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revenir en Crète; mais la tempête fut si violente, que le pilote de son vaisseau, et tous les autres qui étoient experimentés dans la navigation, crurent que leur naufrage étoit inévitable. Chacun avoit la mort devant les yeux; chacun voyoit les abymes ouverts pour l'engloutir: chacun déploroit son malheur, n'espérant pas même le triste repos des ombres qui traversent le Styx après avoir reçu la sépulture. Idoménée, levant les yeux et les mains vers le ciel, invoquoit Neptune: O puissant Dieu, s'écrioit-il, toi qui tiens l'empire des ondes, daigne écouter un malheureux: si tu me fais revoir l'isle de Crète malgré la fureur des vents, je t'immolerai la première tête qui se présentera à mes yeux.

Cependant son fils, impatient de revoir son père, se hâtoit d'aller au-devant de lui pour l'embrasser: malheureux, qui ne savoit pas que c'étoit courir à sa perte! Le père échappé à la tempête arrivoit dans le port désiré; il remercioit Neptune d'avoir écouté ses vœux: mais bientôt il sentit combien ses vœux lui étoient funestes. Un pressentiment de son malheur lui donnoit un cuisant repentir de son vœu indiscret; il craignoit d'arriver parmi les siens, et il appréhendoit de revoir ce qu'il avoit de plus cher au monde. Mais la cruelle Némesis, Déesse impitoyable qui veille pour punir les hommes et surtout les rois orgueilleux, poussoit d'une main fatale et invisible Idoménée. Il arrive à peine ose-t-il lever les yeux. Il voit son fils: il recule, saisi d'horreur. Ses yeux cherchent, mais en vain, quelque autre tête moins chère qui puisse lui servir de victime.

Cependant le fils se jette à son cou, et est tout étonné que son père réponde si mal à sa tendresse; il le voit fondant en larmes. O mon père, dit-il, d'où vient cette tristesse? Après une si longue absence êtes-vous fâché de vous revoir dans votre royaume, et de faire la joie de votre fils? Qu'ai-je fait? vous détournez vos yeux de peur de me voir! Le père, accablé de douleur, ne répondit rien. Enfin, après de profonds soupirs, il dit: Ah! Neptune, que t'ai-je promis! à quel prix m'as-tu garanti du naufrage! rends-moi aux vagues et aux rochers qui 'devoient en me brisant finir ma triste vie; laisse vivre

mon fils. O Dieu cruel! tiens, voilà mon sang, épargne le sien. En parlant ainsi il tira son épée pour se percer; mais ceux qui étoient autour de lui arrêtèrent sa main.

Le vieillard Sophronyme, interprète des volontés des Dieux, lui assura qu'il pourroit contenter Neptune sans donner la mort à son fils. Votre promesse, disoit-il, a été imprudente: les Dieux ne veulent point être honorés par la cruauté; 5gardez-vous bien d'ajouter à la faute de votre promesse celle de l'accomplir contre les lois de la nature; offrez à Neptune cent taureaux plus blancs que la neige; faites couler leur sang autour de son autel couronné de fleurs; faites fumer un doux encens en l'honneur de ce Dieu.

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Idoménée écoutoit ce discours la tête baissée et sans répondre la fureur étoit allumée dans ses yeux; son visage pâle et défiguré changeoit à tout moment de couleur; on voyoit ses membres tremblans. Cependant son fils lui disoit: "Me voici, mon père; votre fils est prêt à mourir pour apaiser le Dieu; n'attirez pas sur vous sa colère: je meurs content puisque ma mort vous aura garanti de la vôtre. Frappez, mon père; ne craignez point de trouver en moi un fils indigne de vous, qui craigne de

mourir.

En ce moment Idoménée, tout hors de lui et comme déchiré par les Furies infernales, surprend tous ceux qui l'observoient de près; il enfonce son épée dans le cœur de cet enfant: il la retire toute fumante et pleine de sang pour la plonger dans ses propres entrailles; il est encore une fois retenu par ceux qui l'environnent.

L'enfant tombe dans son sang; ses yeux se couvrent des ombres de la mort; il les entr'ouvre à la lumière; mais a peine l'a-t-il trouvée, qu'il ne peut plus la supporter. Tel un beau lis au milieu des champs, coupé dans sa racine par le tranchant de la charrue, languit et ne se soutient plus; il n'a point encore perdu cette vive blancheur et cet éclat qui charme les yeux, mais la terre ne le nourrit plus, et sa vie est éteinte: ainsi le fils d'Idoménée, comme une jeune et tendre fleur, est cruellement moissonné dès son premier âge.

Le père, dans l'excès de sa douleur, devient insensible;

il ne sait où il est, ni ce qu'il a fait, ni ce qu'il doit faire; il marche chancelant vers la ville, et demande son fils.

Cependant le peuple, touché de compassion pour l'enfant et d'horreur pour l'action barbare du père, s'écrie que les Dieux justes l'ont livré aux Furies. La fureur leur fournit des armes; ils prennent des bâtons et des pierres; la discorde souffle dans tous les cœurs un venin mortel. Les Crétois, les sages Crétois, oublient la sagesse qu'ils ont tant aimée; ils ne reconnoissent plus le petit-fils du sage Minos. Les amis d'Idoménée ne trouvent plus de salut pour lui qu'en le ramenant vers ses vaisseaux: ils s'embarquent avec lui; ils fuient à la merci des ondes. Idoménée, revenant à soi, les remercie de l'avoir arraché d'une terre qu'il a arrosée du sang de son fils, et qu'il ne 'sauroit plus habiter. Les vents les conduisent vers l'Hespérie, et ils vont fonder un nouveau royaume dans le pays des Salentins. FENELON.

