raison. Il en est de même pour le cas où il s'agit d'absoudre un fidèle qui laisse à douter s'il est encore en vie; on l'absout sous cette condition, si vivis. Mais il est important de remarquer qu'on ne peut à volonté administrer un sacrement sous condition; il y aurait même péché mortel à le faire sans qu'il y eût nécessité ou au moins grande utilité : « Commune est, dit saint Alphonse, esse mortale ministrare « sacramenta (sub conditione), si non adsit causa necessitatis vel gravis utilitatis; illicitum est enim sine tali causa sacramentum conferre cum dubio effectu (3). » Nous ferons remarquer aussi que,

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(1) Lib. vi. no 461.—(2) Goritzia, Epitome Theol. moral. tabula 162; Agudius, de Sacramentis, part. 1. cap. 2; Suarez, in part. 1. disp. 6. (3) Lib. VI. no 28.

quand il s'agit d'un autre sacrement que le Baptême, il n'est pas nécessaire d'exprimer la condition; il suffit d'avoir l'intention d'agir conditionnellement : « Nullatenus requiritur ut conditio ore « exprimatur, sed sufficit mente concipi (1). »

CHAPITRE III.

Des Effets des Sacrements.

19. Les effets des sacrements sont la grâce et le caractère. On distingue la grâce sanctifiante et la grâce sacramentelle, la première grâce sanctifiante, qui réconcilie le pécheur avec Dieu; et la seconde grâce sanctifiante, qui augmente en nous la grâce de la justification. La grâce qu'on appelle plus spécialement sacramentelle, est la grâce même sanctifiante ou habituelle, à laquelle sont attachés des secours spirituels et particuliers, qui nous sont donnés dans des circonstances où nous avons à remplir les obligations que nous impose chaque sacrement.

ARTICLE I.

De la Gráce qu'on reçoit par les Sacrements.

20. A la différence des sacrements de l'ancienne loi, qui ne produisaient point la grâce, qui signifiaient seulement qu'elle devait nous être donnée en vue des mérites de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les sacrements de la loi nouvelle contiennent en eux la grâce, et la confèrent à ceux qui les reçoivent dignement: « Continent gratiam, et ipsam digne suscipientibus conferunt,» dit le pape Eugène IV (2). Il est de foi que les sacrements institués par Jésus-Christ produisent la grâce immédiatement, par eux-mêmes, dans tous ceux qui n'y mettent point d'obstacle, non ponentibus obicem; ils la confèrent ex opere operato, pour nous servir des expressions de l'école, consacrées par le concile de Trente (3).

21. Il y a deux sacrements qui sont institués pour conférer la première grâce sanctifiante: ce sont le Baptême et la Pénitence. En effet, ces deux sacrements ont, d'après leur institution, la vertu

(1) Lib. vi. no 29. — (2) Decret. ad Armenos. - (3) Sess. vi. can. 6, 7, 8.

de nous purifier du péché mortel et de nous rendre à la vie de la grâce; on les appelle sacrements des morts, parce qu'ils sont principalement pour ceux qui ont perdu la vie de la grâce par le péché mortel. Cependant, il peut arriver que le catéchumène et le pénitent se trouvent justifiés par la charité parfaite, avant que de s'approcher du sacrement de Baptême ou de celui de la Pénitence: dans ce cas, ils ne peuvent recevoir que la seconde grâce sanctifiante, c'est-à-dire, une augmentation de la grâce. La vraie justice, dit le concile de Trente, commence, est augmentée ou recouvrée par les sacrements: « Per sacramenta omnis vera justitia vel incipit « vel cœpta augetur, vel omissa reparatur (1). »