1faire voile, to sail. que c'étoit, that to do so was to. 3les siens, his people. 4devoient, were to. 'gardez-vous bien de, beware from. here I am. 7de près, closely. cannot.

FAMOUS RETREAT OF SCHULLEMBOURG.

Auguste confia pour quelque temps le commandement de son armée au comte Schullembourg, général très habile, et qui avoit besoin de toute son expérience à la tête d'une armée découragée. Il songea plus à conserver les troupes de son maitre qu'à vaincre il faisoit la guerre avec adresse, et les deux rois avec vivacité. Il leur 'deroba des marches, occupa des passages avantageux, sacrifia quelque cavalerie pour donner le temps à son infanterie de se retirer en sûreté. Il sauva ses troupes par des retraites glorieuses devant un ennemi avec lequel on ne pouvoit guère alors acquérir que cette espèce de gloire.

A peine arrivé dans le palatinat de Posnanie, il apprend que les deux rois, qu'il croyoit à cinquante lieues de lui, avoient fait ces cinquante lieues en neuf jours. Il n'avoit que huit mille fantassins, et mille cavaliers; il falloit se

soutenir contre une armée supérieure, contre le nom du roi de Suède, et contre la crainte naturelle que tant de défaites inspiroient aux Saxons. Il avoit toujours prétendu, malgré l'avis des généraux allemands, que l'infanterie pouvoit résister en pleine campagne, même sans chevaux de frise, â la cavalerie: il en osa faire ce jourlà l'expérience contre cette cavalerie victorieuse, commandée par deux rois, et par l'élite des généraux suédois. Il se posta si avantageusement qu'il ne put être entouré: son premier rang mit le genou en terre; il étoit armé de piques et de fusils; les soldats extrêmement serrés présentoient aux chevaux des ennemis une espèce de rempart "hérissé de piques et de baïonnettes : le second rang, un peu courbé sur les épaules du premier, 'tiroit par-dessus; et le troisième debout 'faisoit feu en même temps derrière les deux autres. Les Suédois fondirent avec leur impétuosité ordinaire sur les Saxons, qui les attendirent sans s'ébranler: les coups de fusil, de pique, et de baïonnette, effarouchèrent les chevaux, qui se cabroient au lieu d'avancer; par ce moyen les Suédois n'attaquèrent qu'en désordre, et les Saxons se défendirent en gardant leurs rangs.

Il en fit un bataillon quarré long; et quoique chargé de cinq blessures, il se retira en bon ordre en cette forme, au milieu de la nuit, dans la petite ville de Gurau, à trois lieues du champ de bataille. A peine commençoit-il de respirer dans cet endroit que les deux rois paroissent tout-à-coup derrière lui.

Au-delà de Gurau, en tirant vers le fleuve de l'Oder, étoit un bois épais, au travers duquel le général saxon sauva son infanterie fatiguée : les Suédois, sans 'se rebuter, le poursuivirent par le bois même, avançant avec difficulté dans des routes à peine praticables pour des gens de pied: les Saxons n'eurent traversé le bois que cinq heures avant la cavalerie suédoise. Au sortir de ce bois coule la rivière de Parts, au pied d'un village nommé Rutsen. Schullembourg avait envoyé en diligence rassembler des bateaux; il fait passer la rivière à sa troupe, qui étoit déjà diminuée de moitié: Charles arrive dans le temps que Schullembourg étoit à l'autre bord: jamais vainqueur

n'avoit poursuivi si vivement son ennemi. La réputation de Schullembourg dépendoit d'échapper au roi de Suede; le roi, de son côté, croyoit sa gloire intéressée à prendre Schullembourg et le reste de son armée: il ne perd point de temps; il fait passer sa cavalerie à un gué. Les Sa xons se trouvoient enfermés entre cette rivière de Parts et le grand fleuve de l'Oder, qui prend sa source dans la Silésie, et qui est déjà profond et rapide en cet endroit.

La perte de Schullembourg paroissoit inévitable; cependant, après avoir sacrifié peu de soldats, il passa l'Oder pendant la nuit. Il sauva ainsi son armée; et Charles ne put s'empêcher de dire: "Aujourd'hui Schullembourg nous a vaincus.'

'concealed. feu, to frre. couraged.

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faire, to travel. bristled up.
coups de fusil, firing of guns.

VOLTAIRE.

4tirer, to fire. faire 7se rebuter, to be dis

3au sortir, just beyond. ne put s'empêcher, could not help.

SECTION VII.

BATTLE OF ROCROI.

A la nuit qu'il fallut passer en présence des ennemis, comme un vigilant capitaine, le duc d'Enghien réposa le dernier; mais jamais il ne reposa plus paisiblement. la veille d'un si grand jour, et, dès la première bataille, il est tranquille, tant il se trouve dans son naturel; et on sait que le lendemain, à l'heure marquée, il fallut reveiller d'un profond sommeil 'cet autre Alexandre. Le voyez-vous comme il vole ou à la victoire ou à la mort? Aussitôt qu'il eut porté de rang en rang l'ardeur dont il étoit animé, on le vit presque en même temps pousser l'aile droite des ennemis, soutenir la nôtre ébranlée, rallier les François à demi vaincus, mettre en fuite l'Espagnol victorieux, porter partout la terreur, et étonner de ses regards étincelans ceux qui échappoient à ses coups.

2Restoit cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne, dont les gros bataillons serrés, semblables à autant de tours, mais à des tours qui sauroient réparer leurs brèches, demeuroient inébranlables au milieu de tout le

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