22. Les autres sacrements, au nombre de cinq, savoir : la Confirmation, l'Eucharistie, l'Extrême-Onction, l'Ordre et le Mariage, sont établis pour conférer la seconde grâce sanctifiante, c'est-à-dire, augmenter en nous la grâce reçue par le Baptême ou la Pénitence; ils ne le sont pas pour rendre l'homme juste, mais pour le rendre plus juste. On les appelle sacrements des vivants, parce que, ordinairement, on ne peut les recevoir avec fruit qu'autant qu'on a déjà la vie de la grâce. Nous disons ordinairement; car il arrive, par extraordinaire, qu'ils confèrent quelquefois la première grâce : si celui qui, étant coupable de quelque péché mortel, se croit en état de grace; si, en se préparant à recevoir un sacrement des vivants, il éprouve, nous ne disons pas la contrition parfaite, mais un sentiment d'attrition, tel qu'il est nécessaire pour recevoir l'absolution sacramentelle, ce sacrement aura tous ses effets: en communiquant à celui qui le reçoit la grâce, il lui obtiendra par lui-même le pardon et la rémission de tous ses péchés : « Sacramenta vivorum, dit saint Al« phonse de Liguori, aliquando primam gratiam conferre possunt, « scilicet cum aliquis putans non esse in statu peccati mortalis, vel <«< existimans se contritum, accedit cum attritione ad sacramen<< tum (2). » Ce n'est pas seulement l'opinion de quelques théologiens, nonnulli, comme le dit l'auteur de la Théologie de Poitiers, mais bien le sentiment le plus commun, le plus généralement admis, communior theologorum sententia, comme l'affirme le rédacteur de la Théologie de Périgueux (3). Ce n'est pas l'état du péché, mais l'affection au péché mortel, qui est l'obex, l'obstacle à l'entrée de la grâce dans notre âme. Voici comment Collet l'explique: « Dicunt «(adversarii) ipsum peccati statum esse obicem gratiæ, sed male;

(1) Sess. VII. De Sacramentis proœmium. (2) Lib, vì. no 6. moral. de Sacramentis, cap. IV.

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siquidem Tridentinum iis duntaxat gratiam conferri negat qui « eidem obicem ponunt; vox autem ponere sonat aliquid quod ac«tive se habere potest; ergo ipse quidem peccator gratiæ obicem « ponere potest, et ponit de facto, cum in peccato sibi complacere perseverat; sed obicem per se immediate non ponit pecca« tum (1). »

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23. Outre la grâce sanctifiante, chaque sacrement confère une grâce qui lui est propre. Le Baptême, en nous donnant une nouvelle naissance, une nouvelle vie, nous donne en même temps une grâce particulière pour vivre conformément à l'esprit de l'Evangile. La Confirmation développe en nous la vie spirituelle, et nous communique la force de combattre les ennemis de notre salut. Il en est de même des autres sacrements; ils ont tous une vertu qui répond à la fin pour laquelle ils ont été institués. Le même sacrement ne confère pas toujours la grâce au même degré. Un sujet reçoit une grâce plus ou moins abondante, selon qu'il est plus ou moins bien disposé. La grâce du Baptême, dit le concile de Trente, est reçue suivant la mesure que le Saint-Esprit donne à chacun, proportionnellement à la disposition et à la coopération de celui qui est baptisé : « Secundum mensuram quam Spiritus Sanctus partitur singulis, prout vult, secundum propriam cujusque dispositionem « et cooperationem (2). »

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24. On croit généralement que quand le Baptême n'a pas eu son effet, faute de disposition de la part de celui qui l'a reçu, la grâce sacramentelle revit par la pénitence. « Oportet, dit saint Thomas, quod, remota fictione per pœnitentiam, Baptismus statim consequatur suum effectum (3). » Il doit en être de même des sacre

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(1) De Sacramento Eucharistiæ, cap. vш. Nous avons dit que le sentiment que nous émettons ici était le sentiment le plus commun: en effet, c'est le sentiment de S. Thomas, de S. Antonin, de S. Alphonse de Liguori, de Collet, du théologien de Périgueux, de Pontas, de Noël-Alexandre, de Drouhin, de Montagne, de l'auteur de la Théologie de Lyon, de Saettler, de Simonnet, de Thomas de Charmes, d'Isambert, de Bonal, de Genet, de Boyvin, de Gonet, de Joseph-Antoine, de Goritzia, de Billuart, d'Alazia, de Dens, de la Croix, de Ger. vais, de Coq, de Sporel, de Coninck, de Reuter, de Mazzotta, de Roncaglia, d'Holzmann, d'Henri de Saint-Ignace, de Barthélemi Durand, de Monschein, de Larraga, d'Anglès, d'Aversa, de Palaus, de Bécan, de Bonacina, de Viva, de Ferraris, de Matteucci, d'Agudius, de Taberna, de Mastrius, de Léander, de Capréol, de Tanner, de Nugnus, de Gabriel, de Vivaldus, de Wigands, d'Henriquez, de Sylvius, de Renaud (Reginaldus), de Jean de Saint-Thomas, de Rhodes, de Sylvestre, de Grégoire de Valence, du cardinal Tolet, du cardinal Bellarmin, de Navarre, de Soto, de Cajétan, de Durand de Saint-Pourçain, etc., etc. — (2) Sess. vi. cap. 7. -- (3) Sum. part. 3. quæst. 69. art. 10

